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Roger HODGSON - In The Eye Of The Storm (1984)
Par MARCO STIVELL le 23 Octobre 2018          Consultée 3285 fois

Chaque fois que j'entends qu'une carrière solo d'un musicien d'un groupe célèbre est forcément en dessous de la collectivité, je repense à certains contre-exemples criants de vérité, comme In the Eye of the Storm de Roger HODGSON.

En 1984, le guitariste-chanteur-bassiste-Wurlitzeriste est sur les rails depuis quinze ans, mais avec SUPERTRAMP, en dix ans et surtout les cinq derniers, son train est devenu locomotive, sortant des tubes comme une chaudière de la fumée. Il n'a absolument aucune raison de quitter le groupe, pas même sa mésentente de plus en plus forte avec Rick Davies. Cependant, il le fait juste après ...Famous Last Words... (1983) et l'histoire de SUPERTRAMP s'en trouve modifiée à jamais.

Ni une ni deux, HODGSON, pour le reste de sa carrière, n'est jamais aussi prompt à publier un disque qu'en cette année 1984. On le ressent à l'écoute de In the Eye of the Storm : il a faim, il a envie d'en découdre, pour la première fois depuis longtemps il a quelque chose à prouver, et la manière dont il y arrive est assez exceptionnelle. En étant optimiste, on aimerait dire que tout artiste digne de ce nom et réalisant la même démarche devrait pouvoir atteindre un tel niveau.

In the Eye of the Storm, c'est grandiose, d'autant mieux lorsqu'on sait que Roger HODGSON y tient tous les instruments "permanents", guitare, claviers, et basse pour la première fois depuis bien longtemps. De la batterie, il en joue un peu aussi, sur deux morceaux, mais la plupart du temps, il préfère s'en remettre à (tenez-vous bien !) Michael Shrieve, prodige du groupe mythique SANTANA. Parmi les ingénieurs du son, on rencontre Scott Litt, futur collaborateur de R.E.M. durant leurs années à succès massif, ce qui peut expliquer une clarté synonyme de luxe.

Et surtout, on sait que Roger HODGSON délaisse Breakfast in America, piano Wurlitzer etc et revient au pop-rock des années 70, pas forcément progressif mais au moins enrichi. Une puissance sonore moderne mais un traitement à l'ancienne, résolument hors de son temps. La nappe de claviers sombre du début de "Had a Dream (Sleeping With the Enemy)" et la chanson passionnée qui s'ensuit, enchaînant couplets-refrains glorieux et solo de guitare électrique qui ne le sont pas moins, nous renvoie à l'époque de Crime of the Century, mais sur un mode plus sûr-de-son-coup.

"Hooked on a Problem" et "In Jeopardy" sont les titres qui sonnent le plus proche de SUPERTRAMP, le mieux connu. La première et chanson la plus légère de l'album, un slow enfantin avec plein de claviers-jouets, une pointe de Wurlitzer (quand même !) et un saxophone sans qui Roger HODGSON ne serait plus tout à fait Roger HODGSON s'il l'avait complètement écarté, aurait dû être publiée en single contrairement à l'autocollant publicitaire de la pochette qui stipule que ça a bien été le cas.

"In Jeopardy" est encore meilleure, sur un rythme blues porté par les subtilités de Shrieve à la batterie à travers un résultat simple en apparence, ponctué par les choeurs de Ken Allardyce, à la Rick Davies. HODGSON se lâche sur des synthétiseurs démodés, la mélodie vocale s'élève toujours plus haut - quel timbre ! Quel chanteur ! - et avec un désespoir clairement perceptible.

C'est la force incroyable de ce disque, qui à travers ses chansons à l'écriture fine, distille une ambiance sombre mais guère plombante. Au contraire, elle est magnifique d'un bout à l'autre, du fragile "Lovers in the Wind" (où HODGSON joue lui-même de la batterie) au superbe "Only Because of You", renforcé par les choeurs de Claire Diament qui travaille aussi avec SUPERTRAMP dans ces années-là. Le ton rugueux de "I'm Not Afraid" a de quoi impressionner les hardos de l'époque, et notre Roger met autant d'insistance sur "Give Me Love, Give Me Life" que lors du premier titre. Ce sont sept à neuf minutes de bonheur pur à chaque fois.

La basse fretless de Jimmy Johnson (James TAYLOR, Allan HOLDSWORTH...) sur "Lovers in the Wind" et "Only Because of You", la guitare malicieuse de "Hooked on a Problem", lyrique sur "Had a Dream...", le riff de basse sur ce même morceau, l'envolée live de "Give Me Love...", bon Dieu mais que c'est bon ! Et puis ces mélodies, ces pianos-claviers feutrés, ce "Only Because of You" qui n'a rien à envier à "Don't Leave Me Now" sur le SUPERTRAMP de 1983, ces effets vocaux et rythmiques multipliés, ces transitions et relances continuelles avec l'envie de nous asperger de rêve ! Un indispensable, mille fois oui !

In the Eye of the Storm cartonne au Canada surtout, et pour le reste, obtient un mini-tube avec "In Jeopardy" ainsi qu'un fort succès d'estime, pas suffisant hélas pour bien l'ancrer dans le temps.

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   MARCO STIVELL

 
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- Roger Hodgson (chant, guitares, claviers, basse, batterie)
- Michael Shrieve (batterie sauf sur 3 et 4)
- Jimmy Johnson (basse fretless sur 3 et 7)
- Ken Allardyce (choeurs, harmonica sur 6)
- Scott Page (saxophones sur 4)
- Claire Diament (choeurs sur 7)


1. Had A Dream (sleeping With The Enemy)
2. In Jeopardy
3. Lovers In The Wind
4. Hooked On A Problem
5. Give Me Love, Give Me Life
6. I'm Not Afraid
7. Only Because Of You



             



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