J'avais oublié pourquoi j'aimais les DROPKICK MURPHYS et Turn Up That Dial me l'a rappelé. Oublié est un grand mot. Disons plutôt qu'une certaine lassitude à la découverte de nouveaux albums peut-être moins engageants et un peu trop prévisibles avaient émoussé mon enthousiasme. Mais le groupe américain est une bénédiction. La tête de gondole du punk celtique, bien devant la plupart de ses petits camarades en termes de popularité, peut être raillée pour son punk de kermesse, dont l'aspect revendicatif a été depuis longtemps remplacé par un visage festif bien plus vendeur, il est vrai, et lorsque le groupe clame haut et fort que jamais il ne baissera son majeur ("Middle Finger"), on a l'oeil qui frise. Mais bordel, Ken Casey savent construire et interpréter de grands "petits" morceaux. Le confinement passé par là, les DROPKICK sont décidés à proposer un album plus léger et festif que son prédécesseur de 2017, et réaffirment leur statut de leader de la meute.

Donnez-leur du banjo, de l'accordéon, de la cornemuse, des riffs mordants et surtout des chœurs fédérateurs, omniprésents tout au long de l'album, et voici que les Américains vous balancent 11 titres bariolés et directs, efficaces comme un délectable uppercut. Il y a des ambiances old-school, débridées et rageuses, à l'image de "Mick Jones nicked My pudding", aux bords acérés. Elles ne sont pas présentes en nombre sur l'album, mais se font le témoignage d'une authenticité chevillée au corps, un laisser-passer qui nous permet d'accueillir avec bienveillance des titres un peu plus "faciles", inconséquents, qui séduisent par leur enthousiasme aviné (H.B.D.M.F.). Le punk des DROPKICK fait du bien par où il passe, il se fait porteur d'un hédonisme salvateur qui vous ferait presque oublier que le monde part en couille. Le tube de l'album est sans conteste "Good as Gold", une mélodie usée et fort répandue, mais portée ici avec une conviction et une énergie qui font passer la pilule à merveille. "Good as Gold" soigne l'arthrose, résout les crises environnementales, réduit la fracture sociale. Un antidote messieurs et dames.

Il y a bien entendu un peu de poil à gratter dans le pudding. "Chosen Few", critique à peine masquée de l'expansionnisme américain, vient sur des sonorités type "drinking song" apporter un peu de substance textuelle à l'album. Mais c'est bien la musique qui tire ici la couverture. Sans temps mort ni faiblesse, les DROPKICK alignent les réussites comme des perles, tant et si bien qu'entre le refrain impressionnant de "L-EE-B-O-Y", les sonorités irlandaises de "Queen of Suffolk County" ou la flûte sautillante de "City by the Sea", aucun nuage ne vient gâcher ce ciel radieux. Même la ballade finale, "I Wish you were here", hommage évident aux POGUES, influence majeure du groupe, s'impose comme une impressionnante réussite.

Il y a ici tout ce qui rend les DROPKICK MURPHYS savoureux, à défaut d'être uniques. Les recettes sont éprouvées, mais les morceaux sont construits de telle manière que, par leurs mélodies ou leurs refrains, ils offrent tous, dans leur variété, une raison d'accueillir avec gourmandise cet album sans temps mort ni faiblesse. Un grand cru des gentils punks.