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Tim BUCKLEY - Goodbye And Hello (1967)
Par K-ZEN le 1er Mai 2021          Consultée 1240 fois

Dans la discographie, pour l’instant assez fragmentée, dispensée par maître Tim, voici mon propre grain de sel, caressant l’objectif assez fou de complétude. Avant Happy Sad et Lorca, il était une fois Goodbye And Hello.

Lorca d’ailleurs, petit hiatus. Tuerie intersidérale galactique de l’espace. Dans la bagnole, quelque part entre Biarritz et Toulouse sous un déluge, un smartphone branché via DentsBleues sur un autoradio qui va « se risquer sur du bizarre ». La voix de BUCK, de grands orgues grandiloquents, dix minutes épouvantables, au sens premier du terme. Les esprits n’étaient pas prêts. Qu’importe. Pour plus d’efficience, la prescription prévoit plutôt celui-ci, un peu plus poli, second Tim BUCKLEY, déjà décisif dans sa discographie.

"No Man Can Find The War". Quelle entrée en matière ! C’est aussi le premier des cinq textes coécrits avec l’auteur Larry Beckett. Les canons qui l’introduisent et son intitulé annoncent la couleur. Protest song magique en réponse à
"Masters Of War" de DYLAN, la chanson prend bien évidemment sa source dans la guerre du Vietnam, sourde menace à l’autre bout du monde. Les visions de cauchemar ne résident pas seulement chez les « hommes blessés », ni « les leaders condamnant le monde », mais en tout homme, devenu « aveugle », ne distinguant plus le combat prenant son suc vital directement dans son cerveau. La phrase closant chaque couplet est-elle ainsi un pastiche ? « Aucun homme ne peut trouver la guerre » comme en parfaite opposition avec « Aucun homme ne peut trouver la paix », deux termes en contraste et pourtant indivisibles, retrouvés côte-à-côte chez Tolstoï. Une thématique lourde et explosive convoquant également les images où résident cette nitroglycérine transbahutée dangereusement dans les camions au prix d’un salaire de la peur, en plus des visages de Martin Sheen et Marlon Brando en sueur, aux portes de la folie.

"Once I Was", un des deux singles tirés du disque, conserve le même lexique (« Autrefois je fus un soldat… »), mais seulement pour un temps. Folk nostalgique, un appel à Neil YOUNG qui sortira son premier opus en solo seulement deux ans plus tard, elle évoque les amours terminées, les visages autrefois aimés puis ensuite rapidement oubliés au profit d’autres. Le second single, le gospel teinté de jazz "Morning Glory" ne prête pas à réel engagement, même s’il a sans doute su inspirer les velléités d’un certain groupe des années 90, sur le point d’exploser avec son deuxième album ainsi nommé.

Grandiloquent, grandiose, « I Never Asked To Be Your Mountain » pousse encore d’un cran le regret jusqu’à l’orée du reproche. Parfait panorama tumultueux et acide au bord d’une falaise, le titre a été écrit par BUCKLEY pour sa femme de l’époque et son fils, le jeune Jeff, qui reprendra d’ailleurs la chanson en concert plus tard, au moment où il les quitte pour poursuivre sa carrière de musicien. Un aigre aveu d’impuissance, vis-à-vis des responsabilités lui incombant alors, cette « montagne », comme un point de repère qu’il n’était pas tout à fait prêt à incarner. Curieux point à noter, une phrase, « Je me noie vers toi », revêtant un aspect troublant quant à l’accident qui emportera Jeff à l’aube d’une carrière prometteuse.

"Hallucinations" inaugure la transposition d’une belligérance à consonance plus chevaleresque. Coruscant et fruit de vapeurs d’un lointain affrontement, autant temporel que locatif, on l’imagine en tant que chant joué lors du départ d’un chevalier pour la bataille ou motivant l’ultime sortie d’un roi assiégé : « Le château tomba, tu es maintenant partie, et la cloche ne sonne plus ». Simples souvenirs cependant, révolus ou se faisant reconnaître bien plus tard, à leurs cicatrices, matérialisés par cette « bougie consumée » ou bouffées envahissantes d’opium ?... Le bref "Knight-Errant" est tout aussi hallucinogène et évocateur.

