AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

La genèse de ce disque est étonnante, très étonnante. Trevor HORN est un des rares producteurs superstars, à l'instar de Phil Spector, Robert Lange, Bob Rock ou Stock Aitken Waterman, à être un tant soit peu connus du grand public, tant leur expertise a dépassé le carcan de la pure technique. On ne compte plus les disques essentiels des années 80 auxquels il a contribué, façonnant un son entre modernité et expérimental léger, mégalomanie et accessibilité ; mais curieusement, alors que notre homme est également musicien émérite, il faut attendre 2017 pour qu'il sorte son premier album solo. 2017 et une série animée japonaise pour le moins stupéfiante : imaginez-vous un dessin animé où l'un des protagonistes, secondaire certes, serait par exemple Bob Rock dans le rôle de Bob Rock ? (NDLR : Lars Ulrich disapproves this post).

Trevor orne donc le mur des célébrités à travers un anime qui le met en scène et est du coup une excellente excuse pour signer sa première 'soundtrack'. Le résultat n'est pas aussi extraordinaire, aussi hardi et imbrogilogliesque que prévu, mais restez un peu, il y a du pesant de cacahuètes dans les airs. Le disque, disponible en CD, en double CD japonais avec quelques titres en 5.1 (pas acheté, mais l'envie est là) et en vinyl européen, présente donc deux chansons (deux et demie puisque "Future Boyfriend" est aussi présente en version japonaise écourtée), et la musique du show. En tant que musique instrumentale, là aussi, ça se scinde en deux : les ZIMMEReries Media Venturesques à deux balles (un peu plus car quand même, c'est Trevor HORN) et les instrumentaux plus 'pop', en tout cas moins orchestraux, où HORN peut laisser un peu plus sa folie se développer.

C'est, pas de suspens, le gros point noir de ce disque : la moitié des passages orchestraux n'a franchement que peu d'intérêt, HORN suivant le cahier des charges inhérent à toute musique de film depuis dix ans. "Battle Begins" a l'avantage d'ouvrir le bal et d'être bien pêchu. "Greater Expectations" ajoute une jolie chorale, "Hear Them Come" joue avec les nerfs et le marteau (auditif, hein) de l'auditeur, et de temps en temps quelques percussions viennent très légèrement titiller l'univers d'Akira, mais c'est vraiment subtil. La moitié de l'album étant de cet acabit, ça fait sévèrement chuter la note, surtout que le troisième quart de l'album est particulièrement uniforme à cet endroit. On entend des ambiances un peu S-F. mais rien de transcendant.

Les instrumentaux moins conventionnels sont... moins conventionnels (NdLapalice : You have the high ground). "In Chaos And Confusion" joue avec des sons anxiogènes, "In A World..." pratique l'art difficile de l'atonal (un peu lourdaud à ce sujet mais ça passe), "Loneliness" a beaucoup de dynamiques. "Peace in Blue", onirique, ambiant, mélange un peu de tout et se permet d'ajouter une clarinette, ce qui propulse le titre au rang de magnificence (NdBaker : SI ! SIIIII !). Plus fun encore, "My Daily Life" joue avec le kitsch, mais pas n'importe quel kitsch : celui d'O.M.D. Et ça change tout : on bifurque d'époque, on sourit. Une chanson qui fait sourire naturellement, à une époque où on nous force à être joyeux et optimistes tout le temps comme des veaux, c'est rare.

Et puis, messieurs dames, vous avez les deux chansons. Et là, pas de quartier, c'est une boucherie Sanzot en mode berzerk. Disponible uniquement dans l'édition limitée, la seule digne d'intérêt soyons sérieux. "Future Boyfriend" est un tube de J-pop tuant d'efficacité. Ah mais tuant hein, il n'y a pas d'autre mot. C'est bateau, c'est hyper-commercial, mais alors on a l'impression d'avoir chanté ce refrain sous la douche cent fois au bas mot, même si on ne prend que des bains. L'autre moitié du contrat, c'est "Sky Show", et là, sans flagornerie, seul un génie comme Trevor HORN aurait pu pondre un truc pareil. C'est rythmé, c'est drôle, c'est étourdissant, on navigue entre le cartoon, le générique d'anime japonais classique, le pop-prog à la YES (évidemment) et le J-rock : écoutez-moi ce pont, avec son riff de guitare à la GLAY ! Une réussite cataclysmique, un des meilleurs titres de l'année, haut la main. L'édition limitée propose une version 'extended mix' très légèrement inférieure mais extrêmement intéressante, ajoutant des éléments proprement kiffants. C'est pompier aux confins de l'absolu, fun et décomplexé : ma-gni-fique.

The Reflection fait partie des disques difficiles où seuls deux titres sont vraiment bons ; mais ils sont suffisamment géniaux pour mériter l'achat. On regrette qu'HORN n'ait pas eu la bride molle, la musique au mètre n'étant pas loin. Voilà un disque à nul autre pareil, épicentre de styles populaires mais jamais populistes. Sacré artiste, et disque original à découvrir.