Ah, qu'elle est mignonne, la petite fille sur la pochette ! Bon, d'accord, la moitié de la photo est gâchée par un affreux filtre rouge et par le fait qu'elle présente au spectateur une pilule dans la main gauche, mais sinon, c'est une jolie photo, hein ! Et n'y voyez aucun sous-entendu, mécréants que vous êtes, camarades lecteurs ! Et... ah oui, accessoirement, c'est la pochette du deuxième album studio de EARTH, le fameux groupe drone venant tout droit de Seattle.

EARTH, c'est avant tout Earth 2, album séminal sorti en 1993 et qui aura marqué la décennie avec son drone tout de distorsions vêtu. Et ce ne sont pas les différentes formations inspirées par EARTH qui diront le contraire, Sunn O))) en premier. Mais en attendant, il est curieux de voir comment Dylan Carlson, le leader du groupe, va donner une suite à l'album encore considéré de nos jours comme son chef-d'oeuvre. Et bien, la réponse est toute simple : le Dylan, il va s'enfermer tout seul comme un grand dans son studio, avec une guitare et... c'est tout. Deux ans plus tard, sort Phase 3: Thrones and Dominions, tout bonnement.

Sur le fond, on a presque envie de dire que les amateurs du drone seront ravis. Carlson n'a de cesse de torturer sa guitare (et les nerfs des auditeurs) avec la même formule qu'auparavant, et c'est cool, très cool même. Et puis, avec quelques variations, on peut même se dire « ça va le faire, t'inquiète ». Sauf que non. Phase 3 est un album décevant à plus d'un titre, et ennuie plus que profondément là où Earth 2 parvenait à captiver et à hypnotiser. Ce n'est même pas un problème de fond, mais clairement de forme. En effet, Phase 3 contient en bonne partie des morceaux courts, au format rock, et plutôt premier degré. Il n'y a qu'à écouter "Harvey" et "Song 4" pour s'en convaincre. Carlson change de fusil d'épaule, mais le résultat n'est clairement pas probant.

Et c'est tout à fait normal, car à la vérité Phase 3 n'est ni plus ni moins qu'un album de transition. Sans doute soucieux de ne pas donner l'impression de faire tout le temps la même chose, Dylan Carlson tente de faire évoluer sa musique, tout en gardant son identité musicale. Rien que pour cet effort, le résultat n'étant pas catastrophique, on ne peut que lui tirer son chapeau. Mais il y a tout un monde entre la bonne volonté et le bon résultat, monde que Carlson a un mal fou à traverser ici.

Ce n'est pourtant pas le talent apparent qui manque. Sur des morceaux comme "Song 4", Carlson parvient à composer des mélodies certes jouées avec une guitare sur-saturée, mais qui prouvent par a plus b que oui, il est bel et bien doté de véritables capacités d'écriture. Son talent à créer de longues pièces hypnotiques n'a pas disparu, comme en témoigne "Tibetan Quaaludes", même si le caractère mystique y est moins développé que sur Earth 2. Mais l'effort n'est pas accompli jusqu'au bout, et l'exercice du drone en transition vers un rock plus classique avec une seule gratte, c'est dur, trop même. Et comme si ça ne suffisait pas, Phase 3 redéfinit la notion de remplissage avec son morceau-titre, soit 12 minutes et demi de purs field recordings. Alors oui, ces bruits de vent désertique font explicitement référence à l'autre partie du titre du morceau, « Agni Detonating over the Thar Desert », mais là, Carlson exagère.

Album de transition, donc, que ce Phase 3. Et un album si médiocre que son écoute n'est clairement pas obligatoire. Sauf peut-être s'il vous prend l'envie de comprendre comment EARTH est passé de l'opus culte de 1993 à l'album suivant Phase 3, et qui sera autrement plus chouette à écouter.