"Goodbye And Hello", originellement conçue par Beckett pour deux voix se répondant, déploie un titre riche et symphonique, avec force violons et clavecin, traversé d’humeurs diverses. Couplets et refrains s’opposent, comme la grandeur flamboyante des châteaux forts et banquets opulents s’écroulant soudain sous les conflits et la tristesse des boulets ou la fatalité de l’épidémie emportant subitement un jeune enfant n’ayant pas encore prononcé un mot. En filigrane, l’évocation d’une époque pas si lointaine que cela où les donjons sont tenus par des « machines » et ont peur « des taxes ». Le paladin ne représenterait-il pas le hippie, repoussant d’un revers de main le mode de vie des « gens antiques » pour embrasser une existence plus respectueuse de la nature et ouverte au monde, rejetant guerres, misogynie, obscurantisme et richesse matérielle symbolisée par « Mammon » ? Titre superbe j’en conviens, et pourtant il est supplanté par un autre, hors concours.

Notes de piano magiques soutenant des accords plaqués délicatement mais avec conviction. Toujours les congas détenus par Carter C.C. COLLINS en parfaits points de ponctuation. Un motif électrique sinusoïdal. Une irrépressible et progressive montée d’orgue. Et la voix de Tim qui irradie littéralement les couplets, un chant terriblement sublime et sexy, touchant au divin. "Pleasant Street" est gigantesque, tout simplement. Beaucoup plus qu’une rue, ou un fiévreux amour, n’est-elle pas la confortable échappée qu’incarne la drogue vis-à-vis de la simple vie de mortel, l’emballement psychédélique sur le refrain mentionnant « les gens défoncés » ? Une substance qui, lentement, monte à travers l’abîme labyrinthique des veines jusqu’au cerveau, aboutissant à la perte de contrôle et l’oubli (« Tu ne te rappelles plus quoi dire, quoi faire, où aller… »). Un apparent bonheur totalement illusoire, créateur de dépendance (« Je ne peux attendre Pleasant Street ») à laquelle on ne peut désormais échapper, inexorablement : « Tu sais qu’elle est de retour », à l’image de celle que l’on développera vis-à-vis de ce moment solaire et merveilleux.

Une fois mis en boîte, Elektra apprécie l’album, finançant le dépliant encarté qui l’accompagne ; l’artiste semble également radieux sur la pochette, utilisant une capsule de bouteille en guise de monocle. A sa sortie, les critiques sont bonnes, mais pourtant les ventes ne sont pas au rendez-vous, la plaque ne plafonnant qu’à la 171ème place du hit-parade. Le temps l’a depuis réhabilité à sa juste valeur. Goodbye And Hello est un chef-d’œuvre de psyché folk baroque, ajoutant une nouvelle sortie marquante à cette année 1967 décidément d’une richesse proprement invraisemblable entre Sgt Peppers, les premiers DOORS ou Jimi HENDRIX EXPERIENCE sortis par paire, The Who Sell Out ou encore l’inaugural PINK FLOYD consacrant le talent météoritique de Syd BARRETT. C’est en outre l’album le plus accessible d’un artiste complexe qui ne tardera plus à étrenner une avant-garde de plus en plus oblique.

Quand on arrose un rosier ensoleillé, on observe dans la terre au contact de l’eau comme une forme de constellation. « Il vous chantera ses dix contes puis errera jusqu’au printemps » écrit Larry Beckett dans les notes d’album. Au Moyen-Âge, ils avaient peut-être les chevaliers mais aucun troubadour aussi bouleversant que Tim BUCKLEY.

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- Tim Buckley (guitare acoustique 6 et 12 cordes, chant, guitare )
- Lee Underwood (guitare lead)
- John Farsha (guitare)
- Brian Hartzler (guitare)
- Jim Fielder (basse)
- Jimmy Bond (contrebasse)
- Don Randi (piano, harmonium, clavecin)
- Henry Diltz (harmonica)
- Jerry Yester (piano, orgue, harmonium)
- Carter C.c. Collins (congas, percussions)
- Dave Guard (mbira, tambourin)
- Eddie Hoh (batterie)
- Jim Gordon (batterie)


1. No Man Can Find The War
2. Carnival Song
3. Pleasant Street
4. Hallucinations
5. I Never Asked To Be Your Mountain
6. Once I Was
7. Phantasmagoria In Two
8. Knight-errant
9. Goodbye And Hello
10. Morning Glory



             



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