Depuis la fin des années 80, Roger HODGSON s'était retiré du milieu musical et de façon drastique, le temps de récupérer de son accident (deux poignets cassés lors d'une chute) et de faire le point. Peu conforté par l'accueil réservé à son deuxième album solo, il attend le milieu des années 90 pour donner des concerts, et la fin de la décennie avant de compléter son troisième album, dernier à ce jour.

Open the Door est le seul pour lequel HODGSON a un peu bougé de sa résidence en Californie, et pour cause ! Il sort juste de l'enregistrement du premier volet d'Excalibur (1999), incroyable fresque musicale folk-rock celtique progressive orchestrée par le Breton Alan SIMON où tant de grands noms sont conviés. L'ancien fondateur et chanteur de SUPERTRAMP y prête sa voix au roi Arthur.

Sur ce troisième album solo donc, co-produit avec SIMON, on a d'un côté une nouvelle armada de musiciens anglo-saxons, parmi lesquels Trevor Rabin (ex-YES), Gerry Conway (batteur de FAIRPORT CONVENTION), Alan Thomson (John MARTYN), la divine Ecossaise Karen Matheson (chanteuse de CAPERCAILLIE).

De l'autre, tous les Français en général pour un mélange rare sur un album "simple" d'une légende pop-rock : Didier Lockwood, Claude Samard, Jean-Jacques Milteau, Arnaud Dunoyer de Segonzac, Laurent Vernerey, Jean-Louis Roques, Denis Benarrosh, Christophe Nègre, Michel Gaucher, Dominique Regef... La "french-cream" (musiciens de GOLDMAN, VOULZY etc), sans oublier pour la part la plus bretonne, Dan AR BRAZ et son compatriote sonneur Bruno Le Rouzic.

Déjà présents sur Excalibur pour beaucoup, ils interviennent tous ici de façon ponctuelle, rarement durable comme Trevor Rabin qui s'illustre davantage aux guitares électriques. L'album est coloré, présentant différentes facettes du chanteur et certains disent que ni lui ni le groupe n'ont fait aussi bien depuis son départ de SUPERTRAMP.

Il est vrai que plusieurs passages ont de quoi rappeler le SUPERTRAMP classique, celui de Crime of the Century (1974) jusqu'à Even in the Quietest Moments (1977). Entre l'intro à l'harmonica du morceau-titre, les arpèges de 12 cordes venus illuminer ne serait-ce que le début de "Along Came Mary" et "The More I Look", la thématique de "Showdown" qui n'est pas sans rappeler "School"... Cette dernière est pourtant une chanson blues-country sautillante, menée par le banjo de Claude Samard, le violon de Didier Lockwood et l'harmonica de Jean-Jacques Milteau, tous virtuoses.

Pour le saxophone, élément indispensable quand on vient de SUPERTRAMP, il faut se tourner du côté de "Hungry", pop-song sucrée à la "It's Raining Again", puis là où on l'attend le moins, d'une ballade comme "For Every Man". Christophe Nègre, en passant du ténor à l'alto et au soprano, et en misant sur la sensibilité, reproduit à merveille le travail de John Helliwell. HODGSON, comme pour faire mieux oublier son album précédent, n'hésite pas à enrichir l'instrumentation.

Ainsi, on peut entendre des sonorités électroniques sur "Open the Door", tandis que Michel Gaucher offre un solo de flûte jazz humoristique façon Ian Anderson de JETHRO TULL. De l'accordéon sur "For Every Man" et le californien "Love Is a Thousand Times", qui prouvent que HODGSON n'a rien perdu de sa facilité à écrire des mélodies chaleureuses, fortes. Idem pour "The More I Look", d'une simplicité enfantine, ballade rêveuse aux tons baroques. Sans oublier le chant, toujours porteur, toujours plaisant, avec de superbes travaux comme "The Garden" (orgue et voix, climat à la In the Eye of the Storm), un solo de "voix électrique" sur "Death and a Zoo".

Des nappes de synthétiseurs, des voix bulgares et choeurs d'enfants, des discours empruntés (à Ronald Reagan et à la reine Elizabeth II), des bruits d'animaux, des textes en morse, même des cornemuses écossaises et irlandaises (superbes passages sur "Along Came Mary" et "Death and a Zoo") conceptualisent le tout, entre passé et modernité. Open the Door est un très beau voyage, avec peu de temps morts (le passage électro du morceau-titre par exemple). À mon goût légèrement moins envoûtant que In the Eye of the Storm, mais solide et précieux car vingt ans plus tard, un successeur se fait toujours attendre !