L'écoute du Fil nous le faisait ressentir, l'univers de Camille est très corporel. C'est logiquement sur scène que ses chansons prennent une ampleur bien plus importante que sur son presque décevant deuxième album (avis très personnel puisqu'il a eu un bien beau succès, d'où l'ampleur de la tournée qui l'a suivi). Les 17 et 18 octobre 2005, Camille se produisait sur la scène du Trianon à Paris, le premier soir accompagnée de ses deux compères de tournée, MaJiKer et Martin Gamet, Sly du Saïan Supa Crew s'ajoutant à eux le second soir... Autant dire que ces deux soirs, la miss a enflammé son public, tout comme les soirs de tous ses concerts.

Minimalisant au maximum l'instrumentation (un piano ou un accordéon et une contrebasse), l'essentiel de l'accompagnement se fait à base de voix. Camille pouvant créer des boucles de ses bruitages, s'adonnant avec ses amis au Human Beat-Boxing, l'ambiance très chaude et corporelle ainsi créée enveloppe ses chansons (ou même ses comptines et ballades, ce serait plus juste) d'une atmosphère intimiste délectable. Ainsi, se faisant elle-même ses chœurs, les accompagnements qui pouvaient paraître un peu superficiels sur l'album studio, s'avèrent d'une beauté fascinante. Les chansons comme "La jeune fille aux cheveux blancs", "Pour que l'amour me quitte" ou "Quand je marche" prennent une toute autre allure, une texture plus contrastée. L'ennui qui pouvait apparaître à l'écoute de quelques titres du Fil disparaît tout de suite lorsque l'on se plonge dans l'ambiance du concert. La voix de Camille sait être fragile ou forte selon le moment, et ces variations en font certainement un de ses grandes forces. Son premier album est autant représenté, dépouillés de toute l'instrumentation originelle, les morceaux comme "Les ex" ou "1,2,3" se posent eux aussi sur le fil sonore, cette note tendue tout le long du concert, et cette minimalisation d'ambiance en fait une maximalisation des effets rendus.

Les chansons qui déjà avaient la patate sur l'album deviennent des vrais tourbillons, Camille et ses amis se lâchent, n'hésitant pas à laisser place à l'imprévu, à faire participer le public et à s'amuser un peu. La série des "Janine" est un joyeux bazar, "Paris" se permet une petite approche du thème de la Panthère Rose, "Vous" devient un schmilblick organisé et enfin, "Ta douleur" enflamme la salle en fin de show. Pas de faux pas dans ce spectacle aux allures de music-hall, allant d'un son jazz à une ambiance un peu blues, le répertoire de Camille est riche et varié, ce qui devient assez rare pour le souligner. On pense bien entendu à Claude Nougaro par moment mais aussi aux rois du jazz et aux chansons que nous chantaient nos mamans. Oui, Camille pourrait être un peu comme une maman ou une sœur pour nous tous, sachant, au pied du lit, vous chanter la même chanson de mille et une façons différentes pour que l'on ne s'en lasse jamais. Alors on passera l'éponge sur son excentricité un peu trop envahissante par moments et sur l'aspect un peu simpliste et bon enfant de son spectacle puisque le talent est là, incontestablement.

Que ceux qui ont reculé et banni Camille de leur liste d'écoute à la suite de ses deux premiers albums viennent jeter une ou deux oreilles à ce Live Au Trianon, ils y trouveront certainement ce qu'ils étaient venus chercher dans Le Sac des Filles ou sur Le Fil : une folie douce à fleur de peau.