Nous sommes en 1975 et Maggie BELL se retrouve inexplicablement sur le carreau. Elle vient pourtant d’enregistrer l’album Queen Of The Night pour la firme Atlantic, un disque salué par la critique, et aurait mis en boite un paquet de faces sous la houlette des producteurs Felix Cavaliere et Felix Pappalardi, mais aucun disque ne sera édité par le label de Jerry Wexler. Comprenne qui pourra !

En 1975, Maggie décide de signer chez Swan Song Records, un petit label lancé il y a tout juste un an par Peter Grant le manager de LED ZEPPELIN, un personnage assez proche de l’Ecossaise. La petite maison de disque connaît un début en fanfare depuis qu'elle vient de publier Bad Company, Silk Torpedo des PRETTY THINGS et surtout Physical Graffiti de LED ZEP. Le manager des YARDBIRDS connaît un succès croissant avec LED ZEP et dispose dans le milieu d’une solide réputation. Personnage intègre, il s’intéresse avant tout à la carrière de ses groupes, son profit personnel passant généralement au second plan. Alors qu’on vient de lui proposer de s’occuper d’un petit groupe de Glam nommé QUEEN, Grant délaisse le projet pourtant extrêmement lucratif pour s’occuper de Maggie. Il estime beaucoup la chanteuse depuis la période STONE The CROWS.

Embauchée par Swan Song, Maggie est envoyée dans le Berkshire, à Ascot au Startling Studio qui se fera connaitre sous le nom d’Ascot Sound Studio, future propriété d’un certain Ringo STARR. Pour épauler la chanteuse, Grant fait appel à de jeunes musiciens spécialisés dans le Blues. C’est ainsi qu’on retrouve les organistes Peter Wingfield, un ancien sideman de BB KING, Lightnin’ SLIM, J.B. Hutto et Roy Davies (ex Freddie KING, Doris Troy). Si le guitariste Brian Breeze (ex-Pete Brown) seconde la chanteuse en concert depuis un an, d’autres pointures apparaissent parfois le temps de quelques titres à l’image de Jimmy PAGE ou Hugh Burns (ex-Stealers Wheel). Pour compléter la troupe, le producteur fait appel à une section rythmique bourrée de paradoxe avec le bassiste Delisle Harper (ex-Freddie KING) et le batteur Paul Francis (ex-Chris SPEDDING, Fuzzy Duck, Tucky Buzzard) qui a la réputation de cogner sec.

Maggie ne livre ici qu’une seule compo avec "Suicide Sal", un morceau conjuguant Glam et Blues Rock. Le reste du contenu mêle inusités parfois écrits pour l’album et divers standards parmi lesquels on retiendra en ouverture l’excellent "Wishing Well" popularisé par FREE. Si le bande de Paul Rodgers a commis un bon carton, les amateurs de Blues lui préfèreront certainement la version de l’Ecossaise, moins abrupte et plus groovy. Composé par Peter Wingfield spécialement pour l’album, "If You Don’t Know" se déguste comme une superbe ballade bluesy dans laquelle BELL peut faire valoir la puissance de son organe vocal, tandis que Jimmy Page balance un excellent solo de gratte.
Sur "What You Got" ⃰ la guitare de Breeze prend de l’ampleur tandis que Maggie BELL témoigne qu’elle pouvait rivaliser avec Janis. Belle ballade de Leo Sayer, "In My Life" ⃰ ⃰ prend ici une tournure moins théâtrale au niveau du chant, tandis que claviers et guitare remplacent le piano de l’original.
Création de Paul Kossoff, fougueux guitariste de FREE et de Back Street Crawler, "Hold On" permet de mettre en valeur toute la puissance émotionnelle de la chanteuse, tandis que Brian Breeze nous offre ici un bon nappage de cordes. Si elle reprenait jusqu’alors deux titres homonymes des BEATLES, l’Ecossaise franchit le pas en s’attaquant à "I Saw Him Standing There", l’un de leurs premiers titres. Sous forme d’un entraînant Boogie Rock, Bell salue à sa façon les Fab Four avec une version enjouée dans laquelle le piano remplace avantageusement les claviers. Une version qui rivalise selon nous amplement avec moult copies serviles de petits combos sixties.

Au rayon des curiosités, Maggie apporte une touche de Psyché à "I Was In Chain", excellente ballade de Sutherland Bros. Band, un duo folk écossais. Si la guitare de Mickey Keene se rapproche de l’acoustique de la version originale, la cornemuse de Cuddley Judd, pleine de sobriété, apporte un plus incontestable. "Comin' On Strong" s’annonce comme un Blues Rock de bonne facture, Maggie lance les chevaux tout en nuance tandis que les guitares de Page et de Breeze peuvent s’en donner à cœur joie. Le disque s’achève sur "It’s been So Long", une ballade nostalgique des PRETTY THINGS de Phil May. Si la version originale s’avérait plus soft, celle de l’Ecossaise prend des allures partant parfois en vrilles, mais on notera pour la première fois l’apport d’un saxophone sonnant un peu incongru.

Malgré tous les efforts de Maggie BELL, de Mark London et de Peter Grant, Suicide Sal se situe un cran au-dessous du premier opus solo de la puissante Maggie Bell. Le répertoire moins cohérent tourné vers une Pop et un Rock bien British nous semble moins convenir au potentiel de Maggie Bell. Hormis trois ou quatre pistes, les faces souffrent d’un manque de groove et la prise de son offre un rendu moins limpide, comme si l’Américain Arnie Acosta et les Anglais Mike O’Donnell et Martin Rushent n’avaient jamais su se situer avec précision derrière leurs consoles. A noter que la pochette de Ian Murray (l’auteur du visuel Tattoo de Rory GALLAGHER), longtemps designer artistique de la firme Polydor, ne met pas vraiment le disque en valeur. Si cette galette se place parmi les honnêtes productions du milieu seventies, elle ne permettra pas à Maggie BELL de décoller véritablement. L’Ecossaise, toujours très active sur scène, fondera quelques années plus tard le groupe MIDNIGHT FLYER qui enregistrera pour la même écurie.

⃰ Titre homonyme à celui de John Lennon.

⃰ ⃰ Titre homonyme à celui des Beatles.

◊ Titre homonyme à ceux de Nilsson, Brinsley Schwarz ou George McCrae.