Pour Paul CARRACK, sortir un album solo en étant membre de MIKE & THE MECHANICS et durant les pauses du groupe tient de la routine autant que du plaisir personnel, fort peu récompensé malgré tout. Les critiques sont positives à l'égard de Beautiful World (1997), et il y a de quoi. Ne manque que la reconnaissance du public, pour donner au chanteur l'envie de continuer de croire en son propre talent de songwriter, ce qui sera de moins en moins le cas par la suite.

Beautiful World est un beautiful album, très empreint de pop années 90 à tendance soul, garni d'arrangements électroniques au milieu desquels flotte une ambiance certaine, que l'on retrouve sur les albums de SEAL et tant d'autres, à un niveau mieux défendu par les médias. "The Way I'm Feeling Tonight" et "If You'd Ever Needed Someone" nous font à eux seuls regretter que ce ne soit pas le cas, tant cette chaleur d'époque nous émeut, nous fait oublier le traitement bon marché des batteries. À ce titre, elles sont gérées (les vraies aussi) par Gary Wallis, compagnon de CARRACK au sein de MIKE & THE MECHANICS, et qui co-produit l'album.

Les arrangements, plutôt que d'alourdir les compositions, participent à créer un climat d'élégance en conservant le groove, et c'est une qualité permanente sur cet album, ou presque. Il n'y a qu'un ou deux faux pas : "Satisfied" et "Some Kinda Love", non parce qu'elles sont mauvaises, mais ce sont les moments où on sent que CARRACK veut se sortir de l'unité du reste et dans laquelle il apparaît tellement à l'aise. Pris séparément de cet album, ces deux titres funk basiques pourraient sembler meilleurs, mais "Satisfied" aurait toujours ses cuivres à la petite semaine ennuyeux, tout comme "If You'd Ever Needed Someone" garde son synthé légèrement superflu.

Là où le piano conduit les nappes et revient en fins de refrains, sur ce dernier titre ou le tout premier, il y a une intention à la Bruce HORNSBY. Le morceau-titre, "Beautiful World", est un gros slow lent, riche en voix gospel, une belle chanson avec le tout qui s'emballe à la fin pour un duo orgue-chorale. C'est aussi, de fait, la plus originale avec un texte qui sort du schéma "baby, i love you and if you love me, please don't wait, oh no!" ("bébé je t'aime et si toi tu m'aimes, n'attends pas, je t'en prie !") que CARRACK continue de déployer sur ses chansons, en bon soulman. Et il le fait bien, avec la voix qu'on lui connait, toujours juste ! "Beautiful World", c'est la chanson universelle avant d'être personnelle.

Pas la plus belle, cela dit. Car c'est ça qui est fort avec cet album, d'autres ballades lambda et qui pourraient être fades aux yeux de beaucoup sont simplement prenantes, efficaces. "Perfect Love", "Close to Me" et "It Goes Without Saying" sont conduites par les claviers, piano acoustique et Fender Rhodes, cordes et ambiances atmosphériques dans une veine similaire, très soft. Elles n'en sont pas moins superbes et Dave Bronze à la basse comme l'excellent Tim Renwick y incorporent des effets soignés, solos très mélodiques pour ce dernier. Des réalisations superbes, qui ne font pas pour autant de l'ombre au plus grave "Time to Let Go", autre petit bijou qui fait intervenir, mieux qu'ailleurs sur le disque, la divine choriste Tessa Niles.

Tout un tas de bonnes idées dont le grand public n'a pas vent, alors qu'aujourd'hui, on le réécoute toujours avec beaucoup de plaisir, comme l'ensemble des années 90 de Paul CARRACK avec ou sans les MECHANICS.