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1980 Lio : Premier Album
1983 Suite Sixtine

LIO - Lio : Premier Album (1980)
Par AIGLE BLANC le 15 Mars 2016          Consultée 2265 fois

Comme souvent chez les artistes pop-rock, LIO est un pseudonyme ou, plus justement, un nom de scène avec tout ce que cela comporte de double-jeu, parfois vertigineux, souvent ambigu, entre la personne réelle qu'est l'artiste et son personnage scénique qui devient celui qu'adulent la plupart du temps les fans sans être toujours conscients de n'admirer qu'une icône, une enveloppe vide. Sans atteindre la schizophrénie d'un BOWIE période Ziggy, LIO n'en constitue pas moins un cas intéressant.

Lorsqu'elle connaît en France son premier tube en 1979,l'inénarrable "Banana Split", le public découvre à travers le clip une pétulante Lolita qui ne craint pas de s'afficher dans une tenue rose bonbon, les cheveux surmontés d'une queue de cheval en forme de fontaine, tandis que l'arrière-plan est submergé par un copieux banana split filmé en long, en large, en travers et en gros-plans tournoyants. Du point de vue visuel, le contraste entre la baby doll à la voix acidulée et la forme sans équivoque du dessert à la banane franchement dressée déclenche instantanément une réaction rétinienne qui frappe par son énergie, son insolence et sa charge sexuelle bon enfant. En une chanson, et un clip, LIO est née. Le succès immédiat d'une chanteuse de 16 ans... et un single qui se vend à 700 000 exemplaires.

La chanson pourtant ne s'est pas imposée d'elle-même : le label ARIOLA qui ne souhaitait pas la produire n'y aurait enfin consenti que par la grâce d'un triste motif financier lié à la promesse d'un dégrèvement fiscal s'il produisait des artistes belges avant la fin de l'année 1979.Et "Banana Split" est bien une création 100% belge. A cette époque, la chanteuse, bien que d'origine portugaise, vivait en Belgique où elle fut remarquée par deux amis belges de sa mère : le compositeur Jay Alanski et le chanteur-parolier Jacques DUVALL qui signe le titre sous le pseudonyme d'Hagen Dierks. Ce dernier, qui peaufine les textes faussement innocents de "Banana Split" mais aussi de tous les autres titres de l'album, peut être considéré comme le premier pygmalion de celle qui est née Wanda Maria Ribeiro Furtado Tavares de Vasconcelos et dont le père, divorcé de sa mère, est issu de l'une des plus illustres familles de la noblesse portugaise. Il apporte aussi l'idée du pseudonyme LIO, lui-même inspiré du personnage éponyme féminin, second rôle dans la bande dessinée Barbarella du dessinateur-scénariste français Jean-Claude Forrest.
L'adolescente se prête d'autant plus volontiers à la création de ce personnage qu'il lui ressemble par bien des aspects au premier desquels figurent les images dont la jeune fille, dans la BD, n'arrive jamais à se séparer et que Wanda, elle aussi, garde précieusement puisque ce sont celles des pochettes de ses disques préférés.

Malgré son jeune âge, la chanteuse n'est pas pour autant soumise à ses deux pygmalions, en tout cas pas au point de se laisser imposer une ligne artistique dans la gestion de sa carrière en gestation. Invitée sur les plateaux de télévision, Lio devient très vite la terreur des animateurs un peu trop dirigistes qui voudraient, sous le prétexte de son personnage de Lolita acidulée, lui ôter toute velléité de choix artistique. La jeune fille affiche d'emblée un franc-parler et un caractère indocile qui nourrissent en parallèle la personnalité de son double scénique. Lolita oui, baby doll ok, mais jeune écervelée surtout pas. Lio prend très au sérieux le répertoire de chansons pop que lui tresse l'ami compréhensif Jacques DUVALL. Elle n'ignore pas la dimension coquine de son tube "Banana Split", au contraire de FRANCE GALL à qui avait échappé en 1966 le double-sens aujourd'hui légendaire de la chanson que lui avait écrite un bien vicieux Serge GAINSBOURG à l'époque des "Sucettes". Lio ressemble donc davantage à une jeune punkette décomplexée qui joue en toute conscience de son sex-appeal bon enfant. Dans la France de la fin des 70' et du début des 80', je ne vois pas quelle autre artiste féminine concurrençait LIO sur son propre terrain. La seule autre chanteuse à créer un personnage scénique aussi troublant d'innocence pervertie sera en France Mylène FARMER qui, en 1980, attend encore son heure.

