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NEW-AGE/AMBIENT/JAZZY  |  B.O FILM/SERIE

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Angelo BADALAMENTI - Twin Peaks (1990)
Par AIGLE BLANC le 29 Juin 2017          Consultée 1966 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Les années passant, Twin Peaks a acquis le statut incontesté de série culte. Il est évident que sans elle, X Files n'aurait sans doute jamais vu le jour. Et comme sans X Files, la plupart des séries d'aujourd'hui n'auraient jamais existé non plus, alors il est temps de rendre à la sublime série de David Lynch et Mark Frost l'honneur qui lui revient. Avant Twin Peaks, l'esthétique des séries était celle de la télévision : réalisation plate, montage à l'économie, photographie sans relief et sans nuances... et scénarii ultra basiques voire naïfs. Twin Peaks a secoué l'univers des séries, et en particulier celui des soap operas, en y injectant une dose massive d'onirisme romantique et tourmenté ainsi que de brutales explosions de terreur. Sous couvert d'une enquête policière chargée d'élucider le meurtre de l'étudiante Laura Palmer, David Lynch et Mark Frost auscultent les zones sombres de l'âme d'une ville dissimulées sous une apparence de tranquillité. Chaque habitant de Twin Peaks charrie avec lui une histoire trouble ou sordide de sorte que les suspects s'accumulent au fur et à mesure que les mobiles se démultiplient.
Les auteurs s'intéressent moins à la résolution du mystère lié au meurtre de Laura Palmer qu'à l'atmosphère de suspicion, toujours plus opaque, engendrée par les épisodes qui font surgir inlassablement d'autres indices et suspects.

Dans l'oeuvre de David Lynch, Twin Peaks constitue une forme d'aboutissement de son inspiration au point qu'après l'arrêt brutal de la série (imposée par la production), le cinéaste a eu beaucoup de mal à quitter le microcosme qu'il avait créé autour de cette ville démente aux secrets protéiformes et tentaculaires.
Au même titre que la série, la partition d'Angelo BADALAMENTI a acquis ses lettres de noblesse et compte aujourd'hui parmi les chefs-d'oeuvre de la BO moderne. Elle a inspiré beaucoup d'artistes parmi lesquels figure MOBY grand fan de la série et de sa musique.

Alors que les musiques des séries antérieures à Twin Peaks concentraient leur impact sur des génériques calibrés, et souvent clinquants, Angelo BADALAMENTI explore des territoires infiniment plus mouvants. Sa partition protéiforme épouse la mosaïque des personnages en variant les atmosphères et les humeurs. Elle capte avec une intuition extraordinaire l'univers onirique, complexe et surréaliste, du cinéaste américain au point qu'entre D. Lynch et le musicien est née une collaboration fructueuse parmi les plus réussies du 7°art, rejoignant celles, célèbres, de Fellini et Nino ROTA, de Claude Lelouch et Francis LAI, de Sergio Leone et Ennio MORRICONE.

