Diantre, deux albums en deux ans ! Que se passe-t-il ?
Certes, après L’opération Aphrodite qui ressemblait plus au ratage du Rainbow Warrior, le père MANSET, 73 ans au compteur, nous revient avec A bord du Blossom où il narre l’aventure d’un navire britannique du XIX° siècle commandé par le capitaine Frederick William Beechey parti à la découverte d’un territoire inconnu où vit une tribu primitive, modèle d’une nouvelle société utopiste. Sur le papier déjà, cela semble sulfureux. C’est effectivement sulfureux.

Du MANSET pur-jus ! Le gars qui voyage en solitaire trouve des îles perdues dans des destinations lointaines : l’Indonésie, les Philippines, le Venezuela. Avec sa voix très hautaine, presque suffisante, il narre avec une certaine moquerie le récit. Le chanteur qui a toujours évolué dans l’emphase et la grandiloquence, ici encore, ne s’en prive pas. On retrouve les grands thèmes : les voyages exotiques, le paradis perdu, le voyageur solitaire et incompris, l’innocence, l’enfance. Il évoque des contrées inconnues (Alao, la mer des Balabac, Surigao) au commun des mortels.

Et puis, il nous sort "On nous ment", une chanson qui pourrait presque faire un 45-tours si ce format existait encore. On nous ment / On nous ment de loin / On nous ment de près / Ce n’est qu’après / Qu’on sait le comment / On voit le pourquoi / Qu’on lit le secret / On nous ment pendant / On nous ment avant / On nous ment après. Et, comme pour exorciser cette chanson, MANSET retrouve ses grandes envolées, ses mots sortis des brumes de son esprit dans Le Paradisier. Fumée dans les arbres / Et puis le cri des singes / Comme si la nature / Étendait un linge / Depuis le crépuscule / J'ai posé mon sac / C'était au bord d'un lac / Grand comme un bout d’Écosse / Bien je m'y suis lavé / J'ai eu de la pluie / J'ai mangé de l'écorce / C'était dans une forêt d’Asie / De Bornéo de Malaisie… , pour relier le présent au passé, pour montrer qu’il reste ce chanteur totalement à part dans le paysage musical, pour crier que MANSET sera toujours MANSET.
Cet album est clivant, et la vierge pleure : Elle a reçu son émissaire, il lui remet la lettre… Dans le grand palais du passé / Quelqu’un lave par terre / Tant de choses sont entassées / La vierge solitaire décide de se taire / Pour des millions d’années.

Cet album est clivant (j’insiste), il n’amènera vraisemblablement pas un nouveau public au chanteur qui doit s’en moquer comme de son premier billet d’avion, mais il ravira les inconditionnels, ceux qui le suivent et l’écoutent religieusement depuis ses débuts.
Et quoi de plus cohérent que de raconter l’histoire d’un marin du grand siècle, conquistador pacifique d’un rêve impossible, d’un paradis à découvrir. MANSET aurait adoré découvrir une tribu inconnue non atteinte par la civilisation où tout serait encore primaire et pur.

En étant plus sévère, on peut aussi penser que MANSET tourne en rond, nous refourgue toujours les mêmes clichés avec son exotisme à la petite semaine qui n’existe que dans ses rêves. C’est la leçon de cet album, soit on entre dans son jeu et on paye "La chambre à La Havane" et il fonctionne parfaitement, soit on reste de marbre et on passe à autre chose sans s’attacher aux pérégrinations du marin oublié.