C’est comme si on les avait quittés il y a une heure. Complètement hermétiques à tout temps. Fidèles à eux-mêmes en somme.

L’échec commercial accompagnant Adventure, second album gravé par TELEVISION, conjugué aux divergences artistiques de plus en plus prégnantes entre les fortes personnalités composant le quatuor et aux addictions touchant Richard LLOYD mènent au démantèlement du groupe en juillet 1978. Ce dernier, ainsi que le chanteur et guitariste Tom VERLAINE entament presque dans la foulée une carrière indépendante en solitaire.

Pourtant, quatorze ans plus tard et à la surprise générale, TELEVISION se reforme avec la même composition, arrivant ainsi à l’étape verticale du pendule ornant la jaquette du produit de ce regain d’activité. Vous calculerez sa période d’oscillation plus tard, l’accélération de la pesanteur n’ayant pas encore été définie pour cet an de grâce 1992. Ou quelque chose du genre.

"1880 Or So" nous remémore d’entrée l’ADN vital du groupe : ce duel entre les guitaristes LLOYD et VERLAINE au service d’une balade routière ou une méditation sur la vie, la délicatesse des premiers baisers et ce qu’il reste à découvrir par la suite.

Autre caractéristique vite rappelée : des riffs mémorables, savamment calculés et disposés.

Tout aussi romantique que sa piste voisine, "Shane, She Wrote This" expose ainsi un riff d’une inventivité folle ainsi qu’un solo du même acabit. Tout aussi insaisissable, le motif appelant le mystérieux Mr Lee, sur un rythme fracturé, tout en cassures. Bourré d’effets, tout en descente ou montée, celui de "No Glamour For Willi" illustre les sautes d’humeur de son héros frustré. Ésotérique et bizarre, la chanson envoie en guise de solo ce qu’on jurerait être un frelon piégé dans une bouteille. C’est aussi un des premiers titres brillant d’une humeur plus incertaine, prolongeant efficacement et temporellement certains climats déjà observés sur Adventure.

L’odeur un peu âcre exhalée par "In World", telle de l’encens terminant sa diffusion ou un incendie achevant sa progression meurtrière. "Rhyme" plonge en apnée dans un repos momentané jazz ambient à peine troublé par quelques discrets susurrements. "The Rocket" cuisine les DIRE STRAITS à la sauce industrielle, deuxième blues consécutif après le plus classique "Beauty Trip".

Et puis surgit enfin un improbable climax. "Mars" est l’ultime tour de piste de Tom VERLAINE au sein de TELEVISION et il s’en donne à cœur joie. Son chant caractéristique si posé jusque-là vole en éclats. Rires, cris, chuchotis traversent cette valse cramée animée d’un riff cryptique dingue. Jamais le groupe n’aura été si près de la folie et des instants BEEFHEARTiens. Un final absolument incroyable, mais qui ne représente finalement pas une si grande surprise tant le collectif a le secret des coups de théâtre d’anthologie.

Après cet album, le quatuor continuera de jouer sporadiquement ensemble, même si parfois chahuté comme au festival All Tomorrow’s Parties de Camber Sands en 2001. Apparemment, on oublie bien vite les émotions passées.

En 2007, après un concert à Central Park où il est dans l’incapacité de jouer, Richard LLOYD annonce une séparation d’un commun accord. Il sera remplacé par Jimmy RIP. Pas de quatrième album depuis avec ce nouveau line-up régénéré, même si ce dernier avait confirmé travailler dessus.

Les oscillations futures du pendule nous mèneront sans doute jusqu’aux deux premières productions en solo de VERLAINE, Tom Verlaine publié en 1979 et Dreamtime en 1981 voire à l’album live de TELEVISION, groupe dont la discographie finalement un peu chiche en quantité ne permet décidément pas de faire la fine bouche.