Originaire de New York, Carly SIMON est née à l’époque où le monde mettait hors d'état de nuire un dictateur teuton et moustachu. Héritière des éditions littéraires Simon & Schuster, Carly est née avec une cuillère d’argent dans la bouche. Elle s’intéresse très tôt à la musique et se produit avec sa sœur ainée Lucy dans le milieu Folk. Les Simon Sisters mettent en boîte deux albums pour le label Kapp. L’aventure aurait pu continuer si l’aînée bientôt maman n’avait pas décidé d’arrêter afin de se consacrer à sa famille.

Disposant d’un physique attrayant, Carly est remarquée par le producteur Albert Grossman (PETER, PAUL & MARY, DYLAN, JOPLIN, The BAND). En 1966, épaulée par des membres du BAND, Mike BLOOMFIELD et Al KOOPER (excusez du peu !) elle enregistre un premier disque, mais suite à des divergences techniques sur sa voix, son producteur se fâche et décide de ne pas publier le disque.

Il lui faut attendre la décennie suivante pour se voir décrocher un contrat par l’entremise de Jake Holzman, patron du label Elektra. Holzman, un homme d’affaire avisé ayant déjà produit Josh White, les DOORS, MC5 et Bread, sait entourer ses artistes d’auteurs et d’accompagnateurs réputés.
Avec cet éponyme, la future Madame James TAYLOR nous délivre un témoignage Folk aux forts accents dylanesques et Pop. Enregistré à New York à l’Electric Lady Studio, à deux pas de Greenwich Village, ce premier jet se fait connaître par "That’s The Way I’ve Always Heard It Should Be" qui accède contre toute attente à la 10ème place du Billboard. Pendant plus de 4 minutes, Carly nous témoigne de propos défavorables sur le mariage, la tristesse du quotidien de ses amis, le tout débouchant sur une peur farouche de la solitude, aspect de la vie qui semble hanter l’artiste plus que tout. Prendre un époux sans grand amour paraissant être selon elle une solution confortable. Si le texte est bien écrit, les paroles ne sont guère captivantes. Quant à la mélodie, disons qu’elle est purement barbante et peu accrocheuse. Les divers repreneurs ne feront pas mieux, se montrant aussi ennuyeux, Pat Matheny étant l’auteur d’un instrumental bien soporifique. Seconde collaboration avec Jacob Brackman sur "Dan My Fling" en ouverture de face b, un long Folk Glam tranchant avec le ton général de l’album, le meilleur morceau s’il faut en citer un. Posé sur les fondations d’un Folk Pop hybride, "Alone" ⃰ évoque un break dans la vie d’un couple. La guitare acoustique et la pedal steel ne viennent jamais conforter le moindre instant de groove. Le genre de titre qu’on oublie aussitôt. Même sentiment avec "One More Time" : la combinaison piano et guitares a bien du mal à accrocher l’oreille sur une mélodie peu inspirée et rébarbative. Tous les titres composés par Carly SIMON semblent issus du même tonneau avec des textes évoquant désillusion, amour envolé, absence de bonheur, le tout reposant sur des mélodies qu’on ne parvient jamais à retenir. On se perd dans ce maelstrom de cordes et de piano, ne sachant véritablement jamais où la chanteuse veut nous emmener. "The Best Thing", "Rolling Down The Hills" qui tente en vain de conjuguer Rag et chanson de cabaret, ou "Just A Sinner" qui lorgne sur les traces de Tracy NELSON ou Marianne FAITHFULL s’avèrent aujourd’hui peu convaincants.
Les diverses co-écritures avec des auteurs pourtant réputés sont aussi mortifères et pour tout dire bien rasoir. "Reunion", "The Love’s Still Growing" ne parviennent pratiquement jamais à capter une attention durable.

Le caractère austère du répertoire, une production de guingois (Eddie Kramer), des textes désenchantés se nourrissant d’une mélancolie plus incompréhensible que poétique, des airs qui à aucun moment ne parviennent à rester quelques secondes dans les limbes de nos cerveaux, sont loin d’être des cartes maitresses. L’orchestration ne sait jamais par quel bout de la lorgnette attaquer une chanson, normal avec autant de sesionmen ! Les arrangements demeurent bouffis et peu complémentaires. Probablement influencée par DYLAN et Paul SIMON (sans lien de parenté), Carly tente vainement de colorer son tableau de petites touches à la Joan BAEZ, Tracy NELSON et diverses jeunes chanteuses issues de Greenwich Village, mais ces divers petits coups de brosse finissent par faire de vilains pâtés. Le répertoire oscillant tant bien que mal entre Folk, Pop, Rock et Protest Song, un curieux décor dont on ressort perdu, et une voix trop aigüe ne permettent pas à ce disque de décrocher la moyenne. L’apparition fugace de Carly SIMON dans le film de Milos Forman Taking Off avec Kathy Bates et Ike et Tina TURNER quelques mois après la sortie de son premier disque replacera la chanteuse sous le feu des projecteurs.
Un disque à l’image de la posture de la chanteuse sur la pochette : dangereusement bancal et qui ne vaut pas plus d’1,5. Pour une meilleure cohérence, cet album est classé non pas en Folk mais en Pop.

⃰ Homonyme aux titres chantés par Petula Clark, Rick Nelson, Shadows Of Knight et Blood Sweat & Tears.