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2019 Schlagenheim
2021 Cavalcade
2022 Hellfire

BLACK MIDI - Cavalcade (2021)
Par K-ZEN le 2 Septembre 2021          Consultée 823 fois

C’est tout à fait logique. Après le cheval ornant la présentation au monde Schlagenheim, voici venir ensuite la cavalcade. On aurait pu imaginer voir ces intitulés inversés, pour des raisons que l’on explicitera.

Première constatation, un de nos quatre cavaliers s’est pris les sabots dans le tapis. Le guitariste Matt Kwasniewski-Kelvin, victime de soucis psychologiques, a pris un congé sabbatique, toujours crédité comme co-auteur de certaines chansons mais bel et bien absent du processus d’enregistrement. L’annonce fut faite par le groupe en début d’année.

Ainsi restructuré à l’état de trio, où donc réorienter la quête ? La pochette nous livre quelques précieux indices, parée de plus de couleurs riches, de nuances criardes, à foison, à la limite du capharnaüm, de l’apocalypse exaltée en chewing-gums. Le changement est ainsi notable, même si la haute symbolique et le recours à l’imagination demeurent. Est-ce le passage du Covid ou simplement la peur de se répéter qui a motivé cette métamorphose ?

Quoi qu’il en soit, et quelle que soit sa forme, après une série d’EPs, de mix-tapes et un album sorti l’année dernière sur Bandcamp exclusivement, consistant en des improvisations studios et des lectures de nouvelles (Maupassant, Poe) avec instrumentation en arrière-plan, black midi est bel et bien de retour aux affaires avec une sortie physique moins atypique.

"John L" sera le fil rouge de ce disque. Introduisant de facto une première nouveauté avec des violons doublant le riff de guitare, son texte s’intéresse à l’imitation des culture et technique occidentales lors de la rencontre des îliens avec les continentaux, dans l’espoir d’obtenir même abondance de biens que ceux amenés par les étrangers en cargo, qu’ils considèrent comme une faveur divine à leurs yeux. Ce culte prit naissance en Mélanésie et se trouve être la manifestation concrète de l’ignorance des modalités de production européenne. Ce fameux John – L pour 50 en chiffres romains, épithète souverain ou papal – est-il John Frum, prophète de ce rite au Vanuatu ? Qui qu’il soit, son règne touche toutefois à sa fin, malgré le baroud d’honneur que constitue ce discours composé de mots durs et nationalistes, parfaite antithèse du rêve évoqué par Luther King, prononcés mécaniquement d’une voix nasale très froide, celle appartenant à Geordie GREEP rappelant fortement David THOMAS, gourou menant PERE UBU. La prise de conscience amènera le soulèvement, il n’y aura pas de John LI.

En écho, "Dethroned" pourrait bien être une autre évocation de cette chute. Une ligne de basse funk alimente un titre d’une grande intensité peignant la lutte entre l’acceptation d’une réalité revêtant la forme d’une défaite, et l’hubris pouvant maintenir dans un état de déni vis-à-vis de la situation. Tout aussi énergique mais condensé temporellement, sous haute influence BEEFHEARTienne, "Hogwash And Balderwash" (soit textuellement "non-sens et non-sens") conte la fuite de deux poulets évadés, la loi sous son intense pression finissant par les faire abdiquer et même admettre l’impuissance de leur tentative. Le refrain, acoustique et presque bucolique, inaugure une surprise dans la surprise.

Ces deux morceaux sont peut-être les plus fidèles au son dont nous avions mémorisé les arcanes sur Schlagenheim. Un son monolithique, toujours caractérisé par une section rythmique impeccable (basse richement câblée, batterie insaisissable) et ces riffs rigides typiques dont les échos rappellent diablement FOALS mais embelli par de nouvelles perspectives notamment venteuses.

"John L" donc, mise en bouche savoureuse. Et sa proche non-compagne "Marlene Dietrich", bien plus respectable, dont le rideau est simplement grand par rapport au patchwork d’imitation de vermillon dévolu au monarque déchu. L’histoire personnelle de l’actrice nous est narrée, ses peines qu’elle dissimule dans la performance, mal comprise parfois, le tout sur fond d’une bossa nova romantique.

"Chondromalacia Patella", désignation du mal de genou chronique, combine riff urgent et jazz amené sans ménagement via secousses éventées périodiques. Moins optimiste, et pour cause puisqu’il relate les pensées d’une personne désirant une mort se faisant trop attendre, « Slow » véhicule logiquement la menace insidieuse ne se matérialisant pas, un incertain spot de surf sous un orage, raconté par l’autre interprète Cameron PICTON, se fondant discrètement sous les fanfares.

Psychédélique, brumeux, "Diamond Stuff", paré de sa double référence au livre signé Isabel Waidner "We are made of diamond stuff" et à l’oratorio Anthracite Fields, lauréat du prix Pulitzer en 2015, pièce que le critique Mark Swed a décrite comme une déchirante et inoubliable évocation de la situation inconfortable des mineurs de charbon de Pennsylvanie, délivre un folk anguleux puis lumineux, aux frontières du clair-obscur où s’affrontent les visions post-rock planifiées par TALK TALK puis SLINT et celles nichant au cœur du cerveau labyrinthique de Brian WILSON. Des congasse font entendre, semblant tout droit sorties d’autres hallucinations californiennes, explosions stellaires au-dessus de la tête de Tim BUCKLEY.

"Ascending Forth", termine la plaque sur une thématique musicale comme "Ducter" l’avait fait avant lui – ils partagent d’ailleurs une construction quelque peu similaire – en croquant le portrait d’un compositeur écrivant des partitions exclusivement constituées de quartes parfaites d’une note. Ample épopée folk arrosée de violons/saxophones parfois menaçants, c’est un peu l’histoire d’un groupe luttant pour ne pas se reposer sur ses lauriers, black midi ne se contentant pas d’un Schlagenheim 2, au profit d’un autre contenu, enrichi.

Un contenu plutôt encensé par les critiques, même si certaines voix tempèrent l’enthousiasme. Charles Lyons-Burt (Slant Magazine) parle d’un album évocateur mais pas nécessairement satisfaisant. De son côté, Jonathan Chadwick regrette la disparition des chocs et singularités qui faisaient Schlagenheim mais reconnaît cependant que cela lui confère une opulence nouvelle et certaine.

Toujours publié sur le mythique label anglais Rough Trade, vous devez encore vous poser à ce stade précis une seule question. Non pas "Dans quel rayon ranger Cavalcade ?" mais plutôt : "Cavalcade n’est-il pas, 50 ans plus tard, le deuxième album perdu du CHICAGO TRANSIT AUTHORITY, avec Steve ALBINI à la production et deux spectateurs avisés ayant sagement assisté à l’enregistrement, à savoir SHELLAC et KING CRIMSON ?".

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- Geordie Greep (guitares, chant, claviers)
- Cameron Picton (basse, chant, bouzouki, flûte)
- Morgan Simpson (batterie, percussions)
- Kaidi Akinnibi (saxophone ténor et soprano)
- Joscelin Dent-pooley (violon)
- Seth Evans (claviers)
- Blossom Caldarone (violoncelle, chant)
- Joe Bristow (trombone)
- Rosie Alena (chant)
- « helicopter Pilot » (hélicoptère)


1. John L
2. Marlene Dietrich
3. Chondromalacia Patella
4. Slow
5. Diamond Stuff
6. Dethroned
7. Hogwash And Balderwash
8. Ascending Forth



             



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