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1967 Chicken Fat
2000 Neck Bones & Caviar

Mel BROWN - Neck Bones & Caviar (2000)
Par LE KINGBEE le 20 Janvier 2017          Consultée 1908 fois

C’est incroyable le nombre de BROWN que l’on retrouve dans l’histoire du Blues. Ce patronyme largement répandu se tire la bourre avec King, Jones et White. On ne compte plus le nombre d’artistes ayant enregistré et fait carrière sous ce nom (Andrew, Bessie, Buster, Clarence « Gatemouth », Charles, Earl, James, Milton, Nappy, Piney, Roy, Ruth, Texas Johnny, Willie). On vous épargnera les noms des seconds couteaux ou des artistes d’un temps révolu ayant œuvré sous ce nom, la liste est encore plus longue. A croire qu’un Américain sur 10 s’appelle Brown.

Si le nom de Mel Brown ne vous dit rien, vous allez avoir droit à une séance de rattrapage. Le curriculum de ce guitariste bassiste méconnu devrait plaider en sa faveur.
Mel Brown voit le jour dans le Mississippi en 1939. Issu d’une famille de musiciens, son père John Henry « Bubba » Brown a été accompagnateur pour Tommy Johnson et les frères Chatman (Mississippi Sheiks). Avec un tel pédigrée, le jeune Mel ne pouvait que se mettre précocement à la guitare et à la contrebasse avec son cousin Andrew (Brown) sous l’œil du paternel. A 14 ans, victime d’une méningite, son père lui offre sa première Gibson. A son rétablissement, le gamin, doué dès le départ, est devenu un vrai petit virtuose. En 1953, il joue au sein de l’orchestre de Duke Huddleston, il accompagne aussi Sonny Boy Williamson II lors de sa venue à Jackson. Deux ans plus tard, Mel tente sa chance à Los Angeles où il sert de sideman pour Joe Dyson et Jimmy Beasley. En 1958, il intègre le Johnny Otis Show, enchaîne auprès d’Etta James. Le guitariste se transforme ensuite en sessionman (Nancy Wilson, Bobby « Blue » Bland, Bobby Darin, Brenda Lee, John Lee Hooker, BB KING, Earl Hooker, Lightnin’ Hopkins).
Après un passage de deux ans à Hawaii, il revient à Los Angeles, collabore sur deux disques de T. Bone Walker. Entre 1967 et 73, Mel enregistre enfin sous son nom six albums pour le label Impulse. En 1971, il signe un contrat d’un mois avec Bobby « Blue » Band, mais restera avec le chanteur jusqu’en 1982. Lorsque Bland ne se produit pas, Mel Brown peut enregistrer à sa guise. C’est ainsi qu’on le retrouve aux côtés de Jimmy Witherspoon, Bill Cosby, Tompall Glazer. Après avoir quitté Bobby Bland, Mel devient le guitariste attitré du Club Antone’s. Pendant près de cinq ans, il va mettre le feu au club de Cliff Antone. Lors d’une interview, Joe Louis Walker déclarait : « Mel Brown a assassiné tous les guitaristes de passage pendant cinq ans. Il y avait lui et les autres ». En 1986, il apparaît sur « Cold Snap » un disque d’Albert Collins. En 1990, Mel Brown décide de s’installer en Ontario après s’être produit quatre soirs de suite à Kitchener. Pendant près de dix ans, Mel Brown va se consacrer au Golf tout en se produisant avec les Homewreckers, le petit groupe qu’il a fondé avec sa compagne Miss Angel. En septembre 1998, le guitariste fait son grand retour en studio, Snooky Pryor l’ayant invité à participer à l’album « Can’t Stop Blowin’ ».

Sans tomber dans l’outrance, parmi les centaines d’albums dédiés au Blues en ce nouveau millénaire, on a eu droit à un florilège de productions orientées vers diverses formes de Blues et « Neck Bones & Caviar ». Cet album a véritablement écrasé la concurrence, un disque comme il en sort un par an.

