The BINTAGS se forment en 1961 à Beverwijk, une bourgade près d’Amsterdam sous la houlette des frères Kraayeveld, Frank à la basse et Arti à la guitare. Les deux frangins sont rejoints par le guitariste Meine Fernhout et le batteur Jimmy Jansen.
Pendant de nombreuses années, le quatuor batave va se produire et faire ses gammes sur les scènes du Benelux dans un registre mêlant instrumentaux à la Shadows, Indorock et Blues. Entre 1965 et 1968, le groupe met en boîte 5 singles pour de petits labels hollandais jusqu’à ce qu’il soit remarqué par Decca qui décide de les envoyer en studio. Si pendant de longues années, les Bintangs n’étaient qu’un groupe de reprises, comme il en existait une kyrielle, c’est sur scène que le groupe donnait le meilleur de lui-même.

Replaçons les choses dans leur contexte : on est en 1969, le Festival de Woodstock s’achève, les BEATLES enregistrent « Abbey Road », les WHO « Tommy », CREDENCE CLEARWATER REVIVAL sort « Green River », « Bayou Country » et « Willy And The Poor Boys », LED ZEP leurs deux premiers disques, ZAPPA « Uncle Meat » et « Hot Rats » et la pochette de « In The Court Of The Crimson King » (KING CRIMSON) va marquer les esprits.
Chez nous, Rika Zaraï inonde les radios avec son « Casatschok », Joe Dassin se ballade sur « Les Champs-Elysées », Zanini cartonne avec « Tu Veux Ou Tu Veux pas », Hallyday susurre à qui veut l’entendre « Que Je T’aime », tandis que Polnareff triomphe avec « Dans La Maison Vide » !*
Vide justement c’est là que se place le niveau de notre musique, un creux, un trou béant, insipide et morne. On a toujours dix ans de retard sur les autres. Bon d’accord les VARIATIONS ont sorti deux disques, Jean-Christian Michel surprend avec « Musique Sacrée », mais à part ça, faut avouer qu’on n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent, enfin rien dont le pays pourrait sorti grandi et fier.

Nos voisins bataves eux se font connaitre avec « Venus » des SHOCKING BLUE, un hit international porté par la voix de la chanteuse Mariska Veres. Alors que The Bintangs enregistrent avec « Blues On The Ceiling » leur premier bébé, le succès fulgurant de leurs compatriotes va les placer quelque peu sous l’éteignoir.
Mais il convient d’admettre aujourd’hui que si cet album peut être qualifié d’honnête, ce disque était largement en avance par rapport aux productions hexagonales.
Depuis quelques années, si les Bintangs se produisent sur scène en reprenant les morceaux des autres, les membres restent fortement influencés par certaines légendes du Chicago Blues. Pour ce premier enregistrement, le groupe qui a naturellement subi de nombreux changements de line-up depuis sa création, doit faire face au brusque départ d’Arti Kraayeveld, l’un de ses guitaristes fondateurs. Pour le remplacer, on fait appel à Jan Wijte et devant l’urgence le groupe décide de ne reprendre que des titres axés sur le Blues et de laisser ses compositions de côté afin de placer son nouveau guitariste dans les meilleures conditions.
Mais Jan Wijte n’a pas oublié d’apporter sa flûte pour tenir compagnie à sa gratte. Si Ian Anderson (JETHRO TULL) vient de remettre l’instrument au goût du jour, Wijte semble plus influencé par les flûtistes Dick Morissey et Dave Quincy qui commencent à se faire un nom au sein du groupe anglais IF. La formation s’oriente donc sur un répertoire relativement classique avec « Smokestack Lightning », un standard d’Howlin’ WOLF repris quelques années plus tôt par les Yardbirds, Animals, la présente version se démarquant avec un chant décalé tandis que la flûte apporte un zest de psyché. Le groupe rend hommage à Muddy Waters en s’attaquant à « Still A Fool » dans une orchestration plus traditionnelle qui monte crescendo, plus intéressante que celle des Groundhogs, et « Louisiana Blues », titre que reprendront quelques semaines plus tard Savoy Brown et Jo Ann Kelly. La flûte apporte de fortes effluves de blues psyché sur « Three Hundred Pounds Of Joy », une compo de Willie Dixon gravée par Howlin’ WOLF, la version de nos hollandais demeurait alors la première reprise du titre. L’harmonica de Gus Pleines endosse le premier rôle sur « Blues With A Feeling » un inusité de Little Walter.
La ballade folk « Blues On The Ceiling », titre phare de Fred Neil repris par Karen Dalton qui donne son titre au disque, marque une nette rupture avec le reste de l’album. Parmi les autres pistes, citons « It’s All Over Now », célèbre hit de Bobby Womack popularisé par ses Valentinos, qui ne vaut certes pas la version postérieure des Ducks Deluxe, la faute à un surcroît énergétique. Dernière curiosité avec « Little By Little » des Stones dans laquelle Gus Pleines prouvait qu’il n’avait rien à envier (bien au contraire) à Mike Jagger.

47 ans après sa sortie, ce disque prouve que les Bintangs sortaient du lot et n’avaient rien à envier à certains groupes phares issus du British Blues. S’il convient de rester mesuré sur la virtuosité de nos bataves, nul doute que la formation avait à l’époque au moins quinze ans d’avance sur les groupes français que radio, télé et boîte de prod. se complaisent à nous repasser jusqu’à plus soif.

.*Il s’agit là d’exemples types, ceux qui me sont remontés à l’esprit. A titre personnel, je n’ai rien contre les artistes cités, il s’agit simplement de comparatifs. Idem pour les artistes ou albums représentant l’année 1969.