L'affaire THIS HEAT mériterait une étude complète voire une thèse.

Formé en 1976 par Charles BULLEN, Charles HAYWARD et Gareth WILLIAMS, l'entité THIS HEAT a toujours cultivé une certaine distance vis-à-vis des courants majeurs alors en vogue qui s’affrontent, vieux dinosaures du progressif et jeunes loups prêts à en découdre, bien que son propos soit éminemment politique.

Son premier album, sobrement éponyme, sort en 1979 après un enregistrement pour le moins fastidieux – près de 2 ans entre 1976 et 1978. Pochette bleue énigmatique, anonyme, si ce n'est le nom du groupe écrit en haut à droite en lettres jaunes, le premier THIS HEAT est un disque extrêmement abrupt et hostile. La seule constante tout au long de cette suite de 11 titres à la forte identité est leur aspect malsain et très peu amène, on pense parfois à une maison hantée dont les objets bougeraient tout seuls.

Drone (la messe "Not Waving"), progressif (le très sec "Horizontal Hold"), électro (l’avant-gardiste "24 Track Loop"), noise (l'insoutenable "Rainforest"), la musique de THIS HEAT, parfaite lentille divergente, explore toutes les directions jusqu’à se repolariser sur le décisif "Fall Of Saigon", séance de spiritisme donnée au fin fond d'une forêt entourée d'un cercle de feu dont l'exigeant solo de guitare électrique devient peu à peu dantesque jusqu'à s'abîmer dans un océan de bruit et la reprise de la première piste "Testcard", qui n'est rien d'autre qu'un ultime défi lancé à l'auditeur : sera-t-il capable de résister à ces 4 minutes – infinies pour la nouvelle réédition vinyle, nos petits malins ayant placé sur la face B un sillon sans fin – au goût de définitif et d'infini ?

En cela, THIS HEAT n'était peut-être pas punk musicalement parlant mais ils en possédaient l'esthétique. Car en sortant ce premier disque, considéré par les spécialistes comme leur album ambient, mais que je considère personnellement comme leur album progressif, c'est un majeur bien vivace qu'ils tendent à tous ceux qui aimeraient étiqueter le groupe. Il s'agit également d'une invitation au concours de b*te à destination des progueux et des punks, de la part d'un des rares groupes à pouvoir prétendre les faire asseoir à la même table.