Depuis 2014 et son premier album Alphabête, un des plus beaux fleurons, et parmi les plus authentiques, de la pop française en ces années 2010, AL.HY nous avait bien manqué. Quoique présente sur les réseaux sociaux, la chanteuse nordiste s'est souvent montrée en décalage avec les stars habituellement souriantes et - au demeurant - très simples, ne cachant ni ses errances, ses vagues à l'âme, ni son goût pour le surréalisme, les deux allant souvent de pair. Pour des raisons diverses, sa production discographique s'en est trouvée amenuisée.

Pourtant, dès que AL.HY chante, notamment seule, elle assoit tout le monde. Preuve en est encore dernièrement avec son single "Venez me chercher", aux accointances électro-ambient plus prononcées, d'une qualité certaine. Peut-être consciente de ne pas devoir poursuivre trop rapidement dans cette voie, la native de Saint-Saulve propose en ce mois de décembre un joli E.P 5 titres au joli titre, Mon Ami Piano, tout en piano-voix !

"Venez me chercher", déjà revisité, trouve autant de force ici que dans son habit le plus complet. La petite fille, asociale, déprimée, en marge totale, pense que des aliens l'ont déposée sans qu'elle s'en souvienne et ne rêve que de s'élever dans le ciel, vers le soleil. Outre la beauté de la chanson et le jeu de piano délicat, c'est bien la voix torturée d'AL.HY, entre aiguës de tête et graves tremblotantes, qui capture l'attention en priorité, sans surprise. Le final en vocalises, on le retrouve aussi sur l'autre chanson imagée et qui rappelle Ophélie (prénom de naissance de la chanteuse) à son enfance, autant qu'elle le peut durant ses longs instants de monotonie et d'isolement, même si la mort l'attend au bout.

Isolement ou confinement, lors de ces deux dernières 'années blanches' décrites avec plus ou moins de subtilité : les premières paroles sont tout de même c'est la merde ici, on comprend pas bien ce qu'on vit ! La poésie, quoique humble, sait nous envoûter, car on a parfois pu se dire nous aussi je sais plus quel mois on est, mars ressemble à janvier. Le refrain entêtant, les beaux arpèges de piano conduisent à un final entre soul et lyrisme classique, des plus prenants.

"Mon joli rêve" et sa valse à l'ancienne, feutrée, son texte plus intime, passionné (avec une poignée d'élans sexuels sans fard) côtoient avec une certaine grâce la reprise du standard blues américain "Cry Me a River", maintes fois entendue. AL.HY, interprète magnétique, en vibrato et en force, en aspirations et parfois en accent étrange (sur "why you never shed a tear") s'approprie totalement la chanson.

Si on était en droit d'espérer autre chose au bout de sept ans, la surprise est bonne, à la hauteur des attentes. En ce qui concerne les retrouvailles avec AL.HY, souhaitons-en des prochaines et avec encore un autre costume, si possible !