Le new York de la fin des seventies... Le bouillonnement culturel incessant qui agite les quartiers de Greenwich Village, de Soho ou de Chelsea à cette époque. Big apple est un écrin de choix pour la créativité. Alors imaginez : tous ces artistes à la recherche du succès, dans tous les genres musicaux, répétant dans des caves blafardes ou des apparts sordides d'étudiants, voire des chambres d'hôtel à trois sous. C'est dans cette jungle urbaine impitoyable que le bassiste chanteur Nic North va faire ses gammes, entre le CBGB et les autres salles mythiques du coin. Amateur de tous les genres musicaux, sa rencontre avec la chanteuse guitariste Ramona Jan va provoquer la création des COMATEENS. Lyn Bird les rejoint pour la gestion de la drum machine, mais se retrouve rapidement en charge de l'image du groupe et surtout des claviers. Le départ de Ramona amène l'arrivée du jeune frère – à peine 18 ans - de Nic, Oliver, à la guitare. Nous tenons le line-up classique du groupe.

De concerts en répet, c'est en définitive un chti français bien de chez nous, Fabrice Nataf de chez Barclay Music qui propose aux jeunes New-Yorkais un premier deal. Quelques milliers de dollars et plusieurs jours de studio plus tard, les bandes de ce premier opus éponyme sont dans les boîtes.

Vous allez vite comprendre la spécificité de ce groupe semblable à nul autre. Un mélange hybride de pop, axé sur des rythmiques funks ou ska suivant les cas, avec des synthés prépondérants et plusieurs voix claires et douces. Le premier hit "Cool Chick" sorti en 79 ne rencontre pas le moindre succès et n'est pas bien mémorable. Mais le suivant, "Late night city" se présente comme un titre pop avec un riff de gratte qu'on croirait issu du British boom. Nous en sommes pourtant bien loin ! L'ensemble sonne donc bien rock, comme il se doit. Avec un petit lick de synthé pour sonner quelque peu new wave tout de même, mais c'est tenu tenu. Bien que la voix du petit Nic North soit un peu légère, on apprécie globalement ce petit ovni à la conclusion bien moderne. Enfin,le titre "Ghost" est probablement celui qui est le mieux resté dans les mémoires, et il présente au mieux les caractéristiques essentielles du groupe, ne pas partir sans l'avoir découvert !

Trois reprises ponctuent cet opus : fascinés par le thin white duke, nos jeunes artistes reprennent le "TVC 15" avec une certaine candeur. Reprendre BOWIE n'est jamais évident, mais le résultat est assez sympa pour être souligné. "The munster theme" est un instrumental bien connu, super bien foutu et qui montre clairement ce dont le groupe est capable. Il faudra compter avec eux. Mais c'est avec l'hymne des LOVIN' SPOONFULL "Summer in the city" que les COMATEENS trouvent leur voie. Cet hommage à la pop des sixties est une merveille totale. Les jeunes gens parviennent à transformer la composition en standard de new wave. Magnifique !

Les autres titres, toujours très originaux, manquent toutefois un peu de sens mélodique et les lignes de chant de Nic sont souvent un brin "simplistes". Ainsi, "Overseas" semble tout droit sorti d'une jam. On se rapproche d'une certaine conception encore punky de la musique. C'est direct et sans concession. "One by one" propose à nouveau une rythmique de gratte claire sans effet en mode "ska", accompagnée de cette basse rondelette. Cette fois, c'est la brunette Lyn qui chante. C'est plus convaincant, mais la composition qui flirte cette fois bien avec les éléments new wave, un brin linéaire, manque un peu de fond.

"Nightmare" semble tirer les marrons du feu. C'est serré et le spoken word de Lyn fonctionne bien alors que Nic lance le refrain dans une certaine urgence pour un résultat très chouette. Enfin, "All ways" nous fait entrer dans une ambiance new wave bossa nova, c'est donc étonnant à écouter mais diablement addictif. On sent confusément que les artistes ne savaient pas vraiment quoi faire de ce titre et se sont certainement accrochés pour le finaliser. Et bien, on a entre les mains un vrai titre de new wave au final, le meilleur de cet album.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que le style est trouvé. Cette zique ne ressemble à aucune autre. Les éléments punks ont été expurgés, les rythmiques oscillent entre funk, ska et rock. Il faudra aux trois chanteurs travailler encore pour trouver comment poser leurs voix de manière plus efficace. Mais les idées de base sont brillantes. Les COMATEENS vont devenir un des groupes les plus influents de la planète new wave. En attendant, il va falloir survivre à ce premier album !