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Vanessa CARLTON - Love Is An Art (2020)
Par MARCO STIVELL le 28 Mars 2020          Consultée 1605 fois

Même si ce n'est pas le chef-d'oeuvre attendu, une fois de plus Vanessa CARLTON fait paraître un album non seulement convaincant mais à la hauteur de son talent. Talent qui, comme on le sait, n'est pas seulement de chanter des mélodies sucrées avec force sensualité tout en balançant de grands accords de piano, cordes massives en soutien et dans le seul but de plaire au plus large nombre.

Love is an Art est encore un pas en avant dans le travail commencé il y a une dizaine d'années avec Rabbits on the Run. Ici, Vanessa CARLTON, qui a pourtant interprété brillamment le rôle de Carole KING l'an dernier dans une comédie musicale dédiée à l'icône de la chanson pop féminine, n'assume que peu voire pas du tout son chant naturel. Le piano l'est encore lui, par moments, au sein d'une production tout aussi chargée que pouvait l'être Be Not Nobody en son temps... mais dans un genre indé !

Pour cause, le fauteuil et les manettes reviennent à Dave Fridmann, mieux connu auprès des FLAMING LIPS et MGMT. Si Liberman, avant-dernier album en date (2015) pouvait faire preuve d'une certaine clarté encore, c'est beaucoup moins le cas sur Love is an Art. On rejoint en fait la noirceur réverbérée de Rabbits on the Run, sachant que le nouveau travail est lui aussi inspiré d'un livre, The Art of Loving du philosophe Erich Fromm (1968), jusque dans son titre et même la pochette, sans photographie de notre belle artiste.

Si le mot "love", sacerdotal, est la clé de voûte inspiratrice de l'album, ce dernier n'en est pas moins "arty". C'est même sans aucun doute le plus difficile à aborder parmi les oeuvres de Vanessa CARLTON, surtout si, au préalable, la couleur "indie" n'est pas familière à l'auditeur. Celui-ci doit donc considérer que sa fée délicieuse, pianiste et chanteuse pouvant offrir beaucoup dans son plus simple apparat, a voulu changer le décor d'un univers enchanteur et de manière assez abrupte.

Elle garde bien sûr cette moelle créative, base incontestable pour les chansons, mais l'habit est celui d'une production dense, saturée, chargée en effets de synthés, guitares distordues. Le chant de Vanessa CARLTON est souvent doublé – rien de nouveau pour le moment -, modifié – chose plus rare déjà ! -, et puis pour certaines mélodies, il faut s'accrocher. Là où, à la première écoute, j'ai été conquis d'abord puis vite perdu dans certains moments qui m'ont paru creux, je suis ensuite revenu avec l'impression que c'est la voix qui aide le mieux à progresser dans l'ensemble, à retrouver la route forestière (allégorie de la mélodie) quand on croit s'en être un peu trop écarté.

Et quelle route ! Voilà un jeu de piste qui en vaut la chandelle. Il y a un exemple probant, "Companion Star", pas trop garni d'instruments. Plus souvent qu'auparavant, Vanessa CARLTON troque son piano contre un Fender Rhodes, relie les deux pour jouer le même thème alternativement. Sur "I Know You Don't Mean It" elle adopte des rythmes funk/africains, tout en évitant de plonger dans un style trop nouveau pour elle et en gardant son assise ballade habituelle.

De même, "I Can't Stay the Same" révèle une touche orientale envoûtante dans son balancement cosmique où se rencontrent orgue, batterie puissante et synthés Moog baveux. Sans omettre de faire penser à "La femme d'argent" sur l'album Moon Safari du groupe AIR (premier morceau de l'album en plus !), on y rencontre aussi des sons de cuivres. Un point commun avec "Miner's Canary", dernier titre de Love is an Art où Vanessa joue aussi d'un piano très concertiste, romantique à souhait dans l'âme. Et puis les guitares acoustiques, inattendues ou alors cachant le reste de la forêt : "Salesman" dont certaines rythmiques flirtent avec le jazz fusion !...

Il y a donc de quoi être charmé, en dépit de progressions exigeantes, d'arrangements très touffus. CARLTON révèle une écriture presque sans faille, à la fois novatrice et adaptée à sa personnalité depuis toujours. "The Only Way to Love", single dont on a déjà dit tant de bien, est loin d'être la seule brillante en la matière, il y a aussi "I Know You Don't Mean It", la superbe "Future Pain" où une guitare baryton fait ressortir la folkitude...

Sur le début aéré de "Salesman", Vanessa redevient naturelle avant de mieux se cacher derrière ses mélodies tarabiscotées, pourtant limpides prises séparément. Sans parler encore une fois du Moog, de la batterie qui corsent le tout ! Le magma sonore de Fridmann, générateur d'effets et de production énormes, frôle le trop-plein et y arrive dès la fin de "Future Pain" et celle cacophonique de "Miner's Canary". La partie "Back to Life"/"Patience" (deux titres plus courts, ouf !), quant à elle, marque la seule baisse de régime dans l'inspiration de la belle dame et maman bientôt quarantenaire.

C'est ce qui empêche l'album d'être son nouveau chef d'oeuvre, malgré encore "Die, Dinosaur" marche troublante, haletante qu'elle a écrite en hommage aux 32 victimes de la fusillade de Parkland, le lycée de Floride en 2018. Malgré aussi "Love is an Art", petite merveille blues à la CARLTON, base de piano solennel et massif, nappes de synthés oniriques comme dans les années 80... Que de frissons ! En dehors d'une poignée de maladresses, à force de patience et d'écoutes répétées si besoin, c'est une réussite quasi-totale.

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   MARCO STIVELL

 
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1. I Can't Stay The Same
2. Companion Star
3. I Know You Don't Mean It
4. Die, Dinosaur
5. Love Is An Art
6. Future Pain
7. Back To Life
8. Patience
9. The Only Way To Love
10. Salesman
11. Miner's Canary



             



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