Qui se soucie encore en 2021 objectivement de PLACEBO ? La très jeune génération n'en a sans doute jamais entendu parlé et celles et ceux qui écoutaient ce groupe à la radio il y a vingt ans d'une oreille très distraite l'ont forcément oublié depuis bien longtemps. Il faut dire que de l'eau a coulé sous les ponts de la Tamise depuis le dernier et fade album Loud Like Love (2013). Huit années de silence comme autant de moment de réflexion ? Il est difficile d'imaginer pourtant que de 1996 à 2006 ce groupe a été extrêmement populaire et que cette popularité n'avait en rien diminué son degré d'exigence artistique. Emmené par le charismatique Brian Molko et sa légendaire voix de canard, PLACEBO durant ce temps avait été un grand groupe, de ceux qui comptent vraiment, du moins pour moi.

Sur des mélodies qui devaient dans l'esprit autant à CURE qu'aux PIXIES, et à travers des textes qui évoquaient sexe brûlant, rage adolescente, frustration et désir permanent, le trio d'alors semblait intouchable. Puis, arriva le cirque rock'n'roll et son corollaire de drogues, alcools, crises d’ego et son inévitable résultat : la chute fatale, puis surtout en 2007 le départ du talentueux batteur Steve Hewitt. Les années qui suivirent cette décennie en or se firent plus discrètes et surtout éminemment plus ternes. Les ados avaient grandi, les fans de rock s'étaient lassés de ses concerts en pilotage automatiques et des deux albums (Battle For The Sun et Loud Like Love) qui ne ravivaient aucune flamme, si ce n'est celle de l'amertume. Mais que voulez-vous, les souvenirs demeurent vivaces et consolident le plus souvent l'attachement qui se rapproche alors de la nostalgie.

C'est assurément cette sensation qui permet après toutes ces années d'avoir encore cette petite excitation à l'écoute de "Beautiful James", le single annonciateur d'un nouvel album. Étrange sentiment tout de même que de revoir Molko en mode d'ARTAGNAN et Olsdal égal à lui- même. Qu'il est loin le temps des jupes, des dédicaces en concert à "l'inspecteur du cul" et autres ongles au verni noir ! On croirait musicalement faire toutefois un voyage dans le temps. C'est l'impression effective qu'impriment ces quatre minutes de pop teintée de discrètes touches electro. PLACEBO a emprunté une faille spatio-temporelle et se retrouve donc en 2003 lorsque Sleeping With Ghosts, l'album de tous les succès, fit son apparition. Pour l'originalité, on repassera probablement, même si Molko nous vend lui aussi le confinement comme moteur d'inspiration.

Si vous aimez ou snobez PLACEBO, "Beautiful James" ne vous fera pas changer d'avis. Les premières secondes sonnent comme à s'y méprendre à celles de "Plasticine". Puis, comme très souvent avec le groupe lorsqu'il débranche quelque peu les amplis, se succèdent travail sur les claviers, plutôt bien fait encore une fois, guitare discrète et la voix de Molko reconnaissable entre mille. C'est bien encore cette dernière qui donne tout son charme à ce single pop formaté pour un retour tout en douceur. Il sera encore question d’ambiguïté dans cette exposition des sentiments. Est-ce Molko lui -même qui parle à ce James ou une autre personne (femme ou homme d'ailleurs) ? La recette n'est pas nouvelle, mais elle n'est pas sans goût. Cette ambiance crée indubitablement une forme de tristesse rêveuse qui vous rappellera pourquoi vous étiez si sensible à PLACEBO.

"Beautiful James" ne fera pas partie du cercle des très grands titres de PLACEBO. Relativement efficace à défaut d'être pleinement original, il a le mérite de réactiver progressivement la machine Molko et Olsdal et ceci est déjà plus que salutaire.