AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Pas besoin d'être un quinquagénaire auvergnat et ronchon pour l'affirmer : les années 80 au cinéma sont les années de la testostérone. Et qui dit testostérone à cette époque dit... plein de mecs. Genre, beaucoup. Mais pour le coup, on va se focaliser sur un seul d'entre eux, et pas des moindres puisqu'il s'agit d'Arnold Schwarzenegger. Et à l'époque, il est bien beau notre Schwarzy préféré : après les années 70 dédiées au muscle pur et dur, le voilà devenu star d'Hollywood une décennie plus tard. Bien évidemment, ce n'est pas dans du film « art et essai » qu'il brille, mais bel et bien dans le blockbuster qu'il excelle. Des noms ? Terminator, Conan le Barbare (jetons un voile pudique sur ses suites), et Predator.

Predator, c'est un grand film d'action/SF au scénario plutôt con : Schwarzy et ses potes se font dézinguer l'un après l'autre par une mystérieuse créature extraterrestre dans une quelconque forêt d'Amérique latine. Les frères Thomas, scénaristes du film, assument : c'est un croisement entre Rambo et Alien. On passera rapidement sur la genèse du monstre – sachez quand même que Jean-Claude van Damme a failli l'interpréter – pour se focaliser sur le film en lui-même, associant habilement scènes d'action épiques et séquences de tension intense, le tout en 1h40 magistralement filmées. De nos jours, Predator est considéré comme un sommet du genre, quasiment impossible à égaler. Ce qui est normal, avec John McTiernan à la réalisation, et Stan Winston aux effets spéciaux et au maquillage, même si James Cameron a apporté l'idée des mandibules sur la gueule du monstre pour le rendre encore plus terrifiant sans son masque.

Outre des effets spéciaux crédibles, une photographie remarquable et un jeu d'acteurs convaincant (cela inclut Schwarzy), il faut que l'ambiance soit soutenue par une bande sonore au taquet. Et là, McTiernan avait l'embarras du choix avant de prendre Alan SILVESTRI. Bonne pioche : SILVESTRI est déjà un compositeur de renom, ne serait-ce que grâce à Retour vers le futur (1985), et qui deviendra par la suite un véritable pilier à Hollywood, grâce entre autres à... Predator. Et oui, le challenge de proposer une musique épique et étouffante à la fois est réussi. D'aucuns y voient même un modèle du genre, de par son équilibre savamment dosé. Pour être franc, c'est le cas, même si, en toute logique, la musique n'est pleinement efficace qu'au visionnage du film.

Comme tout film culte des 80's qui se respecte, Predator possède son thème principal, du genre « LE thème ». Okay, les plus cinéphiles (et tatillons) auront noté qu'il ne s'agit là que d'une variation plus musclée et rapide d'un thème « militaire » composé pour Retour vers le Futur (la scène où Doc présente à Marty sa DeLorean, pour être précis). Mais quand même, toute l'action et la tension du film sont synthétisées à travers ces quelques notes martiales résumant à elles seules tout le film. Oui, c'est fort, et oui, le thème de Predator est devenu culte. Et de plus, il a le bon goût de ne pas être ressassé tout au long du film, son usage étant fait avec parcimonie et surtout justesse.

On ne peut certes pas en dire autant de certains autres morceaux, mais ils restent assez marquants et intelligemment écrits, comme celui aux percussions tropicales ("Something Else"), anxiogène à souhait. "Billy stands alone" expose à merveille le sacrifice du personnage éponyme, mais le caractère solennel et fataliste est un peu trop appuyé par des cuivres ronflants pour ne pas éviter un côté « ridicule ». Ailleurs, quand Schwarzy construit le terrain pour la confrontation finale avec le prédator, cela donne "Battle Plans", qui fait monter la sauce de manière exemplaire au vu de la scène illustrée.

En fin de compte, aucun réel moment de faiblesse n'est à déplorer dans la B.O. de Predator. Ceci étant, c'est de la musique de film, et tel un chien de Pavlov, on se pose automatiquement la question « ça marche en dehors du film ? ». Écouter la B.O. de Predator en tant que musique à part entière pourrait s'avérer être un contresens complet. Et pourtant, SILVESTRI brille dans l'art de la composition, grâce à un dynamisme hantant toute la musique, qui ne s'essouffle jamais. J'ai parlé au paragraphe précédent de quelques points forts, mais il faut bien comprendre que tout au long du disque, chaque piste prend aux tripes, se fait évocatrice du film ou d'une ambiance s'y approchant, tant et si bien qu'on finit par tout écouter d'un coup.

Quitte à manquer de recul, disons-le franchement : Predator possède la B.O. idéale pour un film d'action/SF, qui se paie en plus le luxe de ne pas se réduire à son contexte cinématographique. Une musique totale, au service d'un homme (McTiernan) ayant tout compris dans l'art si délicat de faire dans le bourrin ET l'artistiquement cohérent, et au service d'un des grands mythes de ces 60 dernières années.

PS : non ce n'est pas une erreur, la date de la publication de cette B.O. est bien 2003 alors que le film est sorti en 1987. Pourquoi, comment ? Allez savoir.