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1987 Hellraiser
1989 Haunted Summer

Christopher YOUNG - Haunted Summer (1989)
Par AIGLE BLANC le 9 Août 2016          Consultée 1215 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

A l'origine du film "Haunted Summer" (Un été en enfer, 1989) d'Ivan Passer, existe un épisode légendaire de l'histoire littéraire anglaise qui a nourri depuis bien des fantasmes. Il s'agit de l'été 1816 au cours duquel le célèbre poète Lord Byron invita, en villégiature à la villa Diodati, au bord du lac Léman, son ami le docteur anglo-italien John William Polidori, les futurs époux Shelley (Mary et Percy Bysshe) et la demi-soeur de Mary (Claire Clairmont).
L'été 1816 a marqué au fer rouge les annales de l'Histoire. Des éruptions volcaniques provoquant de très sévères perturbations du climat entraînèrent, suite à des destructions massives des récoltes, de graves famines en Europe du nord, mais aussi au nord-est des Etats-Unis et à l'est du Canada. Nos 5 poètes anglais pré romantiques ont eu en sus la malchance de choisir la pire des destinations pour leurs vacances. En effet, c'est la Suisse qui fut le plus lourdement touchée par la famine au point que fut décrété l'état d'urgence.

Imaginons ce que put être ce séjour à la villa Diodati près de Genève pour de jeunes Anglais à la sensibilité exacerbée. Contraint à demeurer replié à l'intérieur de la villa, Lord Byron proposa à ses hôtes un exercice littéraire en guise de divertissement. Chacun d'eux reçut pour consigne d'écrire une histoire de fantôme qu'il raconterait ensuite aux autres afin de passer de belles et frissonnantes soirées au coin de la cheminée. Bien que Lord Byron et ses hôtes aient emporté dans leur tombe la nature exacte des activités auxquelles ils s'adonnèrent durant leur séjour en Suisse, nous savons que le docteur J. W. Polidori rapporta de ces quelques jours de villégiature sa nouvelle "Le vampire", éditée la même année. Cette oeuvre plutôt anecdotique passe pour la première à aborder le vampirisme en littérature, bien avant le roman de Bram Stocker paru en 1897. Lord Byron quant à lui n'aurait écrit que quelques pages inachevées que le docteur Polidori aurait augmentées en terminant lui-même la nouvelle "Le vampire". L'œuvre la plus importante issue de ce séjour est le fameux "Frankenstein" de Mary Shelley, roman de science-fiction devenu la référence que nous connaissons, maintes fois adapté au cinéma et à la télévision.

Tous les ingrédients sont réunis pour alimenter les fantasmes d'un cinéaste : le caractère sulfureux de Lord Byron (mort à 36 ans) qui, nourrissant un amour incestueux pour sa soeur, entretenait une liaison adultère avec Claire Clairmont, demi soeur de Mary Shelley ; l'idéalisme farouche du poète Percy Shelley, adepte de l'amour libre, mort à 29 ans ; l'imagination ultra sensible de la douce et conventionnelle Mary Shelley, qui enfanta pourtant en une nuit l'horrible créature du docteur Frankenstein ; l'intérêt du docteur Polidori pour le somnambulisme (il en fit une thèse), suicidé à 25 ans.
Le film d'Ivan Passer demeuré à ce jour inédit sur les écrans français a été totalement occulté par l'ombre que lui a jetée Gothic, le film pourtant mineur de Ken Russel, réalisé en 1986, et qui raconte de manière tout aussi fantaisiste le même épisode de l'histoire littéraire.

Bien que la nature du sujet et le cadre historique aient pu laisser présager un classique score symphonique, discipline dans laquelle Christopher YOUNG est passé maître -il n'est qu'à se remémorer sa partition orchestrale de Hellraiser composée deux ans plus tôt pour le premier film de l'écrivain Clive Barker- c'est pourtant un score à dominante électronique qui s'offre à l'écoute. On peut se demander pour quel motif Christopher YOUNG enregistra sa bande originale romantique dans une version pour synthétiseurs. Bénéficia-t-il d'un budget insuffisant pour payer un orchestre symphonique ?

