Avec ce sept titres sorti en 2014, nous tenons ici et à ce jour la dernière trace discographique conséquente des Suédois. Si on excepte les très bons singles "Ruins" et "Juna" parus peu de temps après, Radio Jönköping n'émet plus depuis. C'est dommage. Moi, je m'étais bien habitué à ma livraison régulière de pop efficace et mélancolique. THE MARY ONETTES a donc laissé comme un petit vide dans le cercle des amoureux d'ambiances tristounes. A l'image de la pochette de Portico, le quatuor avait réussi à développer tout au long de sa discrète carrière des titres aux douces couleurs pastel. Philip Ekström, son leader les a tachetées de paroles belles et simples, le plus souvent extraites du bréviaire du parfait romantique. Le groupe creuse à travers ces trente minutes spleenesques un peu plus profondément ce sillon et ô miracle réussit même à s'inventer une identité bien plus affirmée sur le tard, mais peut-être trop tard, justement.

Cette situation ne nourrit pas nécessairement de regrets. Elle met juste en lumière le fait que les Suédois ont raté sans doute de peu la marche d'une reconnaissance internationale plus forte. Avec cette galette, le combo parvient à payer sa dette envers ces influences et amours musicales. En effet, il a grandi, mûri. Le seul élément tangible qui rappellera son passé pas si lointain est le travail sur les claviers qui évoquera parfois le Disintegration des CURE. Il ne faut pas s'étonner dès lors de trouver de troublantes similitudes entre le poignant "Ritual Mind" et "Plainsong", l'un des plus beaux morceaux de l'Anglais. Les Scandinaves à l'instar de ce dernier édifient de véritables cathédrales sonores dans lesquelles viennent flotter une multitude d'échos. On se retrouve littéralement noyé dans des vagues de synthés rêveurs qui laissent peu de place à une joie béate. En effet, lorsque Ekström vous souffle à l'oreille "And Everything You Feel Is A Shadow In Your Heart", si vous êtes naturellement porté sur ce type de prose,vous êtes bien obligé de quasiment le croire.

C'est bien ici pour moi le seul exemple probant où les Suédois s'approchent encore sans les copier toutefois de leurs idoles. La suite est nettement plus excitante. Attention, THE MARY ONETTES ne se lance ni dans de l'indus ou du black metal, mais ces morceaux s'ouvrent sur une forme de renouvellement bienvenu. Ce dernier se dirige par petites touches incontestablement vers une forme d'épure. Les deux derniers titres sont à ce titre relativement significatifs. En effet, que se soit avec le profondément mélancolique "Bells For Sranger" ou le morne instrumental "Portico: 2014", les Suédois ont abandonné leur pop chamallow et à travers des sonorités simples et travaillées de claviers réussissent pleinement à toucher votre corde sensible. On entre en douceur dans une pop rêveuse qui n'a jamais aussi bien porté son nom. THE MARY ONETTES a porté toute son attention sur ce désir de se dépouiller du superflus sans en oublier avec talent (encore une fois) cette recherche mélodique. L'identité qui nous a fait aimer ce groupe est toujours là. A l'image du très efficace "Your Place", elle s'affine et va à l'essentiel. Comme pour tous ses albums, la voix d' Ekström n'est sans doute pas étrangère à cette sensation. Douce et expressive, elle s'est se faire discrète ("Naive Dream") pour aller vers son but ultime : L'émotion en musique. L'envie d'ailleurs, tout simplement.

Portico est un très beau voyage pop sur des terres riches en sensations. Il est à ce jour le meilleur effort des Suédois et prouve que le temps parfois aide opportunément à sculpter une identité singulière.

Note réelle : 4,5/5