Suite à sa participation sur l’album « Can’t Stop Blowin’ », le producteur Andrew Galloway se met en tête d’enregistrer le guitariste. Galloway, patron du label Electro-Fi, a toutes les cartes en main pour faire revenir Brown en studio. Le label fondé trois ans plus tôt a le vent en poupe. Galloway vient de publier Curley Bridges, Morgan Davis, Johnny Laws et est à l’initiative du come-back de Little Mac Simmons. Mel Brown ne se fait pas trop prier, son petit combo est bien rôdé et Galloway lui laisse les coudées franches pour le choix des morceaux et n’impose aucun musicien. « Neck Bones & Caviar » est mis en boîte en trois jours au Hallamusic Studio de Toronto.
Mel Brown a insisté pour ne venir qu’avec ses musiciens habituels; ils ont l’habitude de jouer ensemble, se connaissent sur le bout des ongles, il n’y aura donc aucune interférence. Et les choses sont claires dès le titre d’ouverture : « Woman Wanted », une compo de St. Louis Jimmy Oden enregistrée en 1960 par Muddy Waters. Il faut bien tendre l’oreille pour reconnaître le titre, Brown se réapproprie carrément la chanson, toutes les orientations du Mississippi sont gommées au profit d’un blues californien que ne renierait pas Lowell Fulson, la Gibson fait le reste. Très souvent, le second morceau d’un titre fait figure de titre phare, c’est comme ça, ne me demandez pas pourquoi. Et cet album n’échappe pas à la règle avec « I Ain’t Drunk », un titre gravé par Jimmy Liggins pour Aladdin. Ce titre peu repris a connu de bonnes versions : Lonnie The Cat pour RPM en 54, Albert Collins dans le disque « Cold Snap » dans lequel figurait Mel Brown. Si Brown s’inspire en partie de son pote Collins, il en délivre une version haute en couleur, la section rythmique le place sur orbite, la Gibson n’arrête pas de relancer. Le genre de chanson typique des « Alcool Song », l’histoire d’un petit bonhomme qui a été se murger avec ses potes après une semaine de dur labeur. Le gars rentre chez lui très tard et croit pouvoir s’en tirer, sauf que Maman l’attend de pied ferme, le genre de matrone avec des obus de 150, une caricature de Big Mama pour bien vous imaginer la scène. Le morceau gorgé de break monte crescendo avec comme point d’orgue l’apparition de Miss Angel dans le rôle de la matrone et notre ami Mel Brown va prendre cher. Un morceau exceptionnel où rien ne manque, humour, gros passage de piano, solo de guitare flamboyant. L’extase !
Après un tel morceau, rien ne vaut un bon Soul Blues, histoire d’adoucir l’ambiance. Mel Brown laisse tomber la guitare au profit des claviers pour cette reprise curieusement accréditée à ZZ Hill, mais œuvre probable de Jimmy McCraklin. Brown ne se contente pas de reprendre à sa sauce les morceaux des autres, il nous livre un travail plus personnel avec quatre compositions dont l’énergique « I Want To Hold Onto You, Baby » et l’instrumental « Blues On The Green » dans lequel John Lee nous offre un bon passage de piano. Ces originaux configurés sur des solos sobres, sans fioriture, vont à l’essentiel. Ici, pas de prouesses techniques de celles que les guitaristes contemporains se sentent obligés de nous gratifier pour nous faire voir qu’ils maîtrisent leur manche.
Grand classique d’Allen Toussaint, « Get Out Of My Life, Woman » a été enregistré pour la première fois par Lee Dorsey. Le morceau a depuis été repris à toutes les sauces (The Leaves, The Mad Lads, Iron Buterfly, Albert et Freddie King, Gerry Rafferty) mais la présente version vaut son pesant de cacahuètes. La guitare se fait funky tandis que la voix légèrement chevrotante est enrobée par les volutes des claviers. Autre standard et seconde reprise de St. Louis Jimmy Oden avec « Goin’ Down Slow. Si le titre a souvent été repris sur des tempos lents (The Animals, Aretha Franklin) ou sombres (Howlin’ Wolf), le guitariste booste le rythme de ce titre fétiche (Mel Brown l’avait repris sur un disque Impulse et tenait la guitare sur la version de Bobby « Blue » Bland) bien aidé par une grosse ligne de basse. Là, on est sur une autre planète par rapport aux versions de Clapton, Procol Harum ou d’Eric Bibb.
Notre guitariste parvient encore à étonner sur « I Believe To My Soul », gros succès de la fin fifties de Ray Charles. Si le titre a été repris maintes fois (on se souvient des versions de Junior Mance, Donnie Hathaway et dans un registre différent d’Al Kooper), le morceau a vu aussi défiler des interprétations calamiteuses (Joss Stone, Leon Russell ou plus récemment Jane Lee Hooker). Alors que la plupart des artistes privilégient une intro piano, Mel Brown oriente le titre sur la guitare. Si le chant extrêmement grave de départ peut faire penser à Barry White, Brown reprend très vite sa voix chevrotante, bien aidé par Miss Angel aux chœurs. Un vrai morceau de Soul Guitar !
Si Brown est un virtuose de la guitare, il excelle également au piano comme le démontre « Lord, Have Mercy », un gospel traditionnel qu’il arrange à sa sauce et exécuté en solo. Le guitariste clôt son album avec une version hallucinante de « I’m In The Mood », hit mineur de John Lee Hooker. Mel Brown parvient à redonner une seconde vie aussi bien par le biais de sa Gibson que de son vocal avec, cerise sur le gâteau, une petite intervention à l’harmonica d’Al Lerman pour une version complètement barrée.

« Neck Bones & Caviar », expression culinaire différenciant le caviar avec le plat du pauvre, "le cou du poulet", avait écrasé haut la main toutes les productions Blues lors de sa sortie. La qualité des arrangements, de l’orchestration, du choix des titres et leur interprétation par un virtuose gorgé de feeling sans oublier un petit combo soudé, cohérent et rompu au groove font de ce disque un objet de référence. A l’heure de noter cet album, je peux affirmer ne pas avoir entendu un tel disque depuis l'an 2000. L’attente commence à être longue. Mel Brown a rejoint le paradis des guitaristes en 2009.

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- Mel Brown (chant, guitare, orgue 3,piano10)
- Al Richardson (basse)
- Jim Boudreau (batterie)
- John Lee (claviers)
- Miss Angel (chœurs)
- Alec Fraser (chœurs)
- Al Lerman (harmonica 12)


1. Woman Wanted.
2. I' Ain't Drunk.
3. You're The One.
4. I Want To Hold On To You Baby.
5. Love That Girl.
6. Summer Magic.
7. Get Out Of My Life Woman.
8. I Believe To My Soul.
9. Goin' Down Slow.
10. Lord Have Mercy.
11. Blues On The Green.
12. I'm In The Mood.



             



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