Lorsque Andrew Clinco, plus connu dans la sphère gothique sous le nom de Deb DeMure, fonde en 2011 son petit projet en solo comme un grand, il ne se doute pas que DRAB MAJESTY va devenir l'immédiate et solide référence des univers tristes. L'Angeleno, avec pour l'instant trois albums au compteur, apporte en effet sans conteste sur son continent, mais aussi sur les terres nostalgiques de la vieille Europe, un souffle nouveau. Oh bien sûr, ce n'est paradoxalement pas novateur, mais l'Américain a créé une salvatrice excitation chez tout ce petit monde parfois lassé et déçu. On peut à ce titre lui en être simplement reconnaissant.

Careless transpose ni plus ni moins les vaporeuses années 80 dans les années 2010. Quel est l’intérêt de la chose, me rétorquerez-vous légitimement ? Il est très simple. L'Américain n'a pas son pareil pour développer des mélodies synthétiques pop, le plus souvent particulièrement addictives. Si la recette ne propose pas de nouvelles saveurs, elle n'en est pour autant pas dépourvue, qui plus est s'agissant d'un premier effort. Au petit jeu des influences évidentes, il paraît bien difficile de faire l'impasse sur les Néerlandais de CLAN OF XYMOX. Ces ambiances rappellent (en partie) la première et meilleure période du groupe de Ronny MOORINGS, celle des années 4 AD où les Bataves ont eu le génie novateur d'allier spleen et rythme mélancolique.

DRAB MAJESTY ne craint donc pas de convoquer ces imposantes figures, mais il s'en sort bien. Un titre comme l'excellent "Foreign Eye" démontre son savoir-faire. C'est un peu le Medusa du CLAN qui se retrouverait à l'ECHOPLEX de NEW-YORK près de trois décennies plus tard. Tout est bien en place. Vous y retrouvez la savoureuse guitare cristalline, les claviers percutants et dansants qui créent également en vous une irrésistible envie de bouger. La voix de DeMure à la fois claire et profonde (c'est selon) contribue à faire aussi son effet. Elle se marie sans heurt à un travail sur les synthés qui se révèle le plus souvent vraiment intéressant. Le hit "Unknown to the I" le souligne avec force. Le pauvre Deb DeMure semble ici littéralement plier sous leur poids. C'est du COCTEAU TWINS plombé qui serait coulé dans du béton. Effets garantis et hit underground instantané.

Si cette galette, également, a rapidement été chérie par un nombre important d'adeptes de dark wave réactualisée, c'est aussi simplement dû au fait que Careless ne connaît aucun temps mort. En moins de quarante minutes, DeMure installe des ambiances qui pourraient sembler de prime abord assez homogènes, mais il y a toujours une petite aspérité qui casse cette initiale sensation de linéarité. Il en va ainsi des chœurs finaux bien placés par Emma RUTH RUNDLE la locale de l'étape qui sur l'excellent "Entrance And Exits" lui confère un morceau de bravoure de danse froide. Rebelote avec le très eighties "The Heiress" qui semble tout droit sorti du film Retour Vers Le Futur avec ses claviers datés, sa guitare légère à souhait et ses voix et chœurs noyés dans des couches moussaka d'échos. Efficace là encore pour les jambes, à défaut d'être pleinement original pour l'esprit.

Careless d'entrée de jeu démontre le potentiel de DRAB MAJESTY pour exposer de belles ambiances mélancoliques et rythmées. Pour un coup d'essai, c'est dans son genre un quasi coup de maître dans son approche de nostalgie réactualisée.