Nous sommes en 1975 et Montrose n’a plus grand chose à voir avec le groupe qui a pondu « Space Station #5 » deux ans auparavant. Parti faire son truc dans son coin, Sammy Hagar est remplacé par Bob James, un chanteur inconnu et sans réel charisme. Au moins, lui ne risque pas de faire de l’ombre au père Ronnie. A rejoint également la bande un certain Jim Alcivar, claviériste de son état. C’est donc en quintet que le groupe californien se rend en studio pour enregistrer son troisième album.

Cela ne vous a pas échappé, la pochette de Warner Bros Presents... Montrose! (WBPM) est carrément plus vendeuse que celle de Paper Money. Car cette fois, Ronnie veut marquer le coup. Son groupe doit décoller, pas le choix. Et histoire de se proclamer une fois pour toute seul maître à bord, le guitariste décide de produire lui-même le disque. Exit, donc, Ted Templeman. Sur Paper Money, le groupe avait également décidé d’élargir son spectre musical. Cette fois, le délire va encore plus loin. Il y a de tout sur WBPM, pour le meilleur et pour le pire.

Ainsi, la face A est un pot-pourri assez clichéique de tous les dérivés du rock seventies. « Matriarch », une cavalcade guitare/orgue sympa mais assez linéaire, ouvre l’album sur une touche étrangement purple-esque. La chanson d’après, Montrose nous sert la ballade attendue, « All I Need ». Passe encore. Même remarque pour la piste 3, une reprise hard mais assez conventionnelle d’Eddie Cochran. Le solo de Ronnie, là encore très Van Halen avant l’heure, vaut quand même le détour.

« Whaler » est un peu la chanson bizarre du disque. Montrose cède à la tentation prog, c’est sûr. Bob James nous cause d’océan, de vent qui souffle, de la baleine qu’on voit au large, etc. On y est, le groupe est même allé jusqu'à reproduire le bruit de la houle pour faire authentique... Il paraît que le titre fut, en son temps, un hit au Canada. Un pays où on déconne pas avec la pêche.

En fait, l’écoute de WBPM devient très vite ennuyeuse. Autant il était facile de surclasser (j’avoue) Paper Money pour ses trouvailles, ses ambiances, ses explosions inattendues, etc. Autant ici tout paraît assez plat. L’instrumental « One And a Half » ? Bof. La reprise « O Lucky Man ! » ? Aussitôt écoutée, aussitôt oubliée. Au moins, le très bon riff du remuant « Dancin’ Feet » reste dans la tête. « Clown Woman » se paye également un très bonne partie de slide. Sur « Black Train », le groupe est de retour au pays du hard méchant. Logiquement, le solo de Ronnie Montrose y est méchamment indépassable. Le changement de tempo à la fin du titre (avec re un solo) est méchamment efficace. « Black Train » est probablement le seul titre indispensable du disque.

C’est un fait, Ronnie Montrose n’est pas le genre de mec qui réutilise les mêmes formules deux fois de suite. C’est tout à son honneur, mais le plan peut vite s’avérer très con, surtout quand votre premier album est un chef d’oeuvre. WBPM est un album de hard US bigarré comme tous les groupes de l’époque savait en pondre. Le plus triste, c’est qu’en 1975 (année du Kiss Alive !), Montrose n’a plus rien d’excitant, malgré ce que laisse entendre la pochette de son troisième album. Reste ces parties de guitare, qui sustenteront les amateurs.