On est au début de l’année 70, The Illinois Speed Press commence à prendre du plomb dans l’aile. Si le groupe a beaucoup tourné après la sortie de son premier disque éponyme, des dissensions apparaissent entre les membres et le producteur James William Guercio. Ce dernier n’a jamais réellement accepté les présences du bassiste Rob Lewine et encore moins du batteur Fred Page. Guercio et la Columbia semblent du reste plus intéressés par la promotion et la montée en puissance du Chicago Transit Authority, The Flock et Aorta, trois formations qui viennent de signer des contrats avec Columbia, firme qui ne publiera qu’un seul et unique single du futur 33 tours.

La situation de Fred Page (ex H.P. Lovecraft) est vite résolue. Malade, le batteur décède dès le début de la première session d’enregistrement alors que Rob Lewine et le claviériste Mike Anthony sont priés d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Du quintet de départ, il ne reste que les guitaristes Kal David et Paul Cotton, les principaux pourvoyeurs en matière d’écriture. Mais le décès brutal de leur ami batteur pèse sur les deux guitaristes, Kal David annoncera du reste son départ avant la fin de ce second disque (il fondera The Fabulous Rhinestones). Il ne faut donc pas s’étonner de découvrir ici une nouvelle tonalité.

Guercio étant accaparé à New-York sur un enregistrement de Blood Sweat And Tears, la production est confiée au jeune Michael Lloyd, qui vient de produire Kim Fowley et The Rightenous Brothers. Ce dernier se contente de suivre à la lettre les recommandations de Guercio, enregistrer les deux guitaristes en compagnie de musiciens de studio. C’est donc un répertoire dans lequel les musiciens se montrent moins investis auquel on est confronté. La pochette ne trompe pas, Columbia tente de rattraper le coup en ne faisant figurer que David et Cotton. Si Lloyd officie aux claviers, le choix de la section rythmique provient de Guercio en personne. Il a opté pour deux requins de studios : le batteur Hal Blaine (un ancien accompagnateur d’Elvis, des Mamas & The Papas, des Monkees) qui tourne au cacheton comme d’autres enfilent les perles, et son compère le bassiste Joe Osborne (un ancien Bob Luman, Mama & The Papas, Rick Nelson) deux membres du célèbre Wrecking Crew. Autant dire que « Duet » vaut essentiellement par ses parties de guitares et les chants. Le répertoire mélange les influences bluesy de Kal David et le Country Rock auquel s’adonne Paul Cotton, le tout fondu dans un magma de Folk Psy alors très en vogue.

Si « Duet » offre quelques bons moments, il est indéniable que ce second opus d’Illinois Speed Press qui n’existe encore que par le nom ou presque, demeure un ton largement en dessous du premier disque. On retrouve quelques bons Rock Blues tendance Psy : « Country Dumplin’ » ou le bluesy « The Life ». Mais la moitié du disque se répand dans une Folk Pop Psy à la Crosby, Stills & Nash beaucoup moins captivante ; « Saddly Out Of Place », « The One Who Knows », « Bad Weather » ou « Dearly » un concept en quatre volets de plus de 7 minutes rempli de violonades obsolètes, alors que « The Visit » et « « Seventeen Days » annoncent clairement un revirement vers une Country Rock , registre dans lequel se fera remarquer POCO, le groupe de Richie Furay, que rejoindra Paul Cotton en remplacement de Jim Messina

On ne peut que s’étonner des choix discutables, tant au niveau de l’orchestration que des arrangements et de la ligne directrice du producteur Guercio. Alors que le groupe s’était bien produit durant l’année 69 (près de 70 concerts) et l’année suivante (autant de représentations dont 2 au Fillmore et 6 au Whiskey A Go Go), le producteur sembla faire son possible pour détruire un groupe qui aurait pu concurrencer quelques unes des formations avec lesquelles il était sous contrat ou en promotion. A ce titre, le guitariste John Uribe (futur partenaire d’Harry Nilsson) ne restera qu’à peine un mois au sein d’ISP. Guercio semble avoir œuvré pour que certains musiciens ou amis proches des deux guitaristes ne viennent pas interférer dans ce qui était au départ un beau projet et un bon groupe de potes.

PS : Les deux disques d’Illinois Speed Press ont été réédités en 2003 et regroupés dans un coffret par Futuredge Music Entertainment avec quelques erreurs par rapport aux originaux.