Quatrième album pour MERCY, si l’on prend en compte l’album Alabama Swamp Stomp élaboré en compagnie de Billy C. FARLOW, ancien membre du légendaire Commander Cody. Rappelons au passage que ledit album avait récolté un Grammy chez nos confrères teutons, bien plus retors en matière de Blues que Manœuvre ou Drucker ou l’actuel Basic.

Malgré le visuel de la photo prise sur une voie de chemin de fer désaffectée à Clarksdale, ville connue pour son célèbre carrefour, là où Robert Johnson aurait pactisé avec le Diable selon la légende, le titre nous expédie lui vers une autre direction : la Louisiane avec ses rythmes vaudou, ses alligators et ses rythmes ensorceleurs.

Toujours secondé par le bassiste Bruno Quinonero, Jean Paul Avellaneda nous délivre ici son album le plus personnel, avec un total de douze originaux. Le guitariste s’est attaché les services de Leatfoot Rivet, auteur de quatre textes, tandis que Stéphane, le fils du guitariste alors accompagnateur d’Ana Popovic, est venu prêter main forte en composant trois morceaux. En parlant de baguettes, on s’aperçoit qu’un nouveau venu fait son apparition en la personne de Romuald Lo-Pinto, également contributeur de trois titres.
Si la pochette pouvait désorienter l’auditeur quant à son contenu, la photo intérieure est quant à elle clairement explicite avec une vue sur le bassin d’Atchafalaya. Pour les non initiés, le pont du bassin est connu pour ses deux ponts parallèles reliant Baton Rouge à Lafayette. Bref, on se retrouve au cœur de la Louisiane, des crapauds-buffles, dans une atmosphère digne des bouquins de Robert Crais, James Lee Burke, Dick Lochte et consort.

D’entrée de jeux, « Voodoo Boogie Train », titre de l’album, aurait tendance à lancer le disque sur de bons rails. Des riffs de guitare généreux mais qui recèlent une part d’ombre, normal me direz-vous puisqu’on est en plein voodoo song. Changement de nuances avec « Atchafalaya Bridge » (le fameux double pont) à l’allure plus intimiste avec quelques relents de nostalgie. Comment ne pas tituber à l’écoute de « The Beast In Me » dont le rythme indolent mais implacable nous fait tomber dans une intense torpeur ?
Quand on vous parlait de torpeur, de climat torride, de grigris vaudou « Down The Bayou » se révèle la parfaite synthèse avec un passage de dobro et de guitare à résonateur. Même tempo presque initiatique avec l’envoûtant « When We Go Downtown » qui finit par happer par ses faux rythmes et sa moiteur. Le groupe entreprend un virage important avec une petite pépite de slow blues « You Got Another Love ». La voix grave et légèrement voilée y fait office de contrepoint à la rythmique, tandis que la guitare touche sa cible à chaque note. Un grand morceau rempli d’émotion et de feeling. Si vous aimez les tempos languissants, les lignes de basse bien rondes, « Cruel & Busy Blues » devrait vous combler.
Sur « In Springtime », le guitariste se transforme en cheminot en mettant des pelletées de charbon pour refaire repartir sa loco tout en dynamisant le tempo. « I’m The Guitar Man » s'affirme comme une vraie pépite de Swamp Rock, la jonction entre Slim HARPO et CREEDENCE. Petit coup de semonce envers une critique qui refuse d’accorder la moindre attention au trio, « Don’t Cry For Mercy » remet les pendules à l’heure. Le groupe se porte bien et l’annonce clairement avec cet excellent Rock gorgé de slide.
Le disque se termine avec un instrumental classieux et zen joué au dobro avec « Summer On The Elk River », petite ville du Minnesota (il fallait bien trouver un nom) qui vous donne envie de déboucher une cerveza muy fresca et de plonger votre canne dans le bayou à la recherche d’un catfish.

Avec Voodoo Boogie Train, le trio Mercy propose un disque ambitieux et une palette aux teintes en constante permutation, aux confins du Rock et du Swamp Blues. Pour résumer, un quart de CREEDENCE, quelques gouttes de SMOKEHOUSE, une pincée de Slim HARPO et de Dr JOHN et un zest d’Atlee pour l’un des meilleurs albums de Blues enregistré par un groupe bien de chez nous. Ce disque sera classé numéro 1 par le Collectif des Radios Blues en France et Belgique et par notre confrère américain de Blues Blast.
Souhaitons que le groupe puisse un jour enregistrer un album Live, là où le trio donne toute sa puissance.