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Ennio MORRICONE - Western (2020)
Par AIGLE BLANC le 28 Mars 2021          Consultée 2043 fois

C'est en février 2020, soit six mois avant la mort du Maestro, que paraît la double compilation Western, chez le label allemand Music On Vinyl, premier volume d'une collection intitulée The Ennio Morricone Themes, rétrospective thématique, passionnante et nécessaire pour qui souhaite clarifier l'oeuvre du compositeur italien, le cinquième et ultime volet, Passion, ayant vu le jour en janvier 2021.
Malgré l'amplitude de sa palette sonore (il a touché avec un égal talent à bien des styles musicaux), il n'est guère étonnant que ses musiques de western soient justement celles qui initient ladite collection : en effet, et bien qu'Ennio MORRICONE n'ait composé que 35 musiques de western, soit 10 pour 100 de sa production discographique, ces dernières restent incontestablement les plus populaires, certaines devenues des standards absolus non seulement du patrimoine cinématographique mais aussi de la musique populaire dans son ensemble, entrées instantanément dans l'inconscient collectif mondial. Même si l'admirateur du Maestro que je suis regrette que cette partie de son oeuvre fasse quelque peu ombrage à d'autres perles méconnues, dans d'autres genres qu'il a abordés, je ne puis que me rendre à l'évidence : ses musiques de western concentrent l'essence de son génie, le plus à même de susciter l'unanimité, et ce n'est pas le cinéaste américain Quentin Taratino, fan devant l'éternel, qui contredira cet avis.

Des cinq volumes de la collection, Themes 1 Western n'est donc ni le plus audacieux ni le plus indispensable, surtout si vous possédez déjà la compilation Collected (2012), du même éditeur Music On Vinyl, dont le disque 1 contient déjà la plupart des titres réunis ici. Evidemment, d'autres compilations bon marché, dont vous avez pu faire l'acquisition autrefois, ont exploité jusqu'à plus soif les titres les plus emblématiques que sont notamment ceux des deux trilogies de Sergio Leone.
En revanche, si ces musiques ne figurent pas dans votre discothèque personnelle et si vous êtes malgré tout fan desdits western et de leurs B.O, alors ce premier volume de The Ennio Morricone Themes vous offre l'occasion rêvée de corriger le tir.

Dès le début des années 60, l'arrivée du western spaghetti constitue une double déflagration, non seulement par la crudité hyperréaliste de la vision que les cinéastes italiens offrent de l'ouest américain (insistance sur la crasse, la poussière, la brutalité d'un monde sans foi ni loi, pulvérisation de la notion-même du héros américain -qu'incarnaient si bien John Wayne ou Gary Cooper- les trois Sergio -Corbucci, Leone, Solima- obscurcissant à volonté la frontière autrefois si manichéenne entre les bons et les méchants, lyrisme des scènes de fusillades où les morts chutent dans la boue avec la beauté lente des agonies opératiques) ; mais aussi déflagration dans le monde musical, le style hybride, hautement moderne (pop-rock-contemporain), d'Ennio MORRICONE ringardisant d'emblée les meilleurs thèmes que le western américain ait connus (Le train sifflera trois fois, Les Sept Mercenaires) en y injectant des ingrédients inédits d'une audace inouïe, comme ces cris de coyotes reproduits de façon époustouflante par le choeur d'Alessandro Alessandroni ("Il Buono, Il Brutto, Il Cattivo") ; ces claquements de fouet en guise de percussion ("Per Un Pugno di Dollari") ; ces trompettes mexicaines parfois si démentes qu'elles se hissent au pur génie ("Faccia a Faccia", "La Resa dei Conti (La Caccia)", "I Crudelli") ; cette guitare électrique tantôt en arpèges à la manière des SHADOWS ("Per Un Pugno di Dollari (Titoli)", "Una Pistola Per Ringo"), tantôt saturée à souhait, plongée dans la fange des plaies béantes et sanguinolentes offertes aux rapaces implacables rôdant dans l'atmosphère suffocante ("L'Uomo dell'Armonica") ; cet harmonica crépusculaire autrefois si folkisant dans les western américains, ici surchargé de menace et dont la lancinance cisaille l'épine dorsale ("L'Uomo dell'Armonica") ; ces choeurs mixtes à la sauvagerie incantatoire ("Da Uomo a Uomo", "La Resa dei Conti (La Caccia)") ; cet orgue d'esprit quasi liturgique dont l'emploi à contre-courant des codes du western américain étonne fortement ("Per Un Pugno di Dollari", "Faccia a Faccia") ; ces vocalises sublimes de la soprano Edda Dell'Orso ("L'Estasi Dell'Oro", "C'era Una Volta Il West", "La Resa dei Conti (La Caccia)") dont la tessiture vocale éblouissait tant MORRICONE ; ces sifflements à la nonchalance trompeuse, dus à Alessandro Alessandroni, signature indélébile de la marque MORRICONE ("Per un Pugno di Dollari", "Per Qualche Dollaro In Più", "Il Mercenario (L'Arena)"). La combinaison de ces éléments disparates convoque une nouvelle mythologie de l'ouest que synthétise la première trilogie de Sergio Leone, Per Un Pugno di Dollari, Per Qualche Dollaro In Più, Il Buono, Il Brutto, Il Cattivo et le premier volet de sa seconde trilogie, C'era Una Volta Il West. L'absence des thèmes issus de C'era Una volta La rivoluzione et de C'era Una Volta In America s'explique probablement par le fait que ces deux films sortent du cadre thématique imposé par le choix éditorial de ladite compilation. Ce n'est pas forcément un inconvénient, laissant ainsi la place qui se doit à d'autres thèmes de western spaghetti moins célèbres mais tout aussi réussis.

