Hai Hai, deuxième album solo de Roger HODGSON, voilà un cas de disque très problématique, comme le Free as a Bird de SUPERTRAMP sorti la même année, comme par hasard. C'est peut-être la seule occasion d'entendre une bonne partie des fans irréductibles de l'ancien chanteur du groupe pop-star de dire autant de mal d'une partie que de l'autre !

Il est vrai que ce disque n'a plus grand-chose à voir avec le génial In the Eye of the Storm (1984), dont les maîtres mots étaient élégance, beauté, force émotionnelle des compositions, écriture de qualité... Même, au niveau de la réalisation, c'est totalement différent ! Hai Hai baigne dans le son de l'époque, réverbération, sons de claviers souvent agressifs (1987, période bénie des cuivres-synthés, hélas !), sans compter l'utilisation en simultané, chose rare, du Synclavier ET du Fairlight CMI, les deux joujoux onéreux à la pointe technologique.

Et puis la performance n'est pas du tout la même pour HODGSON. Sur son premier album, il faisait tout, même un peu de batterie, en laissant cette dernière à Michael Shrieve la plupart du temps et en invitant un nombre limité de musiciens à colorer la palette sonore. Ici, en dehors du chant soliste bien sûr, il joue des guitares et claviers mais n'est plus du tout seul pour cela ; nettement moins de basse à son actif, et en revanche, pas mal de programmation batterie/percussions (il se cache d'ailleurs derrière le pseudonyme Joseph Pomfret, au milieu des crédits).

À ses côtés, une armada de "requins" parmi les plus prestigieux : David Paich et les frères Porcaro (Jeff et Steve), tous venus de TOTO et sur au moins un morceau en commun ("My Magazine"), les monstres de la basse que sont Leland Sklar et Nathan East, les batteurs Omar Hakim et Carlos Vega, le percussionniste Lenny Castro, les saxophonistes Larry Williams et Marc Russo... Pour la plupart, ce n'est que l'affaire d'un ou deux morceaux, mais Hai Hai n'est pas non plus simplement un disque pantouflard de star de la musique résidant en Californie et jetant l'argent par les fenêtres pour s'offrir le meilleur dans sa propre maison !

Enregistré dans le home-studio de HODGSON à Nevada City, l'album méprisé fait même preuve de qualités dans sa première partie surtout. Il est facile de reprocher à "Right Place" et "Hai Hai" leur esprit drôle et léger, SUPERTRAMP n'en était pas dénué pour autant, mais c'est vrai qu'on peut être facilement rebuté par l'approche blues-rock FM, avec des touches "cyber" dans le cas du morceau-titre (pour lui seul, ils sont quatre programmateurs Fairlight et Synclavier, HODGSON compris). Et puis l'ami Roger chante souvent avec hargne et de façon maniérée, rien à voir avec la voix d'enfant rêveur dont il faisait encore de belles démonstrations trois ans plus tôt.

Pourtant, ça fonctionne, au moins sur quelques titres. "My Magazine" et ses grosses guitares reste efficace, comme "Right Place", dans un style similaire avec quelques variations latino. "You Make Me Love You" et sa pop ensoleillée emploient des effets hispanisants (timbales, phrasé de guitares) à la limite du kitsch si on le conjugue avec le ton naïf du refrain, mais il y a pire dans le genre.

C'est comme les paroles : on a souvent critiqué celles de ce disque, d'un niveau collège selon certains. Par rapport à de nombreux autres centrés sur l'amour et très basiques, il est vrai, le texte de "London" est amusant au départ. Le chanteur se plaint que la pluie et la capitale anglaise lui manquent alors qu'il joue un reggae pépère, bourré de claviers et autres sons exotiques (dont un sitar électronique Yamaha DX7). Avec son calypso, son harmonica chaleureux et son rythme sautillant, "Hai Hai" est intéressant bien que son final à séquenceurs tire trop en longueur.

La seconde face alourdit grandement le tout pour les mêmes raisons. "Land Ho", écrit avec Rick Davies à l'époque de Crime of the Century (1974), n'est qu'un prétexte pour mettre le saxophone en avant, minimum syndical quand on vient de SUPERTRAMP. Des versions antérieures n'ont jamais été publiées mais ne pourraient qu'être meilleures. "Puppet Dance" reprend les claviers typiques du groupe mais c'est quasiment son seul attrait. "House on the Corner" se démarque par sa mélodie épique plutôt bien faite, comme "Desert Love" (belle ambiance planante, superbe guitare 12-cordes !), malgré une voix gâchée par les effets et perdue dans le mix.

Ces titres étendent leur durée avec excès, par des variations superflues. L'album aurait mieux convaincu sans cette sensation de "trop" ; en tout cas même s'il reste bien moyen, ce n'est pas la catastrophe totale ! La pochette est rebutante, et HODGSON a dû se contenter d'une promotion très limitée, car il se casse les deux poignets une semaine après la sortie de Hai Hai. C'est à ce moment qu'il décide de prendre un repos longue durée, comme SUPERTRAMP.