La carrière météorique des COMATEENS arrive à son apogée en cette année 84. C'est à Miami aux criteria studios qu'est enregistré cet opus aux vives couleurs chamarées synonymes des eighties. A cette occasion laissez-moi vous dire en cassant le suspense que vous voici en passe de découvrir un des albums majeurs de la décennie. Souvenez-vous, nous sortons d'un deuxième album aux riches influences éparses et les deux frangins Dembling : Nic à la basse et Olivier à la guitare encadrent la très énigmatique et androgyne jeune femme qu'est Lyn Byrd aux claviers. Le trio est sorti de l'anonymat à une vitesse folle, et le voilà en passe d'accéder à la première division des groupes de new wave sur ce troisième opus intitulé Deal With It.

"Resist her" est et restera à jamais comme le chef*d'oeuvre incontestable des jeunes new yorkais. Ils auront laissé à la face du monde de la musique cette composition chantée à trois voix, d'une limpidité et d'une gaieté immaculée, d'une insouciance qui symbolise magnifiquement les années 80 à mon sens. C'est bien simple, en New Wave, je ne lui vois que peu d'égaux : "Sweet dreams" d'EURYTHMICS, ou "Pale Shelter" de TEARS FOR FEARS. Ça vous situe un morceau. La ligne de synthé de Lyn y accompagne en permanence les notes cristallines d'Oliver qui à l'image d'un The EDGE chez U2, tient ici toute la baraque sonique. Une merveille. La vidéo est belle, quelle plus belle fiction que de décrire un état totalitaire imposant le noir et blanc, et la musique du groupe qui symbolise les couleurs en résistance à cette oppression ? Cette chanson est un masterpiece. Ne partez pas sans l'avoir écouté !

Mais cet album a généré un autre succès : voyez donc ce lick de synthé impertinent sur "Don't come back", alors oui la batterie - réelle - de Chuck Sabo ne laisse pas trop de doute quand à la décennie de production, mais cette gratte funk qui accompagne les lignes vaporeuses et psychédéliques de Lyn, c'est juste génial. Nic chante cette nouvelle offrande avec une innocence évidente et un talent consommé. Mais on n'est pas orphelins pour autant, "Jo-Ni" se présente comme un autre classique de cette livraison même s'il n'est pas sorti en single. Un riff de synthé lancinant et sombre, une guitare tantôt rageuse, tantôt rêveuse, et la voix de Nicols qui en dépit de sa douceur, parvient à circonscrire cette compo, de transformer ce texte de bluette en masterpiece new wave à tendance dark.

"Deal With It" possède plus d'éléments synth pop avec un beat qui rappelle les évolutions de leur compatriote B-52, synthés et basse très en avant, quelques petites inflexions proches de la ska two tone avec un clavier dingo à la Dammers. Tout ça nous donne un morceau fort original qui nous plonge dans un abîme passéïste de fort bon aloi. "Nightmare" dispense un beat de synthés un brin angoissant sur une rythmique bien syncopée de Oliver North. Lyn et Nic se partagent le chant comme souvent, le titre se révèle un parfait exemple de l'art des COMATEENS. Une new wave à l'américaine, fourrée d'éléments pop et fonky, et toujours ces nappes de synthés simples mais ô combien addictives !

Toujours dans l'excellence, "Walking Watching" avec son beat de claviers répétitif, se présente plus comme une héritière de la tradition des sixties – on pense à "She's Not There" des HOLLIES que le trio aimait à reprendre lors des soirées étudiantes qu'ils animaient. Toujours très sixties dans l'esprit, "Ask Yourself" est au contraire toute pleine de guitare. On revient vers les consonnances funky avec la rythmique cinglante de "Confessions", très très sympa. "Satin Hop" est l'unique titre chanté par le guitariste Oliver, et comme d'habitude avec les compos du guitariste, on évolue dans une toute autre dimension, plus statique et sans doute moins remarquable.

Au final, qu'est-ce qui fait une bonne chanson ? Le fait qu'on l'aime, le fait qu'elle ait du succès ? Allez savoir, un peu de tout sans doute. En ce qui me concerne, je suis parfois assez surpris de ce qu'il m'arrive de fredonner. Et miracle il y en a une dans le lot que je fredonnait très très souvent : Il s'agit du refrain de "Love Will Follow You", d'un strict point de vue artistique, cette compo me laisse presque froid... mais alors pourquoi ai-je l'habitude de la chanter plus qu'à mon tour ? On tirera les conclusions qui s'imposent !

Quand on en arrive à l'addition, le décompte touche vraiment à l'excellence. À l'exception d'une compo moyenne, le reste est vraiment au top. Hélas les COMATEENS ne rentreront pas dans l'histoire à l'instar de leurs compatriotes les TALKING HEADS, DEVO ou les B-52, alors que le groupe prépare en 87 son quatrième opus, le destin va sous les traits de la faucheuse emporter le jeune guitariste Oliver Dembling loin de ce monde, provoquant d'un coup d'un seul la fin du groupe. Le musicien était depuis longtemps accro à l'héroïne. Son brusque décès sonnera la fin du groupe new yorkais. Un point final reste certes à écrit, mais en attendant, je décide de mettre la note parfaite à leur troisième opus pour plein de raisons : artistique, personnelle, historique, ou pour la simple équité... la meilleure étant d'ordre purement musicale, dont acte !