Le troisième album de Brad PAISLEY Mud On The Tires est sorti le 22 juillet 2003, la plupart des chansons ayant été écrites alors qu'il fréquentait Kim WILLIAMS, l'actrice de "Father of the Bride" (vous savez, ce film à l’origine de l’inspiration de son second opus ?) avant de l’épouser au mois de mars de la même année. Mais surtout, c’est un album écrit et réalisé dans l’urgence, Brad PAISLEY enchaînant les tournées au regard du succès dont il bénéficiait après ses deux premiers albums et étant sous la pression de sa maison de disques en vue de surfer sur l'intérêt qu'il suscitait désormais.

Cependant, avoir moins de temps ne signifiait pas pour autant qu'il y avait moins de créativité ou impossibilité de faire les choses différemment. Et c’est ce qui peut être constaté dès l’introduction du CD dans la platine. Le disque contient 16 chansons très abouties, dont quelques-unes traitant des problèmes d'être une célébrité ou un honky tonker, deux instrumentaux et une chanson gospel. Déjà, le morceau éponyme nous propose d’entrer dans le vif du sujet, avec une introduction cool au banjo et pedal steel avant l’accélération du tempo dans le refrain. On entend avec plaisir la guitare acérée du maître alors que le violon tisse ses volutes autour de la voix. Et puis, ce solo. A nouveau, Brad nous épate par sa musicalité. Superbe entrée en matière.

Et arrive "Celebrity". Un titre particulièrement drôle sur le fait que l’on devient important dès lors que l’on passe dans les media télévisuels. La vacuité de ce monde de l'entertainment, Warhol revisité dans le trash. Rythmique sympa, le groupe sonne plus frais et en direct même si la production y a rajouté des voix enregistrées en concert. L'idée de la chanson serait venue quand, dans les rues de Nashville, Brad PAISLEY remarquait une publicité sur un pare-chocs promouvant des formations de célébrités. Les paroles retranscrivent son état d'esprit à ce moment-là : "Un jour, je serai célèbre, ai-je du talent, eh bien non. Ces jours-ci, tu n'en a pas vraiment besoin grâce aux émissions de télé-réalité. J’ai hâte de sortir avec un mannequin, j'ai hâte de poursuivre mon père, j'ai hâte d’exploser une Ferrari sur le chemin de la réhabilitation, parce que quand tu es une célébrité, c’est adieu à la réalité, tu peux agir comme un idiot, les gens pensent que tu es cool, juste parce que tu es à la télé". N’oublions pas que, en 2003, ce nouveau type d’émissions provoquait une certaine surenchère dans la bêtise. Et comme dans ses deux premières œuvres, PAISLEY se fait le peintre de la vie en Amérique en y ajoutant l’humour sur une mélodie particulièrement entraînante afin de faire passer ses idées. Et cela fonctionne.

Là où cela devient intéressant, c’est lorsque PAISLEY renverse cette idée de célébrité dans "Famous People". Cette chanson, co-écrite par son pote Chris Dubois associé à Chris Wallin, se concentre sur un habitant du Kentucky qui avait acquis une certaine "célébrité" durant son temps de lycée grâce au football mais reste un plouc malgré tout, d’autant plus lorsqu'il rencontre quelqu'un qu'il pense être une star de cinéma. La musique reste entraînante, même si son rythme est de plomb.

La chanson la plus curieuse de l'album est la ballade "Whisky Lullaby" composée par son autre pote Bill Anderson et Jon Randall et placée en plein milieu des autres titres. Indéniablement LA réussite de l’album et qui justifie, à elle seule, son achat. C’est une chanson d’une tristesse absolue sur un homme qui se saoule avant de se suicider après une relation ratée. L’ex-petite amie, ne supportant pas son départ pour un autre monde, le suit au final de la même manière, alcool et bastos dans le caisson. Pas très réjouissant. Pourtant, pour alléger le poids de cette chanson que PAISLEY ne voulait pas dans un premier temps inclure dans son album en raison de son décalage par rapport l'humour habituel de son style, l’idée lui vient d’y associer une voix féminine, en l'espèce celle d’Alison KRAUSS. Une voix d’une pureté et d’une beauté incroyable, qui avait déjà été entendue parmi les trois grâces du film "O’ Brother" des frères COEN sorti en 2000, et qui lui avait permis de bénéficier une notoriété accrue hors des frontières US. C’est d’autant plus remarquable que l’intéressée s’était chopé un rhume lors des séances d'enregistrement et s’estimait incapable de la chanter correctement. Quand on entend le résultat, on ne peut, pourtant, qu’être sous le charme.

Durant toute la période d'enregistrement, la maison de disque Arista a laissé PAISLEY faire ce qu'il désirait tout en s'impliquant dans le processus créatif. Aussi, l’idée d’y placer deux instrumentaux n’y trouvait pas d’opposition de leur part, même si, selon PAISLEY, ce genre de titre n’est pas vendeur. "Make a Mistake with Me", qui suit une chanson très jazzy avec des paroles du même titre, et "Spaghetti Western", avec Redd VOLKAERT, mieux connu pour son travail avec Merle HAGGARD, sont deux titres qui mettent en avant la dextérité et l’humour de PAISLEY, mais pas que. Il s’agit surtout de démontrer à l’envie la symbiose du groupe et son haut niveau technique sans pour autant mettre à mal l’émotion. Brad PAISLEY expliquait à l’époque : "Je pourrais faire un album instrumental s'ils (la maison de disque) le finançaient. Un jour je le ferai. Si jamais j'ai assez d'influence, je vais le faire. Je ne ferai probablement pas un centime dessus, mais ça va. J'adore les trucs instrumentaux dans la musique country". Il ne croyait pas si bien dire puisqu'il n’allait pas attendre longtemps, son sixième album* Play ne comportant que 4 morceaux chantés pour 16 titres.

Enfin, on peut aussi trouver dans ce disque de bons non-singles qui valent la peine d'être écoutés, tels un "Ain't Nothin’ Like" accrocheur, ou le shuffle "Hold Me In Your Arms (And Let Me Fall)", proche de la musique Tex-Mex si PAISLEY y avait ajouté des cuivres, de même que le slow "Is It Raining at Your House", une reprise du duo GOSDIN / COCHRAN réalisée de manière particulièrement détendue. L'album se termine avec un gospel traditionnel, "Farther Along", comme dans ses deux précédentes sorties, et un échange parlé avec The KUNG PAO BUCKAROOS qui ne sont autres que ses potes Bill ANDERSON, George JONES et Little Jimmy DICKENS. Pour ce qui concerne le gospel, Brad PAISLEY expliquait que 'la religion (l’aidait) dans une carrière où la superficialité devient beaucoup plus importante qu’elle ne devrait l’être'… La boucle est bouclée… Just "Celebrity".

PAISLEY aurait pu devenir pur country-pop à la Shania TWAIN ou à la Garth BROOKS mais a décidé de rester assez proche de ses racines et de jouer un bel amalgame de honky tonk, de swing occidental en passant par le bluegrass, le folk et même de la pop, suivant les traces de George JONES et George STRAIT. D'aucuns trouveraient le disque trop long. Il est vrai qu’une heure pour un album de country est assez rare. Mais il est tellement diversifié et les chansons sont d’une telle qualité qu’il faut prendre ce fait pour un cadeau de l’intéressé à ses admirateurs. En tout état de cause, c'est comme cela que, moi, je le prends.

*En réalité, septième, Brad PAISLEY ayant sorti un album de chants de Noël en 2006.