Les Fabulettes d'Anne SYLVESTRE sont une institution. Toute personne qui a été enfant en France sur une période donnée, à partir de la fin des années 60, sait de quoi il est question. Il s'agit de recueils de chansons pour enfants, et qui représentent une part très importante de la carrière de la chanteuse, un bloc à part. Au début, Anne SYLVESTRE est la seule à croire en ce projet mais le succès, grâce aux ventes domestiques et pour les écoles, finit par lui donner raison, au point que certaines personnes ne connaissent pas ses disques "adultes", contrairement aux Fabulettes.

Pourquoi parler de la fin des années 60 alors qu'on n'est qu'au début ? C'est parce que pendant sa première dizaine d'années de production discographique, depuis 1959 donc, Anne SYLVESTRE n'a publié que des disques "adultes". Sauf ce mini-disque, cet EP en 1962 qui contient les toutes premières Fabulettes, bien avant le premier véritable 33 tours dédié en 1969.

Les chansons sont courtes pour la plupart, "Muse-musaraigne" par exemple ne dure que quelques secondes. Qu'importe, cela suffit pour Anne SYLVESTRE de clamer que personne ne la craint, ni les enfants ni les parents, ni les éléphants. Sans oublier un esprit baroque dans les vents, flûte et hautbois comme l'album précédent. Sur "Mouchelette", ils se font follets, et la voix de la chanteuse nous transporte au gré de mélodies entêtantes ("demain c'est la fête, toutes les mouches danseront").

Sa voix traîne un peu trop sur la "Chanson pour sauter à la corde", mais on aime, tout comme le malicieux "Hérisson" (qui fait la nique au renard du bois perdu !), avec son rythme de pompe et son célesta. Le même qu'on entend sur la "Berceuse pour une pomme", celle-ci ne voulant pas s'endormir. Les fredonnements doux à la fin rappelleraient même à l'adulte le plus pragmatique, qu'un jour, dans son âge le plus bas, il a peut-être goûté un tel plaisir.

Une batterie fine est ajoutée à "Veux-tu monter dans mon bateau ?", meilleure chanson du single. Construite sur une répétition sémantique, elle narre une promenade en bateau proposée qui ne se fait jamais, puisque l'une des voix principales est celle de quelqu'un qui ne veut pas monter dans le bateau de son copain mais qui veut sans cesse l'améliorer : ajouter des voiles, des rames... Et quand cette même voix se décide enfin, l'ami ne veut plus qu'il monte. Morale implicite !

Ce qui est certain, c'est qu'Anne SYLVESTRE est faite pour cela, en grande partie encore une fois. Les chansons peuvent paraître quelconques et il y en a très peu sur ce premier disque, mais en plus du charme de ces Fabulettes, il y a un rôle plus important. Elles sont reprises au milieu d'autres "premières Fabulettes" sur le recueil numéro 7, paru en 1998.