Le disque paru en 1990, la même année que la diffusion de la série à la télévision, présente un échantillon, forcément partiel, de l'imposant matériel composé par BADALAMENTI. Les fans d'époque de la série, comme ceux qui la découvriraient aujourd'hui, gagneraient à se procurer aussi l'album paru lors de la deuxième saison, encore plus riche et complexe, plus envoûtant.
En 11 pistes, ni plus ni moins, l'album initial concentre toutefois l'essence musicale de la série en piochant fortement dans le jazz rétro et les ballades sentimentales des 50's, autant de pastiches délicieux exécutés par d'excellents musiciens.
Quel que soit le registre abordé, Twin Peaks demeure une oeuvre planante et onirique, imprégnée de mystère, d'humour et de sensibilité. Le très beau "Twin Peaks theme" qui sert de générique ouvre l'album sur une douce mélodie, sereine et apaisante, qui agit comme une invitation à pénétrer dans l'univers de la série. Y dominent les nappes envoûtantes des claviers d'Angelo Badalamenti, subtilement mélancoliques mais jamais annonciatrices de mauvais augures. Une basse hypnotique conforte l'auditeur dans sa sensation d'être entré dans un territoire protecteur, tandis que les percussions légères de Grady Tate élèvent la composition jusqu'aux confins de l'onirisme jazzy. Une très belle entrée en matière.
Dans la tradition initiée par Prokofiev avec son célèbre conte musical Pierre et le loup, chaque personnage de la série comporte son thème. La marche funèbre du sombre "Laura Palmer's Theme" accompagne ainsi le deuil difficile des survivants de la lycéenne assassinée. Par sa séquence de six notes au piano, morose et dépressive, le titre plonge dans les abysses d'une ville dévastée par le meurtre de sa lycéenne la plus adulée. BADALAMENTI ne craint pas l'expression des sentiments, épousant la même démarche que David Lynch dont l'univers tourmenté et traversé d'éclats de terreur est capable aussi de passer à de brusques élans romantiques, étrangement naïfs même, quitte à frôler la sensiblerie.
"Audrey's dance" capte avec un sens affirmé de la séduction l'esprit d'Audrey l'une des étudiantes proche de Laura Palmer. Par son rythme chaloupé, répété jusqu'à l'obsession, par la magie d'une section de cuivre que dominent le saxo ténor de Al Regni et la clarinette d'Eddie Daniels, ce titre offre l'un des moments-clé de l'album dans un style rétro-jazz absolument délicieux soutenu avec goût par les percussions de Grady Tate.
Les 3 chansons, "The nightingale", "Into the night" et "Falling", extraites du merveilleux album Floating into the night (1989) de Julee Cruise, déjà chroniqué dans Forces Parallèles, s'intègrent parfaitement aux pistes spécialement composées pour la série, tout d'abord parce que ces chansons sont écrites par David Lynch et composées par Angelo BADALAMENTI, ensuite parce que la chanteuse Julee Cruise intervient dans la série au cours des séquences qui prennent pour cadre le bar de la ville où se retrouve le soir une partie de la faune de Twin Peaks. Cette idée d'intégrer la chanteuse comme artiste habituée de ce bar permet justement aussi d'établir le lien très fort, quasi subliminal, existant entre la musique de la série et cet album extraordinaire. Julee Cruise, avec sa voix encore plus éthérée que celle d'ENYA, est l'interprète idéale des chansons de Lynch et de BADALAMENTI. Contrairement à ENYA, dont l'univers demeure fondamentalement positif, jouant sur une séduction immédiate et sans arrière-pensée, celui de Julee Cruise (fortement chapeautée par le musicien et le cinéaste) verse dans une mélancolie dépressive particulièrement poignante. La chanteuse ne cesse d'exalter l'amour, mais sa voix rendue spectrale par la production hyper sophistiquée semble épouser celle d'une femme condamnée à déplorer la perte de l'être aimé non du point de vue de celle ayant survécu à la mort de l'amant mais de la défunte-même . La musique très habitée du compositeur flirte avec les ballades sentimentales des 50's et une dark ambient somptueuse auxquelles les images poétiques de David Lynch au texte confèrent une spectaculaire dimension cinématographique. Ces 3 chansons tristes comme l'amour perdu et la mort explorent le versant sentimental et nocturne de Twin Peaks, ses mystères autant que ses souffrances refoulées.
D'autres moments versent dans une ambient jazzy aux limites de l'atonalité, comme c'est le cas de l'étrange et inquiétant "Night life in Twin Peaks", tandis que plusieurs pistes caressent des ambiances jazzy soft au groove irrésistible comme dans l'envoûtant "Dance of the dream man".

Les deux styles musicaux (jazz et ambient) cohabitent à merveille de sorte que cette BO plaira indéniablement aussi bien aux adeptes de l'un que de l'autre.

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   AIGLE BLANC

 
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- Angelo Badalamenti (synthétiseurs et piano)
- Kinny Landrum (synthétiseurs)
- Vinnie Bell (guitares électriques)
- Eddie Dixon (guitares électriques)
- Al Regni (saxophone ténor, clarinette et flûte)
- Eddie Daniels (flûte et clarinette)
- Grady Tate (batteries)
- Julee Cruise (chant : titres 4, 7 et 11)


1. Twin Peaks Theme
2. Laura Palmer's Theme
3. Audrey's Dance
4. The Nightingale
5. Freshly Squeezed
6. The Bookhouse Boys
7. Into The Night
8. Night Life In Twin Peaks
9. Dance Of The Dream Man
10. Love Theme From Twin Peaks
11. Falling



             



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