Deux ans après Wildcard, Miranda LAMBERT nous propose son neuvième album, Palomino, qui apparaît comme un véritable retour aux sources de ce qui a fait son succès les années précédentes, en particulier à travers ce qui est considéré aujourd'hui comme son chef-d’œuvre, The Weight of These Wings, sorti en 2016. Les prémices de ce retour avaient pu être découvertes au dernier trimestre de l'année 2021 lorsque la belle à la voix acidulée se produisait avec Jack Ingram (Mark Chesnutt, Charlie et Bruce Robison) et Jon Randall (Reba McEntire, Emmylou Harris, Kenny Chesney, Brad Paisley, Guy Clark, Gary Allen) sur la scène de Austin City Limit. Une captation vidéo permet d’apprécier en live la quasi-totalité de The Marfa Tapes, un album acoustique sorti six mois auparavant en version double vinyle, aujourd’hui complètement introuvable hormi en mode téléchargement. Elle permet aussi d’apprécier l'entente entre les trois musiciens, laquelle fut telle que les deux guitaristes furent engagés à l'élaboration de Palomino jusqu’à en devenir sa colonne vertébrale.

Pourquoi avoir cité cet album ? Pour la simple raison que trois titres avaient été testés à l'occasion et ont fait l'objet d'un relooking total pour la dernière livraison de la miss. Nous y reviendrons.

Palomino est un album faussement conceptuel, faisant référence au voyage sur les routes américaines avec différents portraits d’individus qui dérivent à travers le Sud des États-Unis, alimentés par l'essence, les souvenirs et la nicotine. Comme à son habitude, Miranda LAMBERT nous offre des vignettes racontant ses rencontres, avec, toutefois, un bémol puisque, en raison de la crise du Covid qui l’a obligée à interrompre, comme nombre d'artistes, l'ensemble de ses tournées et à rester chez elle dans le Tennessee, ces voyages ne sont jamais qu’imaginés à partir de cartes routières sur la base de territoires inconnus de la belle.

Dans une interview récente, Miranda LAMBERT racontait qu’elle trouvait qu'elle n'était jamais aussi bonne pour écrire des chansons qu'à partir du moment où elle s’ennuyait, ce qui fut le cas à cause de la pandémie. La meilleure façon de décrire Palomino est, ainsi, de le présenter comme SON disque. Elle y a enregistré 15 chansons, dont 14 co-écrites principalement en collaboration avec ses complices habituels Natalie Hemby et Luke Dick, avec en sus Jon Randall et Jack Ingram.

Pour être honnête, ma première écoute a été quelque peu mitigée. En effet, si vous vous souvenez, dans ma chronique de Wildcard j'avais conclu en disant que les puristes de la country n'apprécieraient sûrement pas cet album, au contraire de votre serviteur. En effet, j'y avais apprécié l'audace, le cassage de code tel que peu d'artistes en avaient fait dans leur domaine. Effectivement, ce retour en arrière parfaitement assumé traduit aujourd'hui une volonté de revenir aux bases même de la country, quand bien même certains arrangements peuvent paraître audacieux, notamment l'utilisation de la reverb', comme Daniel LANOIS en son temps. Si les ventes du précédent album ont été loin d'être ridicules, celui-ci ayant été même primé au Grammy Award dans la catégorie Best Country Album, elles étaient toutefois loin du niveau atteint par l'album Revolution, voire de Platinum, et l'orientation plus pop-rock qu’avait insufflée Jay JOYCE satisfaisait peu de monde au bout du compte.

Pourtant, c'est au bout de plusieurs écoutes que le charme de Palomino a commencé à opérer en moi. En particulier pour des titres tels que Geraldene, hommage appuyé à Jolene de Dolly PARTON (Tu es jolie dans un parc à roulottes, chante LAMBERT, mais tu ne seras jamais Jolene), chanson ludique avec une légère influence à la Tony Joe WHITE, et addictive avec le rendu "GGGG-Geraldine" bien meilleur qu’en acoustique renforcé par le râteau palm-muted de la guitare électrique. Dolly PARTON fait l'objet d'un second hommage à travers "Music City Queen" où Fred Schneider, Cindy Wilson et Kate Pierson des B-52’s interviennent version 'rock Lobster' avec un Schneider répondant à Miranda LAMBERT par des woo, Dollie. Ce titre détonne dans la production country. "Geraldene" fait partie des trois chansons réenregistrées (avec "In His Arms" et "Waxahachie") qui figuraient à l'origine sur The Marfa Tapes, cette fois avec une production beaucoup plus brillante et particulièrement réussie.

D'autres titres méritent le détour : "Tourist" et "Pursuit of Happiness" sont deux chansons agréablement roots, voire bluegrass, tandis qu’ "Actin' Up" débute l’album de la meilleure façon avec des trouvailles sonores pouvant être une référence à "Rock On" de David Essex,, tout en célébrant la liberté de se débarrasser de ses inhibitions. Pour certains commentateurs, "Scenes" aurait un air de "Dreams" des FLEETWOOD MAC. À dire vrai, je trouve cela un peu tiré par les cheveux. D'autant plus que le rythme n’est absolument pas le même. Mais chacune des chansons de l'album mérite qu'on s'y attarde, cet opus de Miranda LAMBERT ne souffrant pas véritablement de baisse de régime, mis à part, peut-être, ce qui fait office de single, à savoir "If I Was A Cowboy
". Mais comme il est de bon ton de faire dans l'inclusivité, même si elle est artificielle.

Avant de conclure, il est nécessaire de citer "Wandering Spirit", seule reprise de l'album. Miranda LAMBERT se l’approprie totalement, faisant presque oublier son interprète original, Mick Jagger, qui l’avait chantée dans l'album éponyme de 1993. Tout comme "Locomotive" dans l'album précédent, ce titre rapide dans lequel on pourrait voir un hommage appuyé à Scotty Moore, le guitariste de Elvis PRESLEY, est placé en son milieu, tel un sommet magnifié par les McCrary Sisters (le quatuor gospel connu pour avoir travaillé avec Carrie UNDERWOOD, Margo Price et Bob DYLAN) et Sarah Buxton. Cela ne signifie pas que le reste des titres ne vaut pas le coup. Il me semble qu'il s'agit juste d’une question de rythme, de respiration voulu par l’artiste au sein de sa production.

Considérée, avec Carrie UNDERWOOD, comme la chanteuse country la plus titrée de ces 15 dernières années, Miranda LAMBERT vient de glaner en mars dernier le titre de la meilleure chanteuse au Grammy Awards de la country. Nul doute qu'avec ce dernier album, les suffrages iront vers elle l'année prochaine. D'autant plus que, contrairement à Shania TWAIN qui mettait de la country dans sa pop, Miranda LAMBERT serait plutôt à faire l’inverse. Cependant, ce n'est pas ce qui fait la qualité d'un album. Certaines daubes ont été titrées, cela ne les a pas empêchées d'être des daubes infâmes quand même. En l'espèce, cette dernière production, avec un groupe de base composé du batteur Fred Eltringham (The BLACK CROWES), du bassiste/claviériste Ian Fitchuk (Sam HUNT, Joy OLADOKUN, BIRDY) et du guitariste Rob McNelley (Joe BONAMASSA, Beth HART, Buddy GUY), est très largement supérieure à ce que j'estimais lors de ma première écoute. Ainsi, si ma première impression allait vers le 2/5, je ne peux pas, après avoir pris le temps d’écouter pour commenter, mettre moins de 3,5, note que j'arrondis à 4 sans états d’âme. Et là, j'en suis sûr, les ayatollahs de la country seront d'accord avec moi.