Quand on est un groupe de pop des années 60, le temps défile à vitesse grand V. Un LP est sorti ? Vite, il faut faire le maximum de concerts avant de retourner en studio pour sortir un nouvel opus quelques mois plus tard ! Les Mamas and the Papas n'échappent en rien à cette règle, et ce d'autant plus que leurs précédents disques ont été de francs succès et que Dunhill veut toujours la même chose financièrement parlant. John Philipps entend bien sa maison de disques, et lui et ses camarades retournent au plus tôt en studio à l'automne 1966. Quelques mois plus tard, et après la naissance de la fille de Cass Eliott, un autre nouveau-né arrive dans les bacs, sous le nom révélateur de Deliver.

La forme de Deliver est assez intéressante, et témoigne peut-être de la volonté de Philipps de se démarquer en tant que compositeur. En effet, 4 des 6 chansons de la face A sont des reprises, alors que le reste de l'album est original. En cette riche année 1967, le groupe se place dans le courant des formations qui cherchent à juste titre à se démarquer de leurs aînées de manière radicale.

Côté reprises, celle qui se démarque bien des autres est "Twist and Shout". Non seulement les Mamas and the Papas prennent le pari de faire de ce hit rock'n'roll une ballade dans leurs cordes, mais en plus ils y parviennent. Difficile dès lors de revenir sur la version originale ou pire, celle des Beatles. "Sing for Your Supper" montre une nouvelle fois Cass Eliott en vedette dans une merveille de pop sixties et de refrains enchanteurs – oui oui, je parle bien des « pa pa pa ». Les deux autres reprises sont sympas, mais n'ont rien de particulièrement marquantes.

Côté compos inédites, les Mamas et les Papas déçoivent un peu avec "Creeque Alley". Quelque peu autobiographique, elle n'est qu'à moitié entraînante, tout juste bonne à animer un feu de camp avec cette fille qu'on n'aura jamais. À l'opposé, la perle de Deliver se trouve être "String Man". En l'occurrence, c'est Michelle Philipps qui se place en première ligne, pour une chanson aux paroles charmantes, et surtout, surtout, cette science ultime des choeurs, un refrain à chanter à tue-tête. Frustration est pour sa part très étonnante, voire choquante, puisque c'est... un instrumental. Oui oui, un morceau sans aucune voix – d'où le titre ? - qui peut très bien s'écouter en boucle. Il n'est pas non plus surprenant de voir "Look Through my Window" choisi en tant que single tant ce choix est évident, et l'instrumentation relativement plus sobre de "Did You Ever Cry" mêlée au chant détache de Cass Eliott touche en plein dans le mille.

1967 est, à l'instar de la précédente année, un millésime favorable à The Mamas and the Papas. Le groupe sort un troisième album qui lui fait honneur, mais la série multicolore ne s'arrête pas là. En effet, le groupe atteindra son sommet en organisant le festival de pop de Monterrey, qui sera considéré comme le vrai point de départ du Summer of Love – dois-je encore décrire ce que c'est ? Les membres eux-même le disent, ils ont la sensation d'être au sommet. Certes, mais il existe une loi immuable, incontestable, qui ne saurait souffrir d'exception : tout ce qui monte doit redescendre. Et la descente sera dure, très dure.