Nous sommes en 1988, quasiment à la fin de la faste décennie des eighties, celle de la superficialité et des couleurs. Quel plus beau cadeau nous fait la belle Folasade Adu avec cette magnifique photo qui la montre légèrement plus mature mais toujours aussi désirable et énigmatique ! Le groupe voyage entre les Bahamas et le château de Miraval dans le var pour enregistrer ce troisième opus, il y a pire comme manière de travailler ! L'artiste choisit d'ailleurs de produire elle-même l'album, ce qui n'est pas courant chez les artistes de soul moderne. On constate aussi que la moitié de l'album est consacrée aux singles, voilà qui n'est pas banal non plus ! SADE prouve ainsi son ambition de frapper un grand coup.

Tout débute avec la sortie de "Love Is Stronger Than Pride", quelques jours avant la sortie de l'opus en 33-tours. Et oui, les djeuns, pour l'instant, en 88, le vinyle continue d'imposer sa loi sur le marché du disque. La chanson est réussie, Love symbolisant SADE la chanteuse et Pride SADE le groupe, il y a de la schizophrénie dans l'air. Le succès n'est certes pas flamboyant, l'album reste modeste dans les billboards, mais je gage que beaucoup d'entre vous se souviennent de la ritournelle ! Le single suivant est "Paradise", plus dansant, avec sa basse véloce, gros succès dans les charts américains, 16ème du hot mais 1er du dance, un des grands classiques de SADE. Le refrain est resté là encore dans toutes les mémoires, très efficace.

On continue avec "Nothing Can Come Between Us", dans un esprit plus soul jazzy, qui atteint la 3ème place du top R'n'B ricain. C'est donc moins 'classique', même si cela reste de la belle ouvrage. On a un peu la sensation de tourner en rond. Notons tout de même qu'on voit la chanteuse danser dans la vidéo. On passe à la longue et smooth dance de "Turn My Back On You", clairement taillée pour les dance floors, qui ne charte qu'à la 12ème place du R'n'B chart. J'aime moins, on s'approche de la lounge music avant son heure. Le dernier single "Haunt Me", sorti dans la seule perfide Albion, est d'une autre trempe. Arrangée autour d'une ligne de guitare classique qui évoque le soleil de l'Andalousie, Folasade susurre plus qu'elle ne chante de manière presque irréelle et purement onirique d'où le titre de la chanson. Une vraie petite merveille qui ne chartera même pas. Il faut croire que les gens n'attendent pas de SADE des choses originales.

Le meilleur titre restant est "I Never Thought I’d See The Day" qui se présente comme une superbe performance vocale, d'une troublante douceur, le fameux trademark des classiques de SADE. "Keep Looking" avec son rythme entêtant, est quasi funky, agréable. Les percussions exotiques de "Give It Up" nous renvoient aux origines de la chanteuse, mais l'aspect un brin pressé du titre ne me convainc pas plus que ça. On retourne vers des sonorités plus mainstream avec le slow "Clean Heart", peu inspiré. Enfin, hélas, on pensait entendre la belle chanter dans la langue de Cervantés, mais "Siempre Hay Esperanza" n'est qu'un petit instrumental smooth sans prétention.

Ce troisième album remporte le même succès que les précédents opus de la belle SADE, mais elle nous avait habitués à des singles un peu plus performants. On retient tout de même le superbe et oublié "Haunt Me" qui mérite toute notre attention. Stronger Than Pride reste sous la barre des 10 millions d'exemplaires vendus mais, au final, conforte SADE dans sa domination de la scène soul de cette fin des eighties. Elle fait désormais partie du paysage musical et ne déçoit jamais ses fans, ce qui n'est pas peu dire, compte tenu de l'époque ! Je reste sur un trois qui pourrait paraître sévère de prime abord, mais il s'agit de marquer la différence avec les deux premiers opus. On peut aussi arguer que la musique progresse peu et que les effets employés sont maintenant connus de tous.