AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Est-il utile encore de rappeler le choc que fut en 1960 la sortie de Psychose d'Alfred HITCHCOCK, les cris de terreur de l'actrice Janeth LEIGH couverts par ceux du public dans la salle lors de la fameuse scène du meurtre sous la douche?
Psychose demeure encore aujourd'hui le film le plus populaire du grand Hitch, le prototype du film d'horreur moderne auscultant l'âme tourmentée d'un psychopathe en l'éclairant sous l'angle de plus en plus démocratisé de la psychanalyse freudienne. C'est dire l'importance capitale du film dans l'histoire du cinéma horrifique.
Il s'agit d'un des rares cas de film indissociable de sa musique. Le score archi célèbre de Bernard HERRMANN a terrorisé des millions de spectateurs toutes époques confondues. Il demeure lui aussi une borne historique de la musique de film. Jamais auparavant un compositeur n'avait à ce point exacerbé un tel climat de terreur par une utilisation de l'orchestre épidermique qui porte la marque d'un compositeur hors-norme et novateur.

Bernard HERRMANN n'était pas un artiste docile, il n'aimait pas qu'on conteste ses idées et n'hésitait pas à se mêler du script des films qu'il mettait en musique quand il jugeait que des éléments nécessitaient des modifications. Ce n'est pas pour rien qu'HERMANN fut l'ami de l'immense Orson WELLES qui lui confia sa première BO à l'occasion de Citizen Kane, autre classique du 7ième art. Les deux hommes étaient des francs-tireurs qui s’accommodaient mal avec le système capitaliste des grands studios de cinéma.

Comme Alfred HITCHCOCK était lui-même une très forte personnalité, sa collaboration avec Bernard HERRMANN a soulevé bien des étincelles par ses rapports de force constants. C'est même assez incroyable qu'ils aient pu collaborer sur autant de films : L'Homme Qui en Savait Trop, La Mort aux Trousses, Sueur Froide, Psychose, Pas de Printemps Pour Marnie. Jusqu'à l'implosion : HITCHCOCK a viré HERRMANN d'un film pour lequel il avait pourtant déjà composé la musique. Le compositeur ne le lui pardonna jamais. La rupture fut définitive.

Psychose reste donc l'avant-dernière collaboration entre les deux artistes. Si c'est probablement la plus célèbre, du moins la plus retentissante, ce n'est pas toutefois la réussite éclatante de Sueur Froide qui reste à ce jour le chef-d'oeuvre d'HERRMANN qu'il surpassa ô miracle avec Obsession, ce dernier n'étant pas un film d'HITCHCOCK mais de Brian DePALMA son grand admirateur.

Psychose demeure sans-doute l'exemple parfait du style d'HERRMANN où l'exécution compte davantage que la mélodie. Des mélodies, on ne peut pas dire que cette BO en compte beaucoup. C'est ce qui la rend entre autre difficile à écouter sans l'apport des images. Tout au plus peut-on isoler quelques phrases musicales que le compositeur répète inlassablement comme des leitmotiv liés à tel ou tel personnage du récit.

Il y a notamment ce "Prélude" infernal où les cordes alternent des notes brèves à un rythme endiablé et une série de notes longues coulées pour créer un effet de toupie. La mélodie semble n'avoir ni début ni fin, elle vrille les tympans jusqu'à susciter une vraie panique: résultat extrêmement perturbant qu'on entend à divers moments du disque dont "The Rainstorm" avec d'imperceptibles variations touchant principalement l'intensité insufflée par les instruments.
"The Bathroom" est la pièce la plus traumatisante dont les cordes grattées avec une violence inouïe agissent comme autant de coups de poignard dans la chair. Il s'agit c'est vrai de la séquence du meurtre sous la douche, la première de l'histoire du cinéma, ensuite cela deviendra un cliché au cours des années 70 et 80.

Mis à part ces deux phrases spectaculaires, le reste du score demeure étrangement doux. Les cordes entament en sourdine des circonvolutions répétitives qui ont la manie de troubler malgré tout la quiétude apparente qu'elles voudraient souligner. Le climat anxiogène qu'elles génèrent parcourt ainsi tout le disque. C'est ainsi qu'HERRMANN traduit le désordre mental de Norman Bates qui peut rester des jours entiers silencieux, calme, affable, poli, timide... avant que sa schizophrénie ne le rattrape et qu'il n'explose dans un geyser de cris, de sang et de larmes.
Tous les passages en sourdine, limite ambients, servent remarquablement les séquences climatiques du film, mais ne présentent pas un intérêt majeur pour le mélomane.

Psychose reste malgré tout une référence indéniable de la musique de film,et en particulier du film d'horreur.
En tant que score de Bernard HERRMANN, ce n'est pas son apogée musicale. Nous verrons combien autrement inspiré il fut par d'autres films d'HITCHCOCK ou de metteurs en scène différents.