Si vous pouvez affirmer avoir écouté Mental Detentions à sa sortie en 1979, il est fort probable :

que vous soyez Thomas LEER et que votre colocataire Robert RENTAL vous ait fait cadeau de cette cassette à l'époque pour vous remercier par ailleurs d'avoir participé à son élaboration.
que vous soyez Daniel MILLER et que votre nouvel ami Robert RENTAL vous ait fait cadeau de cette cassette à l'époque pour vous remercier de l'avoir accompagné en tournée durant l'hiver.
que vous soyez Nick EMERY et que votre camarade Robert RENTAL vous ait fait cadeau de cette cassette à l'époque pour vous remercier de lui avoir confié la réalisation des bandes-son de vos courts-métrages Facelift et Burning Land.

Si vous ne pouvez cocher aucune de ces cases, il se peut également que vous soyez un ancien habitué de la première scène électro/indus anglaise et que, sans trop vous souvenir comment, vous soyez entré en possession de cet étrange objet, l'ayant sûrement acheté au timide Écossais lui-même un soir de concert. Félicitations, car vous possédez aujourd'hui une rareté.

Auto-produite, cette cassette n'était en effet pas foncièrement destinée au grand public. La poignée d'exemplaires mis en circulation avaient avant tout pour but de faire connaître Robert RENTAL dans le milieu et de lui permettre un jour de sortir un album – ce qui sera chose faite quelques mois plus tard lorsque les membres de THROBBING GRISTLE lui proposeront de signer un contrat avec Industrial Records, en compagnie de Thomas LEER (1). Il serait ainsi peut-être plus sage de considérer Mental Detentions comme une compilation de démos, bien que certains préfèrent y voir un véritable disque, à l'instar du label autrichien Klanggalerie qui vient de le rééditer (2).

Succession d'expérimentations électroniques mises en boîte at home, dont certaines avec le concours de Thomas LEER, cet album préfigure en quelque sorte la seconde face de The Bridge. On y retrouve ainsi de très intéressants moments d'ambient sombre et futuriste ("A3", "B1"), parfois plus indus ("A2") et appelant alors les futurs travaux de ZOVIET FRANCE. L'écoute est néanmoins souvent grandement gâchée par la piètre qualité sonore de l'enregistrement, notamment en ce qui concerne les passages les plus bruitistes ("A1", "B3", "B4").

Daniel MILLER voyait dans la musique de Robert RENTAL la plus nette expression de l'esprit punk : un art brut et DIY, autant que le début de quelque chose de vraiment nouveau. Mais l'intéressé n'aurait sans doute pas forcément bien accepté le compliment, frustré de ne devoir travailler qu'avec du matériel de fortune. Décrit comme extrêmement perfectionniste, aurait-il d'ailleurs bien compris que ces démos puissent ressortir un jour ? Rien n'est moins sûr. Si Klanggalerie a la mérite de rendre hommage à l'étonnant pionnier que fut Robert RENTAL, il n'en reste pas moins que Mental Detentions est plus le témoignage d'une époque qu'autre chose.

(1) Voir la chronique de The Bridge de Robert RENTAL & Thomas LEER. À ce sujet, il existe une interview de Cosey Fanni Tutti et Chris Carter disponible sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=DerYDbsvbOA
(2) Janvier 2022.