Ce onzième opus de MARILYN MANSON, fleur de fumier du hard-rock des nineties, est le fruit de la collaboration de notre bon Brian et du fiston de Waylon JENNINGS, surnommé Shooter et chanteur de country au pays de l'Oncle Sam. Etrange association, me direz-vous ? C'est certain, mais c'est aussi là que réside pour moi l'essentiel des qualités de l'artiste américain : créer là où ne l'attend pas. Les deux artistes qui avaient déjà collaboré en 2013 lors d'une B.O pour la série Sons Of Anarchy n'en peuvent plus de se tailler des... compliments sur tous les médias. Ils s'adorent ! Mais restons zen car le mélange entre les deux groupes pourrait s'avérer passionnant. La peinture "en ondes positives" de la couverture est comme il se doit de la part de notre grotesque chanteur touche-à-tout. Let's go !

Les deux potes se sont installés dans divers studios autour d'un piano pour créer des pièces rappelant pas mal Elton JOHN d'après les intéressés. On se doute qu'il y aura probablement un peu de gros son aussi, allez ! Nous débutons donc ainsi avec le premier single, l'éponyme "We Are Chaos", trait pour trait en accord avec la personnalité du chanteur. Une gratte acoustique, une autre presque doom metal, et Brian qui place un vocal étonnamment pop, avec des réminiscences de la scène punky pop des nineties du genre de GREEN DAY. C'est assez sympa et facile à mémoriser. MARILYN est devenu un acte mainstream, il fallait s'y attendre !

Le single suivant est "Don't Chase The Dead" dont on reconnaît Norman "Daryl" Reedus dans la vidéo. Il faut dire que Walking Dead est un univers qui sied à merveille au géant dégingandé. L'ambiance navigue plus dans les eaux d'une new-wave gothique proche de certains thèmes de PARADISE LOST. "Keep My Head Together" nous replonge d'ailleurs à nouveau dans ce trip. On y sent toutes les influences cold wave des eighties qui ont bercé l'enfance du révérend. "Half Way & One Step Forward" est construit autour d'une ligne de piano en ostinato, toujours avec une ambiance bien noirâtre, très efficace et addictive. La voix du révérend MANSON, proche de celle d'un baryton, y fait sensation.

Mais tout ceci reste fort métallique ! Une gratte en forme de bourdon attaque "Infinite Darkness", titre haletant et bien rentre-dedans, alors que "Perfume" est plus en mode marteau pilon, avec de belles harmonies vocales. L'introductive "Red Black And Blue" présente un début parlé ainsi qu'il sied à un concept album. MARYLIN ne s'est guère épanché sur ce fameux concept – juste une manière d'échapper au monde, et voilà tout. Mais tout ça est comme à l'accoutumée, plein de gaieté et de bonne humeur, la joie de vivre ! C'est dense, lourd et un brin méchant, avec pleins d'artifices et d'effets de toutes sortes.

La lente reptation de "Solve Coagula" est bien crado et agréable. La production est vraiment dantesque à tous les niveaux. "Paint You With My Love" et ses harmonies pop vont presque nous faire rire tant le grand écart est là. MARYLIN chante superbement, avec quelques rappels de David BOWIE par instant dans le ton et le modernisme. Enfin, la lumineuse "Broken Needle" part plus dans le pré carré de JENNINGS avec sa gratte crépusculaire. Le titre devient magnifiquement emphatique sur le refrain et Brian tire un parti énorme de cette ambiance délétère en créant une atmosphère épique de première bourre. Le meilleur de cet album.

Bref, je n'ai pas bien ressenti la patte d'Elton JOHN sur ce coup-là et vous ? L'association du révérend MANSON et du fiston JENNINGS a en tout cas bien porté ses fruits. L'alliance s'annonçait contre-nature, mais le bébé se porte bien et nul doute que la qualité est omniprésente. L'incroyable "Broken Needle" touche même au sublime, tandis que plusieurs autres morceaux sont d'excellente qualité. Il y a longtemps que MARYLIN MANSON a cessé de faire peur, même les parents l'aiment aujourd'hui, alors ce n'est certes pas une reconversion en chanteur de variété, mais l'évolution reste notable, tout en gardant une part d'identité évidente. Bravo, je n'ai jamais été fan et voici un 4 !