AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Escape from Monkey Island, c'est le volet de la saga où l'île aux Singes est de nouveau mise au centre de l'attention, et pas seulement à la toute fin. Guybrush et Elaine reviennent de lune de miel, mais découvrent qu'on a usurpé le poste de gouverneur d'Elaine. Pendant ce temps, un promoteur australien du nom d'Ozzie Mandrill veut mettre fin à l'ère de la piraterie pour faire des Caraïbes un paradis lucratif destiné à attirer les touristes... Guybrush doit naviguer entre les îles de Mêlée, Lucre, Jambalaya et même s'échapper de l'île aux Singes pour mettre fin à ces odieuses machinations, auxquelles un certain pirate zombie, vieil ennemi, n'est pas étranger.

Une fois de plus, les concepteurs de LucasArts n'ont pas lésiné sur l'imagination, les moyens... Si le jeu est critiqué pour son nouveau gameplay/mode de jeu lors de sa sortie, on ne peut qu'être abasourdi par le résultat, avec la joie de déplacer Gubyrush dans des décors plus vivants que jamais. Là encore, des casse-tête nous attendent, des idées improbables et poilantes : le Scumm Bar, repère de pirates (emprunté au premier volet de la saga) qui devient un restaurant de sushi sur décision de l'ignoble Ozzie Mandrill, l'église orthodoxe dévouée à LeChuck, un concours de plongeon avec force tricherie, une chasse au trésor pour obtenir l'Insulte Suprême (malédiction vaudou)...

Les thèmes de Michael LAND nous prennent aux tripes dès l'ouverture, avec le même générique que pour The Curse of Monkey Island moins de trois ans avant en 1997, sauf qu'à la place de la flûte et des influences sud-américaines, on a des steel-drums. Puis il y a cette fameuse montée de cordes sur rythme valsé qui revient à chaque fois qu'on se trouve dans le menu du jeu. Ça marque bien, et ça sonne comme un préambule (volontaire ou non) à ce que Hans Zimmer écrira comme thème principal pour une autre saga sur les pirates, cinématographique cette fois.

En deux heures de musique, LAND (aidé par trois collègues) a de nouveau le temps de développer ses ambiances, même s'il fait moins de répétitions que pour le troisième volet. Comme d'habitude, certains thèmes ne servent que dans des endroits spécifiques, comme le reggae "barock" à clavecin et orgue dans la maison des avocats de l'île de Lucre, ou celui avec solo de hautbois dans le Palais de la Prothèse de Dave Doubleborgne. En tout cas, le compositeur aime toujours autant ces instruments, basson compris ! Cela tombe bien, nous aussi. Et que dire de l'atmosphère des marais, entre jazz et ambient ?

L'île de Mêlée, qu'on retrouve avec bonheur pour la première fois depuis le premier jeu en 1990, est toujours plongée dans la nuit, et les thèmes autant que l'action y sont particulièrement fantastiques. Quand on dirige Guybrush sur sa carte d'un point à l'autre, la mélodie de cordes, pourtant brève, est enchanteresse et parfaitement adaptée à cet univers de Caraïbes et de boucaniers qui nous charme tant. Les pirates font un sacré bruit au Scumm Bar pendant que la musique joue, il y a aussi Lady Vaudou et la vendeuse de bateaux qui remplace Stan. Ce dernier tente de nous escroquer ailleurs avec ses multipropriétés, enfoiré ! L'occasion de réentendre son thème cajun avec clarinette folle.

Si on apprécie également l'île de Lucre et l'île de Jambalaya, les allées venues entre celle-ci et l'atoll Ondulé, tant pour le développement de l'histoire et les énigmes que la musique, concernant cette dernière, force est de constater que l'île aux Singes n'est pas le point fort. LAND retombe un peu dans ses travers du deuxième volet, à savoir proposer des thèmes plus cacophoniques ou simplement lourds, trop. Il faut dire aussi que le final avec le Monkey Combat (un clin-d'oeil à Mortal Kombat) n'est pas la plus grande réussite des concepteurs, plus ennuyeuse qu'autre chose.

C'est dommage, mais du coup ça touche plus le jeu en lui-même que la bande son. On trouve aussi de ces éléments bruitistes sur l'île de Lucre, dans la banque et tout, sans que cela desserve trop l'unité d'ensemble. Il y a suffisamment à admirer à côté, des thèmes les plus héroïques aux improvisations avec petites percussions, claves, bongos, marimbas... Avec un peu de latino, de cha-cha, de biguine et de calypso par-ci par-là, des guitares qui se prélassent sous le soleil. La qualité est un peu moindre que sur le volet précédent, mais ça reste du très bon !