Après l'excellent Life In The Jungle, voici le deuxième effort studio du WALTER TROUT BAND. Et je ne vous le cacherais pas : malgré le fait que j'aime beaucoup le bluesman, ce disque reste une sacrée déception. Les raisons sont multiples, mais peuvent être résumées à ceci : on n'entend pas assez sa guitare. Son jeu flamboyant et passionné, qui est son plus grand atout, est si peu mis en valeur sur cet album que l'on en vient à se demander si il n'est pas un simple guest dans sa propre production.

Tout n'est pas à jeter pour autant. En plus des grattes et de l'orgue Hammond s'invitent saxophone sur le morceau éponyme et chœurs féminins sur "The Love That We Once Knew", apportant une variété bienvenue. "Prisoner Of A Dream", qui dénonce la fausseté du rêve américain, est d'ailleurs excellente, ça swingue comme il faut, joli solo, rien à redire. Le blues lent de "Say Goodbye To The Blues" n'est pas sans rappeler Albert KING ou COLLINS, et permet d'apprécier le travail de TROUT à la guitare. On aurait même pu se passer complètement des paroles et obtenir ainsi un très bon instrumental. Enfin "False Alarm" et son harmonica taquin possède un petit côté "blues sixties" pas déplaisant.

Passons aux choses qui fâchent. D'entrée de jeu on remarque un changement au niveau du son, affadi par une production trop lisse et des synthés aussi inutiles qu'envahissants, surtout sur les ballades. Parlons-en des ballades, justement. Bien plus nombreuses que sur l'album précédent (de deux elles sont passées à six), si elles sont appréciées pour la diversité qu'elles apportent entre deux morceaux plus cadencés, ce n'est clairement pas là que Walter Trout brille le plus. Quoique "The Love That We Once Knew" s'avère sympathique, surtout grâce aux interventions - trop courtes mais salvatrices - de la gratte de Walter, "Sweet As A Flower" est insupportable avec son rythme pseudo-latino. La reprise de "Love In Vain" concentre et incarne toutes les fautes commises sur le disque. Non seulement Trout n'a clairement pas le calibre vocal nécessaire pour réussir ce genre de ballade, mais son solo dévide les notes beaucoup trop vite pour que l'émotion s'installe. Cette chanson est tout simplement à l'opposé total du style qu'il pratique, et dès lors sa reprise était vouée à l'échec. Le pire est atteint avec "Girl From The North Country". Avant la première écoute j'étais un peu sceptique mais intéressé par les possibilités, d'autant plus que c'est une de mes préférée de notre cher DYLAN, qui a, ne l'oublions pas, des racines bien ancrées dans le blues. Au final cela donne Trout qui s'égosille en essayant de faire passer l'émotion dans son chant sur fond de synthés mielleux. Triste monde que celui-là.

Avec Prisoner Of A Dream, Walter TROUT s'éloigne de ses racines blues pour aller vers un rock plus "mainstream", et perd en chemin beaucoup de ce qui faisait la qualité de sa musique, à commencer par sa spontanéité et son expressivité sauvage. Au fond, ce que je reproche le plus à cet album, c'est qu'il échoue complètement à restituer l'énergie que TROUT est capable de déployer en live, et ce n'est pas l'ennuyeux bonus "Tribute To Muddy Waters" qui va changer la donne. Bon, cela dit, le disque reste dans les limites de la décence musicale, les erreurs commises peuvent être excusées comme les tâtonnements d'un artiste qui se cherche encore, et il contient même quelques bons morceaux. Toutefois le musicien à montré qu'il était capable de mille fois mieux, d'où mon intransigeance envers les bévues qui parsèment le disque. Heureusement, ce n'est là que le début de sa carrière solo, et la suite s’avérera être d'un meilleur niveau.