Pour son cinquième album solo, Paul CARRACK s'offre de gros moyens, une nouvelle fois. Visez un peu ce groupe de studio ! Rod Argent, Pino Palladino, Tim Renwick, Robbie McIntosh, Andy Newmark, Tessa Niles, Katie Kissoon et en plus de tout cela, la production est gérée par Peter Van Hooke, le batteur de MIKE & THE MECHANICS qui ne tarde justement pas à poser ses baguettes pour se concentrer sur cet aspect musical, pour la suite de sa carrière.

"Eyes of Blue" démarre à peine que nous sommes mis en confiance, d'un point de vue style et qualité. C'est bien écrit, bien joué, on sait qu'on est parti pour quelques 50 minutes de pop à la Paul CARRACK, débordante de soul et de gentlemen attitude.

À ce titre, comment ne pas fondre pour "Love Will Keep Us Alive", ballade acoustique crépusculaire hantée par la voix de l'intéressé, avec un orgue Hammond qui jette des pluies d'étoiles, la guitare slide de McIntosh qui se balade avec élégance et les choeurs féminins qu'on aimerait vraiment embrasser ! Mais on n'ose pas, on reste assis sur le banc, à parler avec elle(s)...

Les autres chansons gardent l'esprit de groupe, et ce n'est pas plus mal. Dans une formule simple, on pourrait craindre que la durée de cinq minutes nuise aux chansons mais ce n'est pas le cas. Seule exception, "Oh, Oh, Oh, My, My, My", un peu à l'image de "I'm on Your Tail" sur l'album précédent, Groove Approved (1990). C'est l'inconvénient lorsque CARRACK veut se donner une image plus cool que nécessaire en puisant dans les sons rétro et tient à faire durer un plaisir qui, de toute évidence, passe mieux en live.

Au contraire, malgré leur progression linéaire et sans surprises, "Don't Walk Over Me", "Nothing More Than a Memory" et "For Once in Our Lives" révèlent toutes ces rythmiques bien soupesées et groovy (Newmark et Palladino, ça ne s'invente pas), ces mélodies qu'on peut écouter sans mal et qui visent un public féminin. Il y a parfois un petit solo de guitare saturée bien placé (en accompagnateur, Tim Renwick demeure impeccable), un arpège de 12 cordes qui vient lécher l'oreille, des choeurs à-propos, y compris ses propres harmonies que CARRACK gère lui-même.

"How Long?" aurait mérité de faire un bon tube, à nouveau puisque cette reprise d'ACE, l'ancien groupe dans lequel officiait le chanteur, ne dépareille pas de l'originale. D'une façon ou d'une autre, la chanson revient régulièrement dans les oreilles des Anglais toujours friands de ce style.

On aime également "Only a Breath Away", entre autres éléments qui nous rappellent avec bonheur ces années 90 où le retour de la pop soft, teintée de soul et sans excès sonores modernes connaissait des jours heureux. CARRACK se rapproche de SIMPLY RED et d'autres du côté blanc, mais on pourrait parler de SEAL, TERENCE TRENT D'ARBY voire Lenny KRAVITZ dans ses élans les moins rock.

Voilà de quoi rendre l'écoute de Blue Views agréable, sachant que tout a été composé, même "How Long?" qu'ACE devait à CARRACK de toute façon. Peut-être ce caractère gentil et propret soulève parfois un brin d'impatience ou une sensation de trop grande uniformité sur la durée d'ensemble, mais l'album reste un bel exemple d'équilibre et d'efficacité. Un bon point pour le chanteur qui avait alors bien fait de se dévouer à MIKE & THE MECHANICS, quitte à espacer ses publications !