Similairement à de nombreux artistes, on sait ce que l'on va trouver dans un album de Joyce JONATHAN, et cela représente un avantage aussi bien qu'un souci. Après Une Place Pour Moi pour le moins classieux, il faut avouer que On (2018) n'était pas des plus engageants, même si c'est contradictoire avec son propos positif.

Positif, justement, voilà tout ce que l'on s'imagine d'une nouvelle oeuvre portant le titre Les P'tites Jolies Choses, avant d'y avoir plongé. Certes, depuis ses débuts, Joyce JONATHAN a été remarquée pour ses chansons gaies, musicalement comme textuellement. Il est donc naturel qu'un contenu à la pochette où notre chanteuse se plante elle-même dans un chant de tournesols aille dans ce sens-là.

"Bonjour au Revoir" et ses scénettes quotidiennes, son refrain en différentes langues (anglais, mandarin, espagnol et italien), sa pop-folk entraînante garnie de cuivres a tout du single porteur le plus gentillet et à même de plaire au public français en demande de sourires, gardien de valeurs que les 'musiques urbaines' n'ont pas contaminées. Par ses mots, la demoiselle regrette le manque de contact avec la plupart des personnes que l'on peut croiser.

Plus loin, "Assez" clame l'envie de liberté par rapport aux parents, au virtuel, avec toujours les intonations adolescentes des débuts : le morceau est d'ailleurs un nouveau "Je ne sais pas" ou "Ça ira" sur le plan des arrangements. En parlant de virtuel, avec "Cliché", elle se fend d'ironie sur l'attitude des filles conjuguée aux réseaux sociaux. On a tous en tête les photos Facebook/Instagram avec une demoiselle prise de dos, sur un seul pied, écartant les bras haut pour clamer son bonheur-liberté face à un paysage de rêve ou un simple élément de décor. Exemple parmi d'autres bien sûr, mais le titre est savoureux pour cela ! De même, "T'es beau, t'es beau", dédié aux personnalités de façade.

Là où le rythme se pose et les trombones rutilent moins (tout de même, si l'apport des cuivres est agréable, rien ne convient mieux à la voix de Joyce JONATHAN qu'un saxophone depuis "Ça ira"), le piano revient pour des chansons autrement mémorables. A contrario, et depuis douze ans pareil, c'est souvent dans un registre mélancolique que la belle artiste excelle : "Comptine d'automne", "Celui que j'aime" sur le recommencement après ruptures amoureuses. C'est dans la même formule, sans cordes, seule et humble, qu'elle annonce à son public l'arrivée prochaine de sa fille, chose anachronique en 2022, Ghjulia étant née il y a plus d'un an et demi.

"Quatre Murs et Toi", ternaire valsé à la guitare, chanson pleine de visions enfantines et de fredonnements, demeure l'une des meilleures de l'ensemble. Le constat est similaire pour la ballade "J'sais pas, j'sais plus", elle aussi hantée par un ex-amoureux, où l'orchestration respire mieux qu'ailleurs, et pourtant, sans rien perdre en chaleur. À noter dans le même style mais plus en mode grands espaces, "À la Vie Comme à la Mort", duo français-anglais avec Jason MRAZ, nostalgique et très sympathique. Pas de photo 'happy' Instagram, mais un clip réunissant les deux interprètes aux États-Unis, et parfois en dansant, en écartant les bras, face au décor !

Par sa réalisation moins lisse, ce nouvel opus est plus appréciable que son prédécesseur, bien qu'il manque de titres forts. Ce sont au moins des retrouvailles attendues mais convaincantes avec Joyce JONATHAN, artiste réputée 'vraie' et que l'on aime bien retrouver, même si l'essentiel de son succès est derrière elle.

La grande surprise, inespérée, se situe dans l'E.P Toi et Moi, joint en bonus à l'édition spéciale : un groupe de six chansons en collaboration avec le trompettiste de jazz Ibrahim MAALOUF. Seul le piano-voix "J'm'en vais pas" aurait pu faire partie du disque 'normal' sans trop de différence. Le reste, en revanche, permet d'entendre les chansons de Joyce et sa voix, parfois doublée, avec davantage de ruptures rythmiques, des moments groovy et bossa-nova, des solos mieux marqués. MAALOUF lui-même n'en abuse pas mais l'ensemble se trouve joliment coloré. Peut-être aurait-il pu y avoir plus de liberté. On ne saurait néanmoins bouder ces quelques petits plaisirs que sont "Vagabonde" (ces "aaaah", justement oui, aaaah !), le chaloupé "Tout commence par la fin", ou encore "C'est pas la fin du monde", d'un relativisme à-propos et avec, pour conclure - merci ! -, un long solo de saxo !