En 1989, un guitariste du nom de Dylan Carlson a une idée : « Tiens, et si je montais un groupe ? ». Une idée loin d'être originale, mais qui peut lui apporter sousous et gloriole pour peu qu'il ait du talent ou du culot. Dylan a-t-il au moins l'un des deux ? Non, les deux mon capitaine : assez de culot pour se lancer dans du drone et assez de talent pour en faire quelque chose de pas (trop) chiant. Ainsi nait Earth.

Earth, pour poser la chose, c'est un monstre sacré de fin de siècle. Ce n'est ni plus ni moins que le père fondateur du drone doom, un genre qui aura permis l'essor de toute une scène incluant entre autres Sun O))), Boris et autres Jesu. Pas mal pour un gars qui s'est contenté de faire du drone en remplaçant les claviers et/ou instruments bizarres par une guitare électrique fortement saturée. Même qu'il hérite de la paternité de ce qu'on appelle depuis le drone doom, car poussant à l'extrême ce que les saints Black Sabbath et La Monte Young (entre autres) ont pu faire dans les années 70. Pourquoi pas? Moi, j'appelle ça du drone et c'est marre.

Earth, pour commencer, c'est d'abord un EP qui donne le la. Enfin, un EP... du haut de ses 32 minutes, est-ce... STOP ! Je déraille, je déraille, on va se concentrer sinon on en a pour des heures. Le premier Earth, donc, est un EP inauguratif sorti en 1991 sous le doux nom de Extra-Capsular Extraction. Un tel titre annonce un grand voyage à travers le ciel, sous les étoiles, quoiqu'un peu étrange et ésotérique. Sauf que c'est du drone, pas de l'ambient. Et que si voyage il y a, il sera perturbé, voire perturbant.

Ce qui est perturbant en premier lieu, c'est de se trouver face à une musique pauvre de prime abord, avec deux faméliques accords de guitare saturée et une grosse caisse qui bat péniblement la mesure. Pendant les dix premières secondes, on se demande ce que c'est. Pendant les deux premières minutes, on se dit qu'on se fait quand même grave chier. Et après avoir tout écouté, on se dit « Awé en vrai c'était pas si mal ». C'est là toute la magie des musiques répétitives, captiver avec trois fois rien. Tout est dans l'écriture dès la racine de la musique, dans la réponse à la question « comment se différencier d'une télévision enneigée ? ». Et puis, Extra-Capsular Extraction contient quand même son lot de variations. Outre une percussion entêtante sur "A Bureaucratic Desire for Revenge", Dylan Carlson se permet même d'inviter Kelly Canary et son meilleur poto Kurt Cobain (oui) pour quelques vocalises du plus bel effet. Et Dieu merci, les deux zigotos partent au bon moment, juste avant de devenir chiants ici.

Le premier effort de Earth est pour ainsi dire une réussite, mais une réussite déroutante. Extra-Capsular Extraction pose bien les bases du projet de Carlson autant qu'il fait se poser des questions. Du genre « mais pense-t-il vraiment enchaîner les albums de ce genre ? ». Non pas que le bonhomme ne soit pas doué, mais refaire quelque chose de la trempe de "Ouroboros is Broken" sans se répéter (ahem) ou radoter, ça paraît difficile. Un sacré défi quand bien même le son des guitares de base est enivrant. Mais le Dylan a des ressources, assez pour sortir son opus major par la suite.

Note réelle : 3,5/5