L'album Lio s'inscrit indubitablement dans la mouvance de la Synth Pop alors en vigueur. Que reste-t-il des douze titres de l'album aujourd'hui? Bonne nouvelle : ces chansons ont conservé une certaine fraîcheur dont le charme coquin, voire subtilement mélancolique, fonctionne encore. Ce sont certes pour la plupart des titres calibrés pour les pistes de danse, mais là où LIO et ses pygmalions font la différence, c'est dans l'originalité des textes, et paradoxalement dans la sincérité qui se dégage de l'ensemble en lieu et place de la brillance inhérente à ce genre réputé surtout pour sa futilité. Il y a bien sûr des chansons délirantes dont la folie poétique et débridée ne détonnerait pas sur la scène pop japonaise : à ce titre, "Bébé Vampire" constitue un sommet de pop azimutée. "Speedy Gonzales" fait sourire avec son ambiance mexicaine de pacotille assumée et son histoire qui pourrait être sordide si à la fin la fille de bar n'avait l'audace de quitter le client par trop pressant. Tous les titres qui abordent la thématique amoureuse le font à travers le prisme du personnage Lio : dans "J'obtiens Toujours Tout Ce Que Je Veux", la jeune fille refuse de céder aux avances de son amant que l'on devine d'un âge mûr sous prétexte que pour une fillette comme elle "ce ne serait pas très honnête". Dans "Comix Discomix", Lio cherche à séduire son héros de BD : Tintin. Mais comme celui-ci ne semble pas intéressé par la chose, elle compte peut-être se rabattre sur le groom de service : Spirou. Quand l'amour n'est pas au rendez-vous, mais que seule l'humeur d'aimer persiste, alors il suffit de jouer à s'aimer. C'est ce que la fille d"Amoureux solitaires" demande à l'homme qui ne l'aime pas, tout faire pour que leur vie ressemble à "un film parfait".
Pour contrebalancer cette impression de futilité, d'autres titres flirtent avec une certaine mélancolie ou tristesse, comme l'amorce déjà d'un désenchantement. C'est le cas de "Oz" où la jeune fille se sent insatisfaite des expériences que lui offre la vie. La chanson la plus subtile est sans conteste "Si Belle Et Inutile" où Lio s'interroge sur le miroir des apparences que constituent les produits cosmétiques.

Musicalement, l'album trouve le juste équilibre entre les titres dance "Amicalement Vôtre", "J'Obtiens Toujours Ce Que Je Veux", "La Panthère Rose", "Amoureux solitaires", "Bébé Vampire" et "Banana Split" et les autres, plus rêveurs ou mélancoliques : "Si Belle Et Inutile", "La Petite Amazone" et "Oz". Il ne s'agit nullement d'un album prétexte à rassembler des tubes disparates. Le regard iconoclaste et poétique de Jacques DUVALL sert de liant à chaque piste en déployant un univers original et attachant dont chaque chanson se présente comme la pièce d'un puzzle, l'ensemble offrant le portrait kaléidoscopique d'une jeune fille absolument irrésistible jusque dans ses paradoxes.

Cette Synth Pop fantaisiste démontre si besoin est que la France à cette époque n'avait rien à envier à celle de ses homologues anglais.

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   AIGLE BLANC

 
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- Line-up Non Mentionné.


1. Amicalement Vôtre
2. J'obtiens Toujours Tout Ce Que Je Veux
3. Comix Discomix
4. La Panthère Rose
5. You Go To My Head
6. Amoureux Solitaires
7. Si Belle Et Inutile
8. Bébé Vampire
9. Speedy Gonzales
10. La Petite Amazone
11. Le Banana Split
12. Oz



             



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