C'est ainsi que cette rétrospective revient judicieusement aux prémices du style morriconien d'avant sa collaboration avec Sergio Leone, réparant ainsi le tort que nous pourrions avoir de penser que la première musique de western signée de MORRICONE soit celle de Per Un Pugno di Dollari. En réalité, cela n'est pas le cas. Il y a eu auparavant Le Pistole Non Discutono (1964) de Mario Caiano avec sa ballade "Lonesome Billy", écrite et interprétée par Peter Tavis dans un registre proche d'Elvis PRESLEY, et Il Ritorno di Ringo (1965) de Duccio Tessari, avec la chanson éponyme de son générique, entonnée par Maurizio Graf, davantage orientée vers une pop de variété. Ces deux titres, s'ils ne reflètent pas encore le vrai génie du Maestro, ne manquent pas de séduire par le chant masculin des deux interprètes de talent et la science déjà solide des arrangements du compositeur italien qui évitent l'usure que provoquerait leur écoute prolongée, en dépit de leur format assez conventionnel. Ces deux chansons au charme suranné offrent, aux ténors du dimanche que nous sommes parfois, suffisamment d'attrait pour constituer un air aisément mémorisable, idéal à fredonner sous la douche.
Western répare également une injustice certaine en remettant à l'honneur quelques perles malheureusement méconnues du fan ne jurant que par les films de Sergio Leone. C'est ainsi que j'envie ceux parmi vous qui découvriront à l'occasion l'excellent thème du film I Crudeli (1967) de Sergio Corbucci, où Ennio MORRICONE, aidé par le gimmick d'une guitare obsédante, une trompette terriblement addictive et, vers la fin, par une impressionnante envolée chorale que transperce littéralement une voix féminine très haut perchée, égale voire surpasse les moments les plus lyriques d'Il Buono, Il Brutto, Il Cattivo, sans pour autant donner l'impression de forcer son talent.
Pour varier le programme, Claudio Fuiano, archiviste émérite de l'oeuvre de MORRICONE, a eu le bon goût de sélectionner trois titres à dominante chorale, "Vamos a Matar Companeros", "La Vita a Volta è Molto Dura Vero Provvidenza" et "Ci Risiamo Vero Provvidenza ?", où l'excellent choeur des Cantori Moderni d'Alessandroni libère toute sa fougue pour entonner trois airs révolutionnaires d'obédience mexicaine.

Si la qualité des titres ne souffre d'aucun reproche, l'absence de quelques compositions de premier ordre ne laisse pas de surprendre : pourquoi avoir zappé le thème principal du film Navarro Joe (1966) de Sergio Corbucci, pourtant un sommet de sauvagerie musicale ? Pourquoi avoir laissé de côté aussi le sublime "La Resa" (La Resa dei Conti de Sergio Solima, 1968) dont les trompettes surpuissantes terrasseraient même le cerveau du plus blasé des mélomanes ?
Ne faisons pas la fine bouche : en l'état, Western constitue un must pour qui souhaite débuter sa collection MORRICONE par sa facette la plus populaire.
Attention, ce double volume 1 est susceptible de provoquer la plus définitive des accoutumances.

N.B : Les 5 volumes de la collection The Ennio Morricone Themes sont publiés exclusivement au format vinyl. Espérons que les non possesseurs de l'installation HI-FI adéquate auront un jour la possibilité de profiter d'une publication ultérieure au format CD.

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   AIGLE BLANC

 
  N/A



- Ennio Morricone (compositions)
- Bruno Battisti D'amaro (guitare électrique)
- Bruno Nicolai (direction orchestrale)
- Cantori Moderni Di Alessandroni (choeurs)
- Alessandro Alessandroni (direction chorale, siffleur)
- Edda Dell'orso (chant)


- Disque 1
- Face A
1. Per Un Pugno Di Dollari (titoli)
2. Da Uomo A Uomo
3. Lonesome Billy
4. Per Qualche Dollaro In Più
5. La Resa Dei Conti (la Caccia)
6. I Crudeli
7. Faccia A Faccia
- Face B
8. Il Buono, Il Brutto, Il Cattivo (titoli)
9. Gli Indiani
10. Per Un Pugno Di Dollari
11. Vamos A Matar Companeros
12. Una Pistola Per Ringo
13. Mistico E Severo
14. Il Mercenario (l'arena)
- Disque 2
- Face C
15. C'era Una Volta Il West
16. Le Pistole Non Discutono
17. Il Ritorno Di Ringo
18. L'estasi Dell'oro
19. La Vita A Volte è Molto Dura. Vero Provvidenza ?
- Face D
20. Viva La Revolucion (tepepa)
21. L'uomo Dell'armonica
22. La Resa Dei Conti (per Qualche Dollaro In Più)
23. Il Mio Nome è Nessuno
24. Santa Fé Express
25. Ci Risiamo . Vero Provvidenza



             



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