La Grande Ouverture, c’est d’abord une fracassante entrée en matière, de celles dont Fred PALLEM a le secret et qui relève du plaisir pur. Comment ne pas céder à l’exubérance du SACRE DU TYMPAN, à cette collection de synthétiseurs, à cette basse chaleureuse et chaloupée, à cette guitare psychédélique tellement années 1970, à la luxuriante section de vents - 12 en tout ! – tous rutilants, chauffés à blanc et qui emportent tout sur leur passage ? "La Grande Ouverture" - oui, comme l’album mais entre guillemets puisque c’est un morceau* – sonne d’abord comme une évidente suite du Retour !, le précédent opus du SACRE, ce qui n’est pas rien.
Car comme dans Le Retour !, Fred PALLEM nous plonge dans le chaudron de ses influences cinématographico-musicales, alternant ambiances de films d’horreur et de polars millésimés années 1970, bref de "gialli**". Il nous balance même une cavalcade tout droit tirée d’un western de John Ford, en direct de Monument Valley ! Cette "Grande Ouverture", explosive, est décidément une splendide entrée en matière. Et puis…. et puis.

Sans doute soucieux d’explorer de nouveaux territoires sonores, Fred PALLEM a concocté avec son SACRE un disque majoritairement composé de chansons. Pas des créations, non, mais des reprises façon big-band / fanfare / grand orchestre de variétés de quelques "classiques" comme "Promises Promises" ou "Fool That I Am" pour les grand anciens***. Pour les modernes, SANSEVERINO, Piers FACCINI ou le discret Marcel KANCHE viennent réinterpréter leurs propres titres****. Tout cela est très aimable, mais on est d’abord un peu déçu. Si l’on a tant aimé Le Retour !, c’est justement qu’il s’agissait d’un album sans paroles, et dont la grande richesse provenait des arrangements et de la flamboyance de l’orchestre. Or, une chanson, c’est avant tout une structure qui contraint les musiciens à rester sages. Forcément un peu dommage, quand on dispose d’un tel ensemble, qui sait faire montre de la puissance de feu d’un croiseur, flingues de concours inclus.

On sauvera cependant "Midnight Sun", pas tant pour sa réinterprétation que pour le plaisir d’entendre André MINVIELLE, personnage trop rare mais ô combien attachant. Pour le reste, ce sont bien les reprises strictement musicales qui valent tout de même le détour : "Zombi", de – et avec – le très allumé Sébastien TELLIER est un titre particulièrement réjouissant. "Picasso Blue", d’André POPP – autre influence majeure de Fred PALLEM – est splendide, portée par le lyrisme de Julien LOURAU au saxophone. Mais c’est une fois de plus dans le domaine du cinéma que LE SACRE DU TYMPAN est bluffant, tout en Moog et en cuivres pour la reprise psychédélique de "Compartiment Tueurs", d’après le film de Costa-Gavras de 1965 du même nom, pour lequel Michel MAGNE a composé la bande originale.

L’album est d’excellente facture, cela ne fait aucun doute. Mais peut-être n’est-il pas donné de convaincre les amateurs de chanson française ET les amateurs de musique strictement orchestrale sur un même disque. En refusant de prendre une orientation bien définie, Le SACRE DU TYMPAN nous offre un disque plaisant mais disparate, comme le cul entre deux chaises. Dommage, mais pas très grave. En jouant "Compartiment Tueurs", Fred PALLEM trouve en partie sa voie : réinterpréter de la musique de film, l’inventer au besoin, tout en privilégiant des sonorités des années 60/70. Et c’est avec Soundtrax, l’album suivant du SACRE, que le compositeur/arrangeur va finalement s’en donner à cœur joie, faisant paraître La Grande Ouverture pour un disque réussi, mais restant comme une transition dans la discographie de ce splendide orchestre.



*Sur FP, on met les titres d’albums en italiques, et les titres de morceaux « entre guillemets ». Une convention comme une autre.
**Selon wikipédia, "Le giallo […] est un genre de film d’exploitation principalement italien à la frontière du cinéma policier, du cinéma d’horreur et de l’érotisme qui a connu son âge d'or dans les années 1960 à 1980. "
***Burt BACHARACH, Lionel HAMPTON, l’oublié Floyd HUNT sont de la partie, mais aussi Aaron COPLAND ou Charles IVES.
****Le premier chante "La Voisine des oiseaux", le second "Sharpening Bone", le troisième "Une Epitaphe", trois morceaux déjà enregistrés par chacun d’entre eux sur leurs propres albums.