En dépit d'un habillage "cheap" quoique soigné, c'est une très belle B.O que nous offre Christopher YOUNG qui excelle, il est vrai, dans le registre horrifique. Mais le contexte culturel du film (l'Angleterre pré romantique) permet au compositeur de jouer cette fois sur plusieurs tableaux et pas seulement sur l'angle horrifique. Cela décuple l'impact d'une musique qui se présente d'abord sous des atours des plus séduisants.
Du romantisme, "Menage" en regorge avec son violon sinueux (un vrai probablement) qui traduit joliment l'épanchement des jeunes gens en humeur d'aimer. Avec ses tintements cristallins au fort pouvoir mélodique (on pense à certains passages du Incantation de Mike OLDFIELD, "Villa Diodati" déploie ses charmes bucoliques dans une atmosphère de gaieté épanouissante. Comme son titre le révèle "The Night Was Made For Loving" 'affirme le moment le plus romantique du disque que Christopher YOUNG aborde sans la moindre once de cynisme, quitte à flirter parfois avec une certaine mièvrerie. En tout cas, ici, le charme fonctionne à plein, les claviers jouant avec délicatesse sur des timbres voisins de l'orgue d'église et dessinant un havre de dentelle et d'amour. Les compositions expriment parfois avec beaucoup de candeur l'innocence des jeunes gens comme dans "Confreres".

Haunted Summer est un score terriblement trompeur, fourbe et sournois. En effet, les titres mentionnés jusqu'ici exploraient la part romanesque du film en se focalisant sur les amours de Mary pour Percy et de Claire pour Lord Byron, mais ces jeunes gens sont aussi des poètes exaltés qui se complaisent dans l'exploration des zones obscures de leur être. Les pré romantiques, c'est bien connu, aimaient recourir aux effets hallucinogènes du laudanum.
Deux titres donc esquissent le monde souterrain qu'explorent nos jeunes artistes au cours de leurs nuits dévergondées, quand des visions s'immiscent dans les interstices de leur imagination affolée. "Polidori's Potions" nous plonge dans les vapeurs médicamenteuses des potions que concocte le docteur Polidori pour ses amis en mal de sensations fortes. Les synthés perdent la netteté et le tranchant de leurs notes cristallines. Nous voici immergés dans des territoires irrationnels où se répondent des cavalcades de claviers traversant l'espace stéréophonique, des stridences noyées dans des échos menaçants desquels émergent des violons anxiogènes. "An Unquiet Dream" poursuit cette plongée dans les abysses de l'âme avec ses nappes de synthés bourdonnantes d'où s'échappent des voix sépulcrales. Troublant et déstabilisant.

Ce score brille de deux atouts essentiels : l'agencement très pervers de ses pistes qui nous conduisent doucement des sourires amoureux sous les ombrelles aux gouffres des fantasmes inavouables où s'illustrent les monstres de la nuit issus des peurs refoulées de Mary, Lord Byron, Percy et Polidori.
L'autre atout, et pas des moindres, se cache dans le dernier titre, "Hauntings", qui du haut de ses 18 minutes, amalgame plusieurs thèmes du disque, depuis les notes guillerettes et sautillantes d'un piano de chambre (évoquant le début d'une soirée autour d'un piano féminin) aux pulsations synthétiques revigorantes annonçant le retour de l'aube, en passant par les crispations d'un violon que tétanisent les ombres vivantes d'une nuit sans lune. L'angoisse suinte de ce collage virtuose qui, par un effet de morphing saisissant, enchaîne les thèmes, parfois par le seul jeu du volume des pistes qui en fait disparaître une au profit d'une autre, d'autres fois au moyen d'un écho pernicieux qui métamorphose insensiblement la mélodie guillerette d'un piano de salon en une apparition spectrale des plus vicieuses. Un violon geigne dans l'opacité de la nuit, des masses sonores de basse fréquence grondent, des voix fantomatiques flottent dans les couloirs de l'âme. La fin de "Hauntings" voit le retour progressif de l'aube incarné ici par le son du cor (un synthé là encore probablement) qui dissipe les mirages nocturnes et efface enfin l'anxiété des visions d'horreur. Une magnifique B.O assurément.

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   AIGLE BLANC

 
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- Christopher Young (orchestrateur)
- Mark Zomoski (synthétiseurs)
- Tom Calderaro (synthétiseurs additionnels)


1. Haunted Summer
2. Menage
3. Villa Diodati
4. The Night Was Made For Loving
5. Polidori's Potions
6. Ariel
7. Confreres
8. Geneva
9. Alby
10. An Unquiet Dream
11. Hauntings
12. A)hotel D'angleterre
13. B) In The Caves Of Chillon
14. C) Incubus
15. D) Mont Blanc



             



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