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MUSIQUE CONTEMPORAINE  |  OEUVRE

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- Style : Sergueï Prokofiev

Igor STRAVINSKY - Le Sacre Du Printemps (karajan) (1913)
Par ONCLE VIANDE le 28 Novembre 2006          Consultée 11015 fois

Lorsque Igor Stravinsky compose la musique pour le nouveau ballet de Serge de Diaghilev, il a déjà engrangé les bons points auprès du public parisien. Il a derrière lui deux succès qui firent l’unanimité critique et public, « L’oiseau de feu » et « Petrouchka ». Le compositeur est devenu en deux ans un artiste installé, chouchou du tout Paris et admiré par ses pairs. Il est apprécié de la couche bien pensante, à l’horizon musical étriqué et aux convictions définitives. Ce public voit en lui un petit homme pittoresque dont la musique fleure bon le folklore russe et non un dynamiteur de conventions. L’Europe s’enthousiasme pour tout ce qui a un parfum de nouveauté (le cinéma muet, le Ragtime…), et la Russie, avec ses vastes espaces et ses légendes dépaysantes, fait encore rêver la bourgeoisie gauloise.

Tous ces a priori furent le terrain propice au scandale provoqué par « Le Sacre du Printemps » au théâtre des champs Elysée, le 29 mai 1913, mais s’il fallait en désigner la cause principale, c’est vers la musique elle-même et l’adaptation chorégraphique qu’en fit Vaslav Nijinski que l’on s’orienterait.

Pour ce nouveau projet, Stravinsky sait qu’il tient une œuvre monumentale, laquelle est en gestation depuis deux ans. « L’oiseau de feu » et « Petrouchka » n’auraient-ils donc été que des amuses gueule ? Finis les contes volatiles et les histoires de marionnettes. Stravinsky change de registre et se passionne pour les pratiques païennes ancestrales de son pays. Le sacre du printemps est un rite de la terre et repose sur le principe immuable du dialogue entre l’homme et les forces surnaturelles. Le sacrifice d’une adolescente est censé garantir à la communauté les faveurs de la nature et assurer la prospérité des récoltes.

Ce thème, outre le fait qu’il touche particulièrement le compositeur en raison de son origine, fournit par son déroulement, le canevas idéal à une adaptation musicale. Le musicien s’est très longuement imprégné des pratiques païennes slaves. L’œuvre calque sa structure sur le protocole rituel et son découpage. Elle adopte les respirations naturelles du rite qui est un moment de vie en soi et possède sa propre pulsation, son propre mouvement, alternant phases de tensions et de relâchements.

Si l’oeuvre se divise en deux tableaux, il s’en dégage à l’écoute trois moments bien identifiables. Le début et la fin donnent lieu à un véritable déchaînement sonore où la masse orchestrale est toute entière mise à contribution. Le centre de l’œuvre lui est beaucoup plus calme et introverti. Cette partie est porteuse d’étrangeté et de mystère. Une tension latente où l’on ressent les forces de la nature en sommeil et une violence muselée qui semble pouvoir se réveiller à tout moment, mais dont l’explosion est toujours remise à plus tard…insoutenable attente.

Pour ce qui est de l’écriture, Stravinsky y renouvelle totalement la grammaire conventionnelle. Au contrepoint et à l’harmonie se substitue une écriture hybride. Une structure stratifiée, où chaque instrument évolue dans un étage différent et possède sa logique propre, apparemment déconnecté des autres lignes de la partition. Inutile d’essayer de comprendre comment cela fonctionne, c’est là une tâche de musicologues aguerris, mais force est de constater que derrière cette apparente indépendance, tout n’est qu’interactions savantes et entrelacs calculés.

Le Sacre du Printemps reste une œuvre tonale, et malgré les larges libertés qu’il prend vis à vis des règles de compositions, il reste en contact avec cinq siècles de tradition musicale, ce qui le rend accessible au profane comme vous et moi. A la même époque, la musique dodécaphonique d’Arnold Schoenberg s’aventure en des territoires autrement plus ardus (« Le Pierrot Lunaire », 1912) et reste elle, profondément hermétique.
« Le sacre » est bien porteur d’une petite révolution, et ce n’est pas dans ses combinaisons harmoniques qu’il faut la chercher, mais dans ses rythmes. Quel mélomane averti, pétri de l’oeuvre et convaincu de l’avoir enfin assimilée, ne se retrouve pas à chaque fois perdu au milieu de ces pulsations fantômes ?
Tous les musiciens en quête d’émancipation rythmique, qu’ils soient classiques (Varèse, Bartok, Reich…) ou populaires, (Magma, Zappa, King Crimson, Univers Zéro…) viendront piocher dans cette inépuisable pépinière à idées : mesures impaires, contre temps, ruptures, décalages… tout y passe.

L’instrumentation privilégie les percussions et les instruments à vent (notamment le basson, particularité russe), et fait l’économie du piano, impropre à traduire la fièvre des corps et les espaces extérieurs.

On évoque souvent le Sacre pour sa violence inouïe et la brutalité de ses rythmes (« une musique de sauvage avec tout le confort moderne » dira Claude Debussy), mais c’est paradoxalement dans ses passages calmes qu’il se montre le plus beau et le plus troublant (l’introduction du second tableau… mon passage favori, voilà, c’est dit !). Les instruments ne jouent plus, ils grouillent, fourmillent et se faufilent dans les méandres de la partition… notes enfouies, motifs secrets, accords lointains…

Le Sacre du printemps fit couler beaucoup d’encre et suscita les affirmations les plus péremptoires (« Partition du siècle », « Compositeur du siècle »…), mais il ne servit jamais de faire valoir à Igor Stravinsky et fit même beaucoup d’ombre à la suite de sa carrière. Le compositeur avouera quelques années plus tard son total détachement vis à vis de l’œuvre, lui reconnaissant toutefois « quelques belles pages… ». Elle restera sans suite, comme s’il elle avait quelque chose de définitif.
Les chorégraphies se succéderont (Nijinsky, Bausch, Béjart…) et subiront toutes l’outrage du temps. La musique elle, reste d’une modernité et d’une fraîcheur apparemment inaltérable. C’est à croire que les costumes (quand il y en a), les décors et les gestes vieillissent plus vite que les sons.

S’il fut l’objet d’innombrables interprétations au cours du siècle (Pierre Monteux pour la première en 1913, Charles Dutoit, Pierre Boulez ou encore Stravinsky lui-même), la version proposée par le philharmonique de Berlin sous la direction de Karajan reste à mon avis la plus majestueuse. Elle concilie violence, précision et chaleur, qualités que l’on retrouve souvent éparpillées mais rarement réunies.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cette œuvre monumentale, mais un livre entier n’y suffirait pas. L’œuvre du siècle ? Je ne saurais le dire, mais la plus emblématique, assurément oui. Ultra indispensable.

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   (2 chroniques)



- Orchestre Philharmonique De Berlin
- Herbert Von Karajan (direction)


- premier Tableau : L’adoration De La Terre
1. Introduction
2. Les Augures Printaniers (danses Des Adolescentes)
3. Jeu Du Rapt
4. Rondes Printanières
5. Jeux Des Cités Rivales
6. Cortège Du Sage
7. Adoration De La Terre (le Sage)
8. Danse De La Terre
- second Tableau : Le Sacrifice
9. Introduction
10. Cercles Mystérieux Des Adolescentes
11. Glorification De L’élue
12. Evocation Des Ancêtres
13. Action Rituelle Des Ancêtres
14. Danse Sacrale (l’élue)



             



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