Fin 2019, les MAVERICKS ont décidé de célébrer trois décennies de musique depuis leur création, leur premier album n’ayant été publié qu’en 1991. Cette célébration se fait via la sortie d’un album de reprises et d’une tournée à travers le monde, plus exactement le continent nord-américain, dont une courte excursion européenne en Norvège courant septembre 2020 pour une date exclusive. Malheureusement, la France n’a pas le bonheur de les accueillir. En effet, si leur dernier passage à PARIS s’est fait dans une petite salle entièrement conquise il y a trois ans, après qu’ils ont participé sous une pluie battante au festival de Craponne Sur Arzon (43) l’année précédente, il faut avouer que cette absence de reconnaissance dans notre pays n’est pas surprenante, même si elle reste totalement injuste. En effet, ce groupe joue un country-rock qui s’est très fortement orienté vers le style Tex-Mex, un peu comme si les LOS LOBOS avaient décidé d’être plus country qu’ils ne le sont. Pas franchement un style que les radios se plaisent à diffuser. Car, mis à part "La Bamba", ce style est malheureusement ignoré chez nous, malgré son côté festif et joyeux.

Adulés aux States, les MAVERICKS ont décidé de reprendre des titres d'artistes U.S emblématiques plutôt que de sortir un album de matériel original pour commémorer cet anniversaire. Et "Play The Hits" est juste un foutu bon album avec quelques-unes des plus grandes sélections du répertoire américain exécutées par l'un des groupes les plus talentueux de la musique contemporaine. On entre ainsi dans le vif du sujet dès le premier titre avec leur version clappée de "Swingin'", rendue populaire par John ANDERSON, suivie de "Are You Sure Hank Done It This Way" écrite et enregistrée par Waylon JENNINGS, avec un petit détour par "Feelin’ Alright" de TRAFFIC (la version la plus connue avait été exécutée en 1969 par Joe COCKER) en sa conclusion. Tellement bon qu’on se demande comment on a pu se passer si longtemps de ces versions, d’autant plus que le groupe maintient l'esprit de la chanson originale tout en lui offrant une production plus joyeuse.

Après ces deux titres de très haute facture, on attaque une version très "Mavericksienne" de “Blame It on Your Heart” popularisée par Patty LOVELESS. Les bandonéons et cuivres se marient parfaitement dans cette version festive qui donne envie de partager avec son entourage ce plaisir d’écoute, avant une rupture de ton avec "Don´t You Ever Get Tired (Of Hurting Me)" de Ray PRICE, slow très typé fifties. Cette rupture dans le rythme est renforcée par l’un des moments les plus forts du disque qu’est la version émouvante de "Before the Next Teardrop Falls", laquelle permet à Raul Malo de chanter autant en anglais qu’en espagnol, tout comme le morceau original de Freddy FENDER. Le cadre est des plus simplifiés avec le bandonéon qui tisse sa toile autour de la voix.

Une des grosses surprises de l'album est "Hungry Heart", titre emblématique de The River, l'album de SPRINGSTEEN. Les MAVERICKS ont réussi à en faire un titre sautillant, à mille lieux de la version du Boss, avec des arrangements dignes des premiers rocks de la fin des années 50 et du début des années 60, ajoutant une bonne dose d’écho sur la guitare, version SHADOWS. Et quand le sax intervient, c’est "Retour vers le futur". Excellente surprise. Tout comme la reprise du morceau de Patsy CLINE, "Why Can´t She Be You", où bandonéon et harmonica se partagent l'accompagnement au-dessus de la voix. Raul Malo est toujours aussi bon dans ses interprétations où il s’emploie dans le style crooner qu’il affectionne. Il faut dire qu’il a quand même une des plus belles voix du circuit. Si les MAVERICKS produisent peu de duos, c’est pourtant ici le cas avec “Once Upon a Time”, reprise d'un titre de Marvin GAYE et Mary WELLS, où Raul Malo partage la voix avec Martina McBRIDE. Le sax s'ajoute au vibraphone, instrument déjà utilisé dans la version de 1964. La guitare utilise à bon escient le vibrato, l'orgue accompagne discrètement les voix (celle de Malo étant surmixée par rapport à celle de sa consœur) pour livrer une version que l'on pourrait qualifier de supérieure à l'originale.

Et puis, il y a "Don’t Be Cruel". S’attaquer à ce monument d’Elvis PRESLEY, cela signifie qu’il faut soit être inconscient, soit particulièrement costaud. C’est le cas en l’espèce, mais ce n’est pas étonnant, Raul Malo étant un des rares chanteurs capables de faire du Elvis sans le trahir, avec une voix parfois très proche du modèle dans ses intonations, même si sa tonalité est moins grave que celle du King. J’en veux pour mémoire la version merveilleuse et particulièrement fidèle à l’originale de "Blue Moon" sur l’album des MAVERICKS sorti en 1995, "Music for All Occasions". Là, si le morceau ne change pas de rythme, l’habillage sonore est tel qu’il paraît beaucoup plus festif que la version d’Elvis, et l’on se prend à dodeliner de la tête, au rythme des claps, notes de piano, bandonéon, percus et cuivres. Excellent moment, là encore.

L’album se termine avec “Blue Eyes Crying in the Rain” de Willie NELSON, version épurée avec guitare acoustique seule, et “I’m Leaving It Up to You” de DALE et GRACE. “Blue Eyes Crying in the Rain” est d’une beauté quasi religieuse. Chaque note est clairement détachée de sa suivante et la voix de Raul prend tout l’espace, avec une réverb' de bon aloi. On se croirait dans une église. Quant à “I’m Leaving It Up to You”, cette dernière reste assez fidèle à l'originale tout en y ajoutant plus de cuivres dans l'arrangement. Cela confère à la chanson un rythme plus marqué et met un terme parfait au disque.

Arrivé à ce terme, on se prend à regarder sa montre. Quoi, déjà terminé ? 43 minutes chrono, pas une de plus. Mais 43 minutes pleines, sans temps morts pour un disque parfait en tous points. Les MAVERICKS ont fait du MAVERICKS avec du matériau pas forcément évident, tout du moins pour l’auditeur habitué de leurs productions. Car, selon les musiciens, ces morceaux correspondent à leurs influences et à ce qu’ils aiment. Véritable juke-box de la musique américaine, on se plait à désirer une relecture d’autres titres dans un "Play The Hits n°2 " tellement c’est bon.

The MAVERICKS a été décrit comme un groupe qui combine Tex-Mex, country néo-traditionnelle, ainsi que des influences latines et rockabilly. Ne cherchez pas, il n’y a qu’eux pour faire dans ce style. Et, croyez-moi, c’est hautement addictif.