2004, c’est l’année de la quarantaine pour Christophe Miossec. C’est également l’année de la reconnaissance pour le Breton, qui publie « 1964 », son album le plus abouti.
Août 2006, notre homme a passé le cap, la consécration sera-t-elle présente à l’arrivée ? « L’étreinte », tel est le nom du bateau à bord duquel il part peut-être naviguer vers un succès tant populaire que critique…

Quelques semaines avant l’embarquement, « La facture d’électricité » arrive sur les ondes. Ce titre éveilla en moi quelques méfiances : Miossec se serait-il égaré dans un trip bobo à la Vincent Delerm, ou alors lorgnerait-il sur les tracas quotidiens d’un Bénabar ? Les premières notes retentissent, je m’inquiète de plus en plus : un rythme léger guitare/piano, des chœurs (gloups !!) limite kitsch… La voix rocailleuse du timide Christophe arrive enfin… et les inquiétudes se dissipent vite, il ne nous parle pas de la hausse du prix du kilowatt mais un constat beaucoup plus subtil d’un homme qui touche le fond.
La légèreté est de mise dans l’étreinte que nous donne Miossec, à l’image de « L’Imbécile » qui tourne comme un manège. « L’amour Et l’Air », carrément pop, peut-être un futur single capable de séduire les plus réticents. Il y a aussi la douce « Julia » partagée entre chœurs et cuivres où les bonnes résolutions sont pour une fois de mise pour pouvoir aimer. Papa Miossec nous berce même en fin d’album sur « Bonhomme » tendre comptine où guitare et flûtes éclairent un visage qu’on ne lui connaissait pas.

Si l’on écarte ces trois ou quatre sucreries au demeurant bien agréables, on sera assurément surpris par l’audace de l’artiste sur plusieurs titres, en particulier les deux plus longs de l’album : « La Mélancolie » et « Le Loup Dans La Bergerie ». Des arrangements de toute beauté se taillent la part du lion pour donner d’un côté, un relief inattendu à cette ode aux souvenirs et de l’autre un caractère onirique et côtonneux aux précieuses mises en garde.
Entourant ces deux pépites, on retrouve un Miossec en forme mais plus retenu sur ses sujets de prédilection : la femme, l’amour, l’infidélité… Comme par exemple sur « Quand je fais la chose », qui aurait pu prendre une tournure nettement plus crue si nous étions en 1997 à l’époque de l’album « Baiser ». Les rythmiques guitaristiques sont à l’honneur sur « Mes Crimes » ou en accompagnement des sublimes métaphores maritimes de « La grande marée ».

En tout cas, même si le Breton a passé la quarantaine, il chante de mieux en mieux et de plus en plus. Son timbre ne se prête pas forcément à cet exercice périlleux, mais il s’y risque tout de même et cela lui réussit plutôt bien. De nombreux chœurs parsèment à présent ses compositions, mais sont toujours utilisés à bon escient, sans être trop pompeux ni trop niais ! Le tout enveloppé par quelques cordes ou cuivres, voilà Miossec bien équipé pour affronter les frêles tempêtes de critiques au beau milieu d’un océan de compliments. « L’étreinte » est un navire qui finira à bon port dans vos lecteurs avant que son capitaine ne parte en régate autour de la France.