Il arrive parfois dans une carrière qu'il faille un certain temps avant qu'un groupe, folk notamment, passe par la case studio. En attendant, il publie des albums live.

Surtout que les DUBLINERS, malgré un premier effort acclamé et un line-up qui semble déjà en place, ne sont pas encore tout à fait stables. Luke Perry quitte le groupe pendant plusieurs semaines pour retourner vivre en Angleterre et se voit temporairement remplacé par Bobby Lynch.

Le cinquième membre permanent, lui en revanche, est là désormais. Il s'agit du fiddler John Sheahan, un ancien policier de Dublin qui contrairement à Drew, Bourke et aux autres, a pu suivre une formation musicale classique, tout en ayant un bon pied dans le traditionnel. Il est en grande partie fan du jeu "à l'américaine". Son jeu de mandoline vient faire écho à celui de Barney McKenna. De nos jours, il est le dernier ancien membre des DUBLINERS toujours en vie.

Le lieu choisi pour ce deuxième live enregistré au mois de décembre 1964, toujours à Londres mais en plus symbolique que les studios Livingstone, est la Cecil Sharp House, au Regent's Park. Son nom a été donné en hommage à Cecil Sharp, le père d'un premier revival de la musique folk anglaise au début du XXème siècle. Son héritage est d'autant plus important qu'une association à son nom agit toujours pour la préservation du patrimoine musical traditionnel.

Dans un tel environnement pourtant, le concert donné par les DUBLINERS face à un public enthousiaste (on entend moult rires, même d'enfants) n'est pas sensationnel. Quelques thèmes comme "Roddy McCorley", "Air fa la la lo", "Peggy Lettermore" et la jig "The Women From Wexford" font partie de ce que tout concert de Drew & co se doit de posséder : des mélodies joyeuses, chantées fort en choeur et avec un public conquis.

Cela se laisse bien écouter, sans plus. D'autant que Ronnie Drew déraille un peu, comme si la dose d'alcool était déjà bien haute avant le concert. Il fait sourire les gens sur "The Twang Man", une de ces complaintes avec guitare troubadour où même le chant prend un ton humoristique. "Easy and Slow" est dans la même veine.

Pour les instrumentaux, même constat. Sheahan forme une belle paire avec McKenna, comme on peut les entendre sur la suite de reels finale. Le couple banjo-fiddle fait des merveilles sur ces thèmes courts ; les mandolines, quant à elles, ont un peu plus de mal à convaincre sur "Roisin Dubh", utilisées dans un esprit harpe et sur trop de longueur.

On écoute ce disque avant tout pour la participation unique de Bobby Lynch aux DUBLINERS, sur une poignée de chansons. Beau timbre (même si moins marquant que celui de Perry), qui s'illustre particulièrement bien sur "The Patriot Game", une ballade nationaliste célèbre au sein de l'IRA, l'armée républicaine irlandaise, à la mémoire de deux jeunes militaires tués durant les premiers affrontements perdus face à l'Ulster, le gouvernement britannique d'Irlande du Nord, lors de la campagne des frontières (1956-62).

Autre moment fort : le célèbre "The Leaving of Liverpool" avec des mandolines superbes, un harmonica discret par Bourke tandis que Drew et Lynch partagent le micro avec un public aux anges. De nos jours, on le chante en France mais sous une autre forme ; merci à TRI YANN et leur "Je m'en vas", lui aussi positionné en